Congo-Brazzaville, épicentre vert du Bassin du Congo
Situé à la confluence des influences atlantiques et équatoriales, le Congo-Brazzaville se déploie sur près de trente-quatre millions d’hectares de forêts denses, soit plus de 65 % de son territoire national. Ce massif végétal, par sa capacité d’absorption annuelle estimée à 1,5 gigatonne de dioxyde de carbone (Comité scientifique du Bassin du Congo, 2023), constitue l’un des plus puissants puits de carbone au monde après l’Amazonie. Sur le terrain, cette réalité se matérialise par une mosaïque d’écosystèmes – marécages du lac Télé, savanes du Mayombe, mangroves de la côte atlantique – qui confèrent au pays un rôle pivot dans la régulation climatique régionale et mondiale.
La reconnaissance internationale de cette fonction écologique, confirmée lors du One Forest Summit organisé à Libreville en 2023, place Brazzaville au centre d’une diplomatie environnementale active, axée sur la défense des forêts équatoriales et la promotion d’une économie sobre en carbone.
Engagements internationaux et diplomatie climatique congolaise
Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, signataire de l’Accord de Paris dès 2016, le Congo a révisé sa Contribution déterminée au niveau national (CDN) pour porter à 47 % son objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030, principalement grâce à la limitation de la déforestation et à l’expansion des énergies renouvelables. Cette orientation a permis d’ouvrir un dialogue fécond avec le Fonds vert pour le climat, la Central African Forest Initiative (CAFI) et la Banque africaine de développement, qui accompagnent financièrement la mise en œuvre de stratégies de conservation et d’adaptation.
La « Commission climat du Bassin du Congo », présidée par Brazzaville depuis la COP22, matérialise par ailleurs l’ambition d’une gouvernance concertée entre États riverains. Elle favorise l’harmonisation des inventaires forestiers, la mutualisation des données satellites et la création d’un marché carbone régional, vecteur d’attractivité pour les investisseurs soucieux de compensations vérifiables.
Politiques nationales de gestion durable des forêts
Au plan interne, le Code forestier révisé en 2020 impose la certification indépendante des concessions et consacre l’obligation pour les opérateurs d’affecter 10 % de leurs revenus à des projets communautaires. Dans les départements de la Sangha et de la Likouala, les plans d’aménagement durable, mis en œuvre en partenariat avec des ONG comme la Wildlife Conservation Society, s’appuient sur la cartographie participative et la traçabilité numérique des grumes afin de réduire l’impact écologique de l’exploitation.
Les autorités misent également sur les aires protégées, qui couvrent désormais 13 % du territoire. Le parc national d’Odzala-Kokoua abrite l’une des plus fortes densités de gorilles des plaines occidentales, espèce parapluie dont la préservation assure celle d’une myriade d’organismes endémiques. « La conservation n’est pas un frein au développement mais un levier de résilience », rappelle Arlette Soudan-Nonault, ministre de l’Environnement, soulignant la vocation écotouristique de ces espaces.
Valorisation durable des ressources et transition énergétique
La dépendance historique aux hydrocarbures, qui représentent plus de 80 % des exportations, nourrit la volonté de diversifier l’économie. Le Plan national de développement 2022-2026 promeut l’agroforesterie cacao-bananier-acajou dans le Niari, la production de biomasse issue des rejets de scieries, ainsi que l’essor de mini-centrales solaires destinées aux zones enclavées. Ces initiatives, soutenues par la Facilité africaine de transition énergétique, s’inscrivent dans une logique de création d’emplois locaux et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Parallèlement, le programme « Gaz torché zéro » prévoit l’élimination des pratiques de brûlage à la torche sur les plateformes pétrolières d’ici 2030. La récupération de ce gaz associé doit alimenter des cycles combinés à Pointe-Noire, réduisant l’intensité carbone du secteur tout en sécurisant l’approvisionnement électrique national.
Recherche scientifique et coopération transfrontalière
La station biologique de Makoua, cogérée par le Centre de recherche forestière (CRF) et l’Université Marien-Ngouabi, accueille chaque année des équipes franco-congolaises chargées d’étudier les flux de carbone et la dynamique de régénération des essences nobles. Les données issues des tours à flux de CO₂ installées dans la canopée alimentent le Global Carbon Project et affinent les modèles climatiques régionaux.
Au-delà des frontières, le Congo collabore avec le Gabon et le Cameroun dans le cadre de l’Observatoire satellitaire des Forêts d’Afrique centrale. Cette plateforme, hébergée à Brazzaville, mutualise les images radar pour détecter en temps quasi réel les brûlis illégaux. « La transparence forestière est désormais un prérequis à toute attractivité climatique », souligne le directeur de l’observatoire, Jean-Pierre Nkodia, évoquant la montée en puissance des standards MRV (Mesure, Rapport, Vérification).
Vers une économie verte inclusive
Les défis demeurent considérables : croissance démographique rapide, urbanisation pressante le long du corridor Brazzaville-Pointe-Noire, attentes socio-économiques des jeunes générations. Néanmoins, la convergence entre stratégies nationales et mécanismes internationaux offre au Congo-Brazzaville l’opportunité de transformer son capital naturel en moteur de développement durable. L’insertion de clauses sociales dans les contrats carbone permet d’orienter une partie des revenus vers l’accès à l’éducation et à la santé des populations riveraines, consolidant ainsi l’acceptabilité des mesures de conservation.
À l’heure où le monde recherche des solutions crédibles pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, le modèle congolais, fondé sur la valorisation des services écosystémiques et le renforcement des capacités locales, apporte la démonstration qu’un équilibre entre préservation et prospérité est envisageable. En misant sur le dialogue multilatéral, la science et l’innovation, Brazzaville consolide sa position de partenaire incontournable dans la gouvernance climatique globale.