Une missive citoyenne qui résonne dans l’espace public
L’actualité politique congolaise a récemment été marquée par la diffusion, sur divers canaux médiatiques, d’une lettre ouverte adressée au chef de l’État, Denis Sassou Nguesso. Portée par trente-sept personnalités issues de l’opposition extra-parlementaire et de la société civile, aussi bien de l’intérieur du pays que de la diaspora, la démarche revendique un caractère solennel et se présente comme une interpellation respectueuse des plus hautes autorités. Les signataires, parmi lesquels l’ancien ministre Mathias Dzon, l’universitaire Aimée Mambou Gnali ou encore le militant Andréa Ngombet, expriment avant tout leur souci de voir s’instaurer, au bénéfice de la nation, un dialogue politique « sans exclusive ». Derrière la forme épistolaire, c’est la volonté d’inscrire la discussion publique dans un registre institutionnel et républicain qui transparaît.
Entre inquiétudes socio-économiques et résilience institutionnelle
Au fil des quatre pages de la missive, les auteurs dressent un tableau qu’ils qualifient de « crise multidimensionnelle ». Ils évoquent tour à tour l’endettement, la conjoncture internationale défavorable, les tensions sur l’emploi et le pouvoir d’achat. Cette perception contrastée de la conjoncture ne saurait cependant occulter la capacité de résilience dont a fait preuve le Congo-Brazzaville au cours des dernières années, notamment à travers les programmes de consolidation budgétaire menés en coopération avec les partenaires internationaux, ou la reprise graduelle des chantiers d’investissement publics. Les autorités rappellent régulièrement, dans leurs communications officielles, que la soutenabilité des finances publiques et la stabilité sociale demeurent au cœur de l’agenda gouvernemental.
Le socle constitutionnel comme terrain d’entente
Les auteurs de la lettre fondent leur argumentaire sur les dispositions constitutionnelles relatives à la participation citoyenne et aux libertés publiques. Cette référence fréquente au texte fondamental souligne leur volonté de légitimer la démarche dans le plein respect des institutions existantes. De son côté, l’exécutif n’a eu de cesse de rappeler, ces dernières années, son attachement à l’État de droit et la nécessité de préserver la cohésion nationale, notamment dans les périodes pré-électorales. L’invocation simultanée de la Constitution par les uns et les autres apparaît comme un dénominateur commun, propice à l’ouverture d’espaces de discussion pluralistes.
Les contours envisagés d’un dialogue inclusif
Le concept congolais de « mbongui », évoqué par les signataires, renvoie à la tradition palabrale où la communauté se réunit pour forger un consensus. Dans la présente initiative, il s’agirait d’un forum national capable de regrouper partis politiques, syndicats, confessions religieuses et forces vives, afin de formuler des propositions sur la gouvernance économique et la préparation du scrutin présidentiel de 2026. Certains acteurs institutionnels soulignent toutefois que des cadres de concertation, tels le Conseil national du dialogue, fonctionnent déjà et qu’ils peuvent être renforcés plutôt que doublonnés. La question n’est donc pas tant de créer un mécanisme ex nihilo que de déterminer, dans un esprit d’inclusivité, les ajustements nécessaires pour optimiser ceux qui existent.
Réactions mesurées des autorités et perspectives
Dans l’entourage du gouvernement, l’initiative est appréciée pour le ton républicain employé, tout en étant examinée au prisme de la stabilité institutionnelle. Des conseillers rappellent que « la porte du dialogue n’a jamais été fermée », citant les nombreuses rencontres thématiques organisées depuis la Conférence nationale souveraine de 1991. La libération de certaines personnalités évoquées dans la lettre, dont le général Jean-Marie Michel Mokoko ou l’ancien ministre André Okombi Salissa, relève quant à elle du domaine judiciaire et demeure soumise aux procédures en vigueur. Les observateurs convergent sur un point : la consolidation d’un climat serein passe par le respect des décisions de justice, mais aussi par la mise en œuvre, le moment venu, d’amnisties législatives ou de mesures de grâce, le cas échéant.
Vers une éventuelle dynamique consensuelle
En définitive, la lettre ouverte agit comme un signal politique supplémentaire, traduisant la vitalité du pluralisme congolais. La coexistence d’appréciations parfois divergentes, mais exprimées dans le cadre de la légalité, témoigne de la maturation progressive de la scène publique. Si la perspective d’un dialogue national sans exclusive reste, à ce stade, une proposition, elle n’en nourrit pas moins une réflexion collective sur les modalités de la gouvernance et la préparation d’échéances politiques majeures. À mesure qu’approche le scrutin de 2026, la recherche d’un compromis entre impératifs de stabilité et aspirations à une participation élargie pourrait ouvrir la voie à des réformes ciblées, dans un esprit d’unité et de concorde, conformément à la tradition congolaise du mbongui.