Convergence d’acteurs autour d’une vision partagée
Le débat sur l’avenir économique du Congo-Brazzaville a franchi un cap décisif avec les tables rondes consultatives organisées à Pointe-Noire puis à Brazzaville, dans le cadre du projet « Préparer l’après-pétrole au Congo ». Plus d’une centaine de participantes et participants – responsables ministériels, cheffes et chefs d’entreprises, universitaires, représentantes et représentants de la société civile, leaders communautaires – ont conduit un exercice collégial rare dans la région : construire une représentation commune des défis et des opportunités que recèle la transition vers une économie bas carbone. Le patronage du ministère de l’Environnement, renforcé par l’appui technique d’Energy Transition Fund et l’accompagnement financier de la Fondation Rockefeller, a conféré à ces assises un poids institutionnel qui témoigne de la volonté politique de soutenir des solutions consensuelles.
Un diagnostic socio-économique unanimement reconnu
Quatrième producteur pétrolier du continent, le pays est exposé aux aléas des cours mondiaux et aux tensions géopolitiques, comme l’a rappelé la directrice générale du développement durable, Résine Olga Ossombo Mayela : « Notre dépendance historique au brut a souvent réduit nos marges de manœuvre budgétaires ». Les indicateurs confirment son propos : plus de 50 % des recettes publiques proviennent encore des hydrocarbures, tandis que la contribution combinée de l’agriculture et des services hors pétrole demeure en-deçà de 20 %. Or, d’après les modèles élaborés par le Centre africain pour la recherche climatique, la fenêtre d’opportunité pour diversifier sérieusement le tissu productif se refermera graduellement à l’horizon 2030 si aucune inflexion majeure n’est engagée.
Diversification productive et innovation verte comme leviers
La feuille de route adoptée identifie trois vecteurs prioritaires : l’essor d’une agriculture écologiquement intensive, la valorisation durable de la biodiversité forestière et le développement d’industries de services numériques à faible empreinte carbone. Sur le premier volet, il s’agit de renforcer les filières vivrières et d’exportation grâce à des techniques agroécologiques adaptées aux écosystèmes du bassin du Congo, tout en sécurisant l’accès au foncier des communautés locales. S’agissant de la forêt, le pays entend consolider son leadership dans la production de bois certifié, mais également ouvrir des débouchés à la bioéconomie, qu’il s’agisse de molécules pharmaceutiques ou de crédits carbone issus de mécanismes REDD+. Enfin, la montée en puissance des infrastructures numériques fournit un terrain d’expérimentation pour les jeunes pousses congolaises, déjà actives dans la gestion intelligente de l’énergie et la traçabilité des chaînes logistiques.
Financements innovants et alliances multipartites
Les participantes et participants ont souligné l’importance de mécanismes de financement hybrides associant partenariats public-privé, émissions d’obligations vertes et fonds de capital-risque spécialisés. Le coordonnateur national de la RPDH, Christian Mounzéo, estime que « la réussite de cette transition dépendra de la capacité à mobiliser des capitaux concessionnels tout en rassurant les investisseurs privés sur la stabilité réglementaire ». Dans cette perspective, les discussions ont mis l’accent sur la création d’un guichet unique dédié aux projets verts à forte intensité de main-d’œuvre, adossé à une plateforme de veille stratégique qui suivra en temps réel les performances environnementales et sociales des projets.
Renforcement de la gouvernance et sécurisation du cadre juridique
La durabilité des réformes envisagées requiert une consolidation des institutions. Les experts consultés plaident pour l’intégration systématique des critères ESG dans les marchés publics, l’actualisation du code minier pour y intégrer la dimension climatique et la mise en place d’un tribunal spécialisé en litiges environnementaux. De surcroît, la participation active des peuples autochtones est présentée comme un corollaire éthique et opérationnel du succès. Le gouvernement explore déjà la possibilité d’instituer des contrats de partage de bénéfices issus des projets de compensation carbone, inspirés des bonnes pratiques observées en Afrique australe.
Perspectives stratégiques pour une économie résiliente
À l’issue des consultations, un consensus se dégage : le Congo-Brazzaville dispose des atouts naturels, humains et diplomatiques nécessaires pour devenir un acteur de référence de la croissance verte en Afrique centrale. La consolidation du dialogue État-secteur privé, la montée en compétence des administrations et la diffusion d’une culture d’évaluation indépendante demeurent toutefois des conditions sine qua non. Les observatrices et observateurs estiment que la prochaine étape consistera à inscrire les objectifs de la feuille de route dans la Loi de finances 2026, afin de garantir un ancrage budgétaire et fiscal pérenne à la transition. Le pari est audacieux, mais la convergence d’engagements enregistrée lors des tables rondes laisse entrevoir une dynamique vertueuse capable de transformer les vulnérabilités présentes en ressorts de compétitivité durable.