Un nouveau cycle de vigilance institutionnelle
Réuni à Brazzaville le 24 juillet 2025, le Comité exécutif du processus ITIE congolais a ouvert un cycle décisif pour la consolidation de la gouvernance des ressources naturelles. Sous la présidence du ministre des Finances, Christian Yoka, et en présence des ministres Rosalie Matondo et Arlette Soudan-Nonault, les travaux ont dressé l’inventaire des avancées accomplies depuis la précédente session de juin. Le calendrier est serré : le rapport national couvrant l’exercice 2024 doit être finalisé avant la fin de l’année 2025 pour que l’ITIE internationale puisse engager la phase de validation. L’enjeu dépasse la seule conformité administrative ; il s’agit de démontrer la robustesse institutionnelle d’un État producteur qui, tout en mobilisant ses recettes extractives, veut garantir au corps social un partage équitable des bénéfices.
Au-delà du rituel bureaucratique, la rencontre a mis en exergue le renforcement du dispositif d’audit des flux financiers issus du pétrole, des mines et des forêts. Depuis la réforme budgétaire de 2023, qui a introduit la traçabilité numérique des paiements, les régies financières disposent d’outils capables de rapprocher les déclarations fiscales des entreprises et les montants effectivement versés au Trésor. Cette transparence accrue constitue, selon Christian Yoka, « un signal de crédibilité envoyé aux partenaires techniques et financiers », tout en favorisant une planification budgétaire plus prévisible pour les politiques sociales et environnementales.
Transparence extractive et impératifs écologiques
La discussion technique n’a pas occulté la dimension environnementale, alors que le secteur extractif représente encore plus de 60 % des exportations congolaises. La ministre de l’Environnement a rappelé que la mise en œuvre du plan Climat national, actualisé en 2024 afin de s’aligner sur l’Accord de Paris, suppose une grille de lecture élargie de la notion de rentabilité. Désormais, les indicateurs de performance intègrent l’empreinte carbone des opérations, le respect des normes de restauration des écosystèmes miniers et la contribution des compagnies pétrolières au fonds de résilience climatique.
Cette articulation entre finance publique et transition verte explique l’attention portée aux informations environnementales et sociales dans le futur rapport ITIE. Les lignes directrices 2023 de l’organisation internationale encouragent en effet chaque pays à publier des données sur les émissions de gaz à effet de serre, les compensations foncières et la redistribution locale des redevances. Le Congo, couvert à 65 % par la forêt équatoriale, voit dans cette exigence une opportunité : rendre visibles les efforts de conservation qui justifient l’initiative de crédits carbone certifiés lancée l’an dernier avec l’appui de la Banque africaine de développement.
Un dialogue public-privé en reconfiguration
La réussite de l’exercice repose sur la pluralité des acteurs. Côté entreprises, TotalEnergies, Eni et Zanaga Iron Ore ont confirmé la transmission trimestrielle de leurs états de paiement, se conformant au principe « reporting désagrégé par projet ». Côté société civile, la Plateforme congolaise pour l’observation de la gouvernance des ressources naturelles a souligné la nécessité d’améliorer l’accessibilité des données brutes aux communautés riveraines. « La transparence ne se décrète pas uniquement dans les capitales, elle se vit dans les zones d’exploitation », a fait valoir son coordonnateur, Georges Makaya, rappelant que l’inclusion sociale demeure l’un des critères de notation de l’ITIE.
Pour fluidifier ce dialogue, le secrétariat permanent a proposé la création de trois commissions thématiques : Réconciliation des données, Suivi environnemental et Partage des bénéfices locaux. Inspiré des pratiques du Sénégal, ce schéma permettra de mutualiser expertises techniques et légitimités sociales, réduisant les risques d’incompréhension qui avaient entaché la consultation communautaire de 2022 autour du gisement de potasse de Koutou.
Les défis structurels d’une validation internationale
Si les progrès sont tangibles, le secrétaire permanent Florent Michel Okoko admet que plusieurs défis persistent. Le premier tient à la complétude des données historiques : les déclarations antérieures à 2021 ne sont pas toutes numérisées, contrariant la comparaison diachronique des flux financiers. Le second concerne la capacité de certains services déconcentrés du Trésor à appliquer les nouvelles procédures de rapprochement comptable. Pour y remédier, une session de formation, financée par le Fonds monétaire africain, sera organisée au troisième trimestre.
Sur le plan juridique, l’actualisation du Code minier, adoptée en avril 2024, doit encore faire l’objet de textes d’application précisant les obligations de reporting ESG. Les experts du secrétariat ITIE recommandent de publier ces décrets au Journal officiel avant décembre, faute de quoi le Congo pourrait être invité à fournir un plan correctif post-validation. Cependant, le gouvernement se veut confiant : l’Assemblée nationale a programmé l’examen accéléré du projet dès la prochaine session extraordinaire.
Vers une gouvernance des ressources alignée sur l’Agenda 2030
La validation ITIE est perçue comme un instrument stratégique, et non une fin en soi. Elle s’inscrit dans la feuille de route nationale de diversification économique, qui ambitionne de porter la part du secteur non-extractif à 40 % du PIB en 2030. Dans cette perspective, les recettes pétrolières et minières doivent financer la montée en puissance de l’agro-industrie durable, du tourisme écologique et des énergies renouvelables.
Le pari est donc double : maintenir la compétitivité du secteur extractif tout en transformant sa rente en un levier de résilience climatique et sociale. Si le giron international scrutera la conformité du rapport ITIE 2024, les populations congolaises, elles, attendent que la transparence se traduise par des infrastructures, des emplois qualifiés et une préservation tangible du patrimoine forestier. À moyen terme, la dynamique actuelle offre un cadre propice pour inscrire la gouvernance des ressources naturelles du Congo dans l’Agenda 2030 en privilégiant un modèle de développement à la fois ouvert, inclusif et écologiquement responsable.