Brazzaville mobilisée pour la CDN 3.0
À l’ombre des manguiers du quartier Plateau, une trentaine d’associations environnementales se sont retrouvées le 24 octobre à Brazzaville pour affûter leur position sur la prochaine Contribution déterminée au niveau national, dite CDN 3.0. L’objectif : parler d’une seule voix pour peser dans le débat climatique.
« Nous voulons que chaque mot de la nouvelle CDN reflète l’expérience du terrain », résume Nina Cynthia Kiyindou Yombo, directrice exécutive de l’Observatoire congolais des droits de l’homme. Pour elle, l’enjeu dépasse le texte : il s’agit d’aligner ambitions internationales et réalités des villages forestiers.
Un processus participatif en construction
Le gouvernement, signataire actif de l’Accord de Paris, a déjà lancé les discussions techniques. Les organisations saluent cette dynamique tout en plaidant pour des consultations plus étendues dans les départements, afin que pêcheurs du Kouilou ou planteurs de la Sangha puissent contribuer sans filtre.
Selon les participants, une inclusion précoce limite les risques de malentendus et accélère la mise en œuvre. « Nous voulons éviter le scénario où les communautés découvrent les engagements après publication », note Aristide Samba de l’ONG Actions Vertes, qui coordonne des radios rurales.
Des attentes concrètes pour les forêts du Congo
La note d’analyse en cours d’écriture propose de renforcer le moratoire sur les concessions forestières sensibles, d’accélérer la certification FSC sur les titres existants et de promouvoir des corridors écologiques entre Odzala-Kokoua et Nouabalé-Ndoki.
Les ONG suggèrent aussi d’adapter la politique REDD+ aux forêts marécageuses du Likouala, encore peu étudiées, dont le potentiel de stockage de carbone souterrain serait déterminant pour atteindre la neutralité carbone nationale.
Pour Madeleine Mankessi, cheffe traditionnelle à Ngombé, « protéger la forêt, c’est protéger la médecine de nos enfants ». Son témoignage, repris dans le projet de contribution, illustre la volonté de mêler science et savoirs locaux.
Renforcer la collecte de données locales
Les acteurs de terrain réclament des stations météo communautaires et l’accès public aux images satellites déjà acquises par l’Agence congolaise d’études spatiales. Un jeu de données harmonisé faciliterait le suivi des incendies et la planification de patrouilles anti-braconnage.
Ils proposent la formation de 200 jeunes bénévoles au traitement d’images via des logiciels libres. Un pilote mené à Impfondo a réduit de 25 % le délai de détection de coupes illégales, argumentent-ils, chiffres à l’appui.
Coupler ces données aux registres fonciers limiterait les conflits d’usage, en particulier autour des gisements de manganèse du Niari, où forêt et industrie se côtoient.
Financements et capacités : le nerf de l’action
Si les ambitions sont élevées, la question du financement reste centrale. Les ONG préconisent un guichet national unique pour drainer investissements privés, budget de l’État et fonds climat internationaux, contribuant ainsi à la transparence budgétaire appréciée par les bailleurs.
Elles plaident pour que 10 % des recettes de la taxe carbone pilote, en discussion, soient fléchées vers des projets portés par les communautés, de la valorisation du cacao agroforestier à la diffusion de foyers améliorés.
À Brazzaville, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale confirme son intérêt pour des lignes de crédit vertes. « Le marché est mûr dès qu’un pipeline clair de projets existe », estime son économiste Clément Malonga.
Prochaines étapes vers l’atelier national
Le draft final de la note de contribution doit être bouclé avant l’atelier national prévu par le ministère de l’Économie forestière. Les associations s’organisent déjà pour partager le document dans les langues locales et récolter les retours par messagerie WhatsApp.
Les autorités ont accueilli favorablement cette démarche. Un comité conjoint, associant administration, universitaires et société civile, pourrait voir le jour pour arbitrer les priorités et suivre l’exécution post-2025.
Dans la salle, l’ambiance demeurait constructive. « Nous ne sommes pas là pour opposer, mais pour proposer », souligne Nina Kiyindou Yombo. La confiance mutuelle devrait, selon elle, accélérer la validation des budgets pilotes.
Avant de se séparer, les participants ont échangé des numéros utiles : direction du climat, secrétariat REDD+ et cellule parlementaire climat. Prochaine rencontre annoncée à Dolisie, afin d’élargir encore le cercle des contributeurs et faire des forêts congolaises un modèle régional de gouvernance partagée.
									 
					