Diplomatie climatique africaine à l’ONU
À New York, lors de la 77ᵉ Assemblée générale, trois ministres des Affaires étrangères – Jean-Claude Gakosso pour le Congo, Lejeune Mbella Mbella pour le Cameroun et Mohamed Salem Ould Merzoug pour la Mauritanie – ont porté une même revendication : replacer l’Afrique au centre des décisions mondiales.
Devant l’hémicycle, les délégations ont conjugué climat, sécurité alimentaire et gouvernance internationale, soulignant que ces dossiers sont désormais indissociables. Le mot d’ordre, martelé par M. Gakosso, résonne comme un leitmotiv continental : « l’Afrique doit effectivement prendre sa place dans le concert des nations ».
Climat et financement : combler le fossé Nord-Sud
Lejeune Mbella Mbella a rappelé l’urgence de finaliser les règles d’application de l’Accord de Paris afin de libérer des flux financiers prévisibles vers les pays vulnérables. Les promesses de 100 milliards de dollars annuels restent, selon lui, « honorées au compte-gouttes », fragilisant les communautés rurales.
Dans le bassin du Congo, deuxième poumon vert mondial, plusieurs projets REDD+ attendent encore la concrétisation d’appuis techniques et budgétaires. Les autorités congolaises misent sur la transparence des données satellitaires et la participation communautaire pour démontrer la valeur carbone des forêts et attirer des partenariats équitables.
Dette africaine : un frein à la transition
Pour Mohamed Salem Ould Merzoug, la transition verte ne peut être financée sous le poids d’un service de la dette qui absorbe déjà plus de 20 % des recettes publiques de nombreux pays. Il plaide pour « l’élimination pure et simple » des encours les plus coûteux.
Au Congo-Brazzaville, des rééchelonnements ont déjà dégagé une marge budgétaire consacrée à l’électrification solaire des villages forestiers. Les partisans d’une annulation ciblée estiment qu’une libération supplémentaire de ressources renforcerait les programmes d’agroforesterie et de cuisson propre, deux options à fort impact social et climatique.
Conseil de sécurité : rééquilibrer la gouvernance mondiale
Jean-Claude Gakosso rappelle que l’Afrique, forte de 1,4 milliard d’habitants, ne détient aucun siège permanent au Conseil de sécurité. Il juge cette situation « à contre-courant de l’histoire » et appelle à un élargissement capable de refléter les réalités géopolitiques contemporaines.
Pour les observateurs de Brazzaville, une présence permanente offrirait un canal direct pour défendre les intérêts climatiques du continent, du financement de l’adaptation à la prévention des conflits liés aux ressources naturelles. La diplomatie congolaise s’emploie donc à bâtir des alliances transrégionales sur ce dossier sensible.
Alerte sur l’Ukraine et risque nucléaire
Évoquant la guerre en Ukraine, le chef de la diplomatie congolaise a mis en garde contre « un risque considérable de catastrophe nucléaire ». Il appelle tous les acteurs influents à renouer le fil du dialogue afin de préserver la stabilité énergétique et alimentaire déjà fragilisée par le conflit.
Cette prise de position illustre la tradition de médiation prônée par Brazzaville, qui s’est déjà illustrée sur plusieurs fronts africains. Selon un diplomate européen, « la neutralité constructive des Congolais peut aider à maintenir ouverts les canaux humanitaires essentiels au Sud ».
COP27 en Égypte : attentes et réalités
La prochaine COP27, organisée à Charm el-Cheikh, est décrite par M. Mbella comme une échéance « cruciale pour la survie de la planète ». Les délégations africaines préparent un front commun réclamant un mécanisme opérationnel de pertes et dommages pour les pays déjà frappés par les inondations et sécheresses.
Les experts congolais insistent sur la valeur stratégique du fleuve Congo, dont les tourbières stockent plus de trente milliards de tonnes de carbone. Ils espèrent que l’événement débouchera sur des compensations financières permettant de financer la surveillance hydrologique et des brigades mixtes contre la déforestation illégale.
Témoignages de terrain : la réalité communautaire
À Betou, dans la Likouala, Irène Mouangui, agricultrice, observe déjà la montée des eaux qui emporte ses semis de manioc. « Nous entendons parler de milliards aux sommets, mais ici il nous faut simplement des semences résistantes et une diguette », confie-t-elle au téléphone.
Dans la banlieue de Pointe-Noire, l’ingénieur John Samba pilote une coopérative photovoltaïque. Il salue les efforts diplomatiques mais rappelle que « sans accès abordable au crédit, nos micro-projets resteront symboliques ». Son unité alimente aujourd’hui cinquante foyers, preuve concrète des retombées possibles quand les financements atteignent le terrain.
Outils pratiques pour suivre les négociations
Les ministères congolais publient désormais en ligne un tableau de bord actualisé des engagements climat, accessible au public. Un numéro vert du Centre national d’inventaire forestier oriente les chefs de village souhaitant certifier leurs parcelles communautaires dans le cadre des futures ventes de crédits carbone.
Plusieurs universités de Brazzaville organiseront des retransmissions en direct des sessions plénières de la COP27, accompagnées d’ateliers de décryptage animé par des chercheurs et entrepreneurs. L’objectif est de traduire les termes techniques en actions concrètes, depuis la gestion des déchets plastiques jusqu’à l’efficacité énergétique des bâtiments scolaires.
Vers un agenda partagé
En articulant climat, dette et gouvernance, les diplomates africains veulent bâtir un agenda gagnant-gagnant avec leurs partenaires. La République du Congo, forte de son capital naturel et de sa tradition de dialogue, se positionne comme trait d’union entre territoires forestiers, grands bailleurs et organisations multilatérales.
									 
					