Un sommet continental décisif
Addis Abeba s’est réveillée sous le bourdonnement des délégations. Du huit au dix septembre, quarante-cinq chefs d’État et de gouvernement, ministres, bailleurs et ONG convergent vers la capitale éthiopienne pour le deuxième Sommet africain sur le climat.
Placé sous le thème « Accélérer les solutions climatiques mondiales : financer le développement résilient et vert de l’Afrique », le rendez-vous veut transformer l’ambition collective en feuilles de route accessibles aux investisseurs publics et privés.
Fitsum Assefa, ministre éthiopien de la Planification et du Développement, l’a rappelé à l’ouverture : « Notre succès se mesurera à la mobilisation de financements permettant des projets concrets ». Une déclaration finale et un appel à l’action sont attendus vendredi.
Financer la résilience africaine
L’enjeu central reste le financement. L’Afrique, responsable de moins de 4 % des émissions mondiales, supporte pourtant des pertes évaluées par la Banque africaine de développement à 50 milliards de dollars par an liées aux chocs climatiques.
Au-delà des montants, plusieurs dirigeants soulignent la nécessité de rapidité. Entre la première soumission d’un projet et le décaissement effectif, il s’écoule souvent quatre ans, une éternité face aux sécheresses récurrentes. Des guichets simplifiés destinés aux collectivités seront testés dès 2024.
Les délégations poussent pour des instruments innovants : réallocation de DTS, allègement de dette contre investissement vert, mécanismes de garantie continentale et marchés carbone crédibles. Le président kenyan William Ruto évoque « une architecture financière repensée par et pour l’Afrique ».
Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, il faudrait au moins 280 milliards de dollars annuels pour aligner l’adaptation africaine sur les objectifs de Paris. Les contributions annoncées à Addis serviront de test de crédibilité.
Le Bassin du Congo en vitrine
Véritable poumon vert mondial, le Bassin du Congo s’invite au cœur des discussions. Ses forêts stockent trente-deux milliards de tonnes de carbone et abritent 10 % de la biodiversité planétaire. Le Congo-Brazzaville défend une approche conciliant conservation et création de valeur.
Florent Ntsiba, coordonnateur national du Fonds bleu pour le Bassin du Congo, explique que « chaque dollar investi dans la forêt équatoriale génère des co-bénéfices sociaux immédiats ». Le pays plaide pour un prix plancher du carbone afin de rémunérer les services écosystémiques.
Plusieurs start-up congolaises présentent à Addis des modules de télédétection low-cost capables de suivre en temps quasi réel les foyers de déforestation. Les données géospatiales rassurent bailleurs et communautés sur la traçabilité des projets REDD+.
Parole aux communautés
Derrière les estrades, des délégations locales venues de la Cuvette, du Kasaï ou du Sahel témoignent des réalités quotidiennes. Monique Mbemba, agricultrice de Mossaka, confie que la saison sèche « dure un mois de plus qu’avant, brûlant nos semis ». Elle attend des solutions d’irrigation adaptées.
Les organisateurs ont réservé des sessions entières aux savoirs traditionnels. Awa Diallo, chercheuse malienne, rappelle que « les recettes de survie pastorale ont traversé les siècles ». Les scientifiques proposent de cartographier ces pratiques pour enrichir les bases de données climatiques.
À la veille du sommet, une marche symbolique a réuni dans les rues d’Addis plus de 3 000 jeunes issus de 35 pays. Brandissant des pancartes « 1,5 °C ou rien », ils exigent des dirigeants la fin des subventions aux énergies fossiles et un accès massif à la formation verte.
Une plateforme numérique pilotée par le Réseau des femmes africaines pour le développement durable recueille déjà plus de 2 000 témoignages audio en langues locales afin d’orienter les futurs projets climat.
Technologies vertes et données ouvertes
L’innovation se veut le deuxième moteur du sommet. Des micro-réseaux solaires hybrides développés en Éthiopie promettent de réduire de 60 % la facture énergétique des villages. La Société nationale d’électricité du Congo envisage des pilotes dans la Likouala.
Le Centre africain pour l’intelligence artificielle climat annonce une base de données ouverte combinant observations satellites et relevés de terrain. Objectif : anticiper les crues du fleuve Congo avec cinq jours d’avance, gagnant un temps précieux pour les autorités.
L’université Marien-Ngouabi présente un prototype de drone amphibie capable de prélever des échantillons d’eau pour analyser en temps réel la qualité du fleuve Congo. L’outil pourrait aider les communes riveraines à anticiper les flambées de maladies hydriques.
Côté finance, une fintech nigériane lance à Addis un portefeuille mobile rémunéré en crédits carbone certifiés. L’idée plaît aux jeunes Congolais présents sur le stand, souvent exclus des circuits bancaires classiques.
Prochaines étapes africaines
La Déclaration d’Addis-Abeba, en préparation, devrait appeler à tripler la part d’énergies renouvelables sur le continent d’ici 2030, tout en sécurisant des flux financiers prédictibles pour l’adaptation. Les négociateurs comptent défendre ce cap lors de la COP28.
Pour le Congo-Brazzaville, l’enjeu est aussi diplomatique. En 2024, Brazzaville accueillera sa propre Semaine africaine du climat, vitrine des progrès réalisés sur le terrain : hydro-électricité, cuisson propre, cartographie forestière. Cette perspective nourrit un optimisme mesuré.
En attendant, les voix réunies à Addis s’accordent sur un message : l’Afrique ne vient pas supplier, elle propose des solutions justes pour la planète. Reste à transformer l’élan politique en contrats signés et en emplois verts sur le terrain.