Face aux aléas climatiques, le Congo anticipe
Le 13 octobre, les sirènes d’alerte n’ont pas retenti, pourtant la menace était bien présente: inondations, glissements de terrain, épidémies liées aux eaux stagnantes. À Brazzaville comme à Ouesso, la 36e Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophes a poussé chacun à se projeter avant la crise.
Pour la ministre de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo, Arlette Soudan-Nonault, « l’heure est à l’investissement préventif ». Elle rappelle que chaque franc injecté avant une intempérie épargne des vies et jusqu’à dix francs de reconstruction, selon l’institut Swiss Re.
Des chiffres qui parlent: prévenir coûte dix fois moins
Derrière la formule, un enjeu financier colossal. Le rapport Resilience or Rebuild estime que les dommages climatiques peuvent entamer 14 % du PIB régional d’ici 2050 si rien n’est fait. Un chiffre qui résonne particulièrement dans un pays où le littoral et les plaines inondables concentrent l’activité.
Au siège du Programme national d’observation du climat, une carte satellite s’actualise toutes les six heures. Elle montre la montée des eaux du Kouilou, deux semaines avant qu’elles n’atteignent les villages. « Ces données font gagner des heures précieuses aux évacuations », témoigne l’ingénieur Beaudouin Moukouari.
Financement vert: un appel aux bailleurs
Le gouvernement veut étendre ces outils à l’ensemble des départements grâce à un Fonds national de préparation, doté initialement de trois milliards de francs CFA issus du budget 2024 et d’un prêt concessionnel de la Banque africaine de développement, encore en négociation.
« Il ne s’agit pas d’assistance, mais d’un placement sûr », insiste la ministre, plaidant pour que les bailleurs convertissent leurs promesses en lignes budgétaires pluriannuelles. Son discours s’appuie sur la stratégie Sendai, qui recommande de consacrer au moins 0,5 % du PIB à la prévention.
Gouvernance intégrée et plans locaux
Sur le terrain, la coordination multisectorielle progresse. À Pointe-Noire, la mairie, les chefs de quartiers et la société pétrolière locale ont établi des couloirs d’évacuation balisés. Les femmes maraîchères reçoivent des SMS sur la météo extrême avant d’aller aux champs, grâce à une application en lingala.
Ces initiatives locales se nourrissent d’un savoir traditionnel encore vivant. À Makoua, les anciens observent le comportement des termites pour anticiper les saisons. Le programme gouvernemental intègre ces indicateurs dans ses bases, afin d’enrichir les modèles numériques et de renforcer la confiance des communautés.
Innovations communautaires sur le terrain
Les normes de construction représentent un autre front. Depuis janvier, tout nouveau bâtiment public doit posséder des toitures capables de résister à des rafales de 180 km/h. Le Centre congolais de normalisation assure le contrôle et prévoit de labelliser d’ici 2025 un millier d’entreprises du secteur.
Afin d’appuyer la montée en compétence, l’Université Marien-Ngouabi ouvrira dès la rentrée prochaine un master en ingénierie de la résilience. Les futurs diplômés réaliseront leur stage dans les communes, ce qui devrait accélérer la mise à jour des plans locaux de prévention, encore disparates.
L’enjeu est particulièrement aigu dans les zones minières du Niari, où l’extraction à ciel ouvert fragilise les pentes. Selon le géologue Rodrigue Bissila, une coulée de boue peut parcourir 800 m en moins de trois minutes. Un système d’alarme sonore est désormais testé sur deux sites pilotes.
Sur le fleuve Congo, la montée rapide des eaux inquiète aussi les pêcheurs. L’Agence fluviale installe des balises lumineuses alimentées par panneaux solaires. « La nuit, la lumière rouge nous indique qu’il faut rentrer », explique Michel Mbemba, patron d’une pirogue, satisfait de la baisse des accidents.
Vers un agenda national de résilience 2030
Pour relier toutes ces actions, un agenda national de résilience 2030 est en cours d’élaboration. Il fixera des indicateurs simples : part du budget allouée à la prévention, nombre de communes dotées de sirènes, couverture cartographique. Un tableau de bord public sera actualisé chaque trimestre.
La protection civile mise aussi sur l’éducation. Dans les écoles primaires de Dolisie, les élèves miment l’évacuation d’une salle de classe inondée. « Les gestes appris enfant deviennent des réflexes d’adulte », rappelle la capitaine Josiane Itoua, qui supervise la formation de deux cent instituteurs.
Comment chaque citoyen peut agir
Le secteur privé n’est pas en reste. Plusieurs assureurs lancent des micro-polices couvrant la perte de revenus après une catastrophe naturelle. Selon la Fédération des sociétés d’assurance du Congo, 12 000 contrats ont déjà été souscrits, dont la moitié par des commerçantes du marché Total à Brazzaville.
Reste à ancrer durablement la culture du risque. La Plateforme jeunesse climat, soutenue par le Programme des Nations unies pour le développement, organise des ateliers de cartographie participative. À partir de leurs téléphones, les étudiants repèrent les zones d’accumulation d’eau et alimentent la base nationale d’alertes.
En clôture de la journée, Arlette Soudan-Nonault a rappelé que « prévenir, c’est gouverner pour demain ». Tout indique que le Congo entend transformer cette maxime en politique publique durable, où chaque décision d’investissement s’évalue aussi à l’aune des vies préservées et des paysages sauvegardés.
									 
					