Une session d’examen qui cristallise les attentes
Au matin du 17 juillet, le calme du Lycée technique industriel du 1ᵉʳ Mai de Brazzaville tranchait avec l’effervescence intérieure : 94 candidats issus du centre Don Bosco s’installaient, stylos alignés, pour les premières épreuves écrites du Certificat d’aptitude professionnelle. Trente-cinq de leurs camarades faisaient de même à Pointe-Noire, portant à 129 le nombre d’apprenants engagés. Le rite annuel, présidé par le directeur de cabinet du ministre de l’Enseignement technique et professionnel, Mamadou Kanté, ne se réduit pas à une formalité académique. Pour de nombreux observateurs, il sonde la capacité du pays à transformer son capital démographique en force de production qualifiée.
La dynamique du CAP dans l’écosystème éducatif congolais
Le CAP, équivalent du Brevet d’études techniques, s’inscrit dans un continuum de seize examens et concours organisés chaque année par le ministère de l’Enseignement technique et professionnel. Au-delà du symbole, il constitue la porte d’entrée vers les concours directs de la fonction publique et vers des établissements réputés, tels l’Institut polytechnique de Kintélé ou l’Institut professionnel et technologique d’Oyo. La programmation des épreuves dès le mois de juillet, suivie des concours d’août, témoigne d’un effort de planification salué par la communauté éducative.
« Notre ambition est de faire de la formation professionnelle le cœur battant de la diversification économique », a rappelé Mamadou Kanté à l’issue de la cérémonie, insistant sur la nécessité de corréler les calendriers scolaires aux besoins des filières industrielles émergentes.
Entre théorie et pratique : le pari du centre Don Bosco
Implanté depuis plus de trente ans, le centre Don Bosco a bâti sa réputation sur une pédagogie duale articulant ateliers et cours magistraux. Les trois promotions actuellement évaluées ont bénéficié d’un dispositif d’équipements modernisés, soutenu par des partenaires privés de l’automobile et du génie climatique. Les enseignants soulignent que 60 % des heures sont dédiées à la manipulation d’outils professionnels, un ratio supérieur aux standards régionaux.
Pour Francis Malonga, coordinateur des filières industrielles, « l’enjeu n’est pas seulement de transmettre un savoir-faire, mais d’inculquer un code de conduite technique compatible avec les exigences d’usines certifiées ISO ». Le passage par l’évaluation nationale confère dès lors une légitimité supplémentaire à cet apprentissage rigoureux.
Un indicateur de la stratégie gouvernementale pour l’emploi
Le Congo-Brazzaville a intégré la formation professionnelle dans son Plan national de développement 2022-2026 comme vecteur prioritaire de réduction du chômage juvénile. Selon la Direction générale de l’emploi, 17 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail urbain. Les sessions du CAP servent ainsi de baromètre : elles mesurent la capacité institutionnelle à produire des compétences immédiatement mobilisables.
Les premiers résultats sont tangibles. Un rapport interne du ministère note que sept lauréats sur dix issus des filières Mécanique automobile ou Froid et climatisation trouvent un contrat dans les douze mois, la moitié dans des entreprises locales liées aux projets d’infrastructures du gouvernement. Ce pourcentage reste perfectible, mais il confirme la pertinence d’une politique publique misant sur le savoir-faire technique.
Des filières ciblées, un marché du travail en mutation
Le choix des spécialités proposées – Mécanique automobile, Froid et climatisation, Électricité industrielle – ne relève pas du hasard. La modernisation du parc roulant national, l’extension des réseaux de froid pour la chaîne agroalimentaire et l’électrification progressive des zones rurales génèrent une demande croissante de techniciens. À Brazzaville comme à Pointe-Noire, les garages multimarques, les opérateurs de maintenance et les sociétés d’énergie recrutent désormais sur la base de certifications reconnues.
Armand Roch Placide Bokangué, directeur des examens et concours, confirme la tendance : « Nous observons un déplacement de la valeur ajoutée vers les services techniques intermédiaires. Les entreprises privilégient des compétences immédiatement opérationnelles, capables de dialoguer avec les ingénieurs tout en restant proches du terrain. »
Perspectives et défis pour la prochaine décennie
La trajectoire engagée par le ministère ouvre des perspectives prometteuses, mais elle suppose un ajustement permanent. L’Organisation internationale du travail préconise de renforcer la formation continue des formateurs et d’élargir l’offre à la robotique légère et aux technologies numériques appliquées. Sur ce point, le gouvernement congolais a déjà lancé une étude de faisabilité pour un laboratoire de prototypage à Kintélé.
Reste la question du financement durable. La Banque africaine de développement appuie déjà plusieurs centres d’excellence, mais l’extension du modèle à l’ensemble du territoire nécessitera une mobilisation accrue du secteur privé. Le dialogue entamé avec les fédérations patronales, notamment dans la construction et la logistique, laisse entrevoir des co-investissements ciblés. La réussite des 129 candidats de cette session 2024 n’est donc pas une fin en soi ; elle représente la première pierre d’un édifice visant à harmoniser les besoins nationaux en compétences avec les aspirations d’une jeunesse avide de reconnaissance professionnelle.