Une décennie au cœur des flux financiers sino-congolais
La tenue, le 11 juillet 2025, d’une cérémonie officielle au siège brazzavillois de la Banque Sino-Congolaise pour l’Afrique a cristallisé l’attention des milieux politico-économiques. Sous le patronage du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, entouré de l’ambassadeur de Chine au Congo et du directeur général de l’Agricultural Bank of China, la rencontre a rappelé la genèse singulière de cette institution : née d’une ambition formulée en mars 2013 lors de la visite d’État du président chinois Xi Jinping, entérinée par le président Denis Sassou Nguesso, et concrétisée le 1ᵉʳ juillet 2015.
Ce montage public-privé, associant l’Agricultural Bank of China et la partie congolaise, s’inscrit dans une configuration où la diplomatie économique accompagne les grands projets d’infrastructures et la diversification recherchée par Brazzaville. Dès l’origine, l’établissement a donc porté une double visée : optimiser les échanges commerciaux sino-congolais et soutenir l’amorçage d’un système financier plus inclusif.
Un bilan chiffré révélateur d’une mutation bancaire
À l’heure du bilan, les données avancées par le ministère des Finances témoignent d’une progression soutenue. Occupant désormais la première place du marché en mobilisation de dépôts avec 20,19 % de parts, la BSCA Bank se hisse à la deuxième position pour la distribution de crédits au secteur privé (14,96 %) et pour le financement souverain (18,13 %). L’expansion de son réseau, passé d’une à sept agences en dix ans, corrobore cette dynamique.
L’évolution des effectifs traduit aussi une insertion locale assumée : de 39 salariés en 2015 à 200 en 2025, dont 85 % de Congolais, la banque participe à la professionnalisation des ressources humaines nationales. Par le jeu des transferts de compétences et de la standardisation des procédures, elle alimente un capital technique essentiel à la consolidation du système bancaire congolais.
Les ressorts sociopolitiques d’une institution hybride
Plus qu’un acteur financier, la BSCA Bank est devenue un espace de co-production institutionnelle. Son actionnariat mixte matérialise la convergence d’intérêts stratégiques : pour Pékin, sécuriser les corridors commerciaux et valoriser le renminbi en Afrique centrale ; pour Brazzaville, diversifier ses sources de financement et renforcer sa souveraineté monétaire au sein de la CEMAC.
Cette hybridation se reflète dans la gouvernance : un directeur général chinois, un comité exécutif majoritairement congolais et une supervision partagée avec la Commission bancaire d’Afrique centrale. Le sociologue Yao Moukala y voit « un laboratoire de coopération Sud-Sud, où la confiance se bâtit à travers des instruments financiers concrets », tandis que la politiste Lin Xia insiste sur « la capacité symbolique de l’institution à incarner la durabilité du partenariat Congo-Chine ».
Diversification, inclusion et diplomatie économique
Au-delà des indicateurs macro-financiers, la BSCA Bank s’est positionnée sur des créneaux perçus comme prioritaires par les décideurs congolais : crédit aux PME, financement de projets agricoles et digitalisation des services. En 2024, près de 35 % de son encours de prêts concernaient des opérateurs agro-industriels, en cohérence avec la stratégie nationale de substitution aux importations.
La bancarisation constitue un autre axe majeur. Grâce à des produits à faible ticket d’entrée et à l’extension de solutions mobiles, l’établissement revendique plus de 120 000 comptes actifs supplémentaires en cinq ans. Les ONG locales saluent une « relative démocratisation » de l’accès au crédit, même si les zones rurales demeurent moins couvertes.
Perspectives : cap sur le troisième plan quinquennal
Le ministre des Finances Christian Yoka a annoncé l’élaboration d’un troisième plan quinquennal (2026-2030). Celui-ci devra consolider les acquis tout en répondant aux pressions exogènes – volatilité des marchés des matières premières et impératifs de transition énergétique. Parmi les pistes évoquées figurent la création d’un département dédié à la finance verte et l’émission de premières obligations durables sur le marché sous-régional.
Dans un contexte où les agences de notation soulignent la nécessité d’approfondir la transparence et la gestion des risques, la BSCA Bank entend faire de la conformité un levier de compétitivité. Selon Wang Zhiheng, « l’avenir de la banque se jouera dans sa capacité à articuler exigences internationales et spécificités locales ».
Adossée à un soutien gouvernemental réaffirmé et à une coopération bilatérale robuste, l’institution semble disposer des marges nécessaires pour consolider sa trajectoire. Les dix premières années ont été celles de l’enracinement ; les suivantes pourraient être celles de l’innovation et de l’intégration régionale, au service d’un développement que les autorités congolaises souhaitent toujours plus inclusif et résilient.