Au Grant Hôtel de Kintélé, une session décisive
Sous les lambris du Grant Hôtel de Kintélé, le Conseil national de la Santé (CNS) tient sa deuxième session ordinaire, trois jours d’échanges placés sous la haute autorité du Premier ministre Anatole Collinet Makosso. Plus de quatre décennies après la création de cette instance par le décret du 26 mars 1984, Brazzaville réaffirme la centralité du dialogue stratégique pour accompagner la montée en puissance du système de santé national. La présence du représentant résident de l’Organisation mondiale de la Santé, Vincent Dossou Sodjinou, manifeste la dimension partenariale de l’exercice, tandis que les préfets et présidents de conseils départementaux incarnent la territorialisation du débat.
Une gouvernance sanitaire consolidée
La gouvernance n’est plus un simple mot-clé de conférence ; elle devient, selon les termes de l’OMS, « le fondement d’un système de santé résilient et équitable » (OMS, 2013). Au Congo, cette exigence se traduit par la volonté de renforcer la cohésion entre ressources humaines, prestations, technologies, information sanitaire et financement. Les réformes engagées depuis les assises d’Ewo, souvent citées comme jalon historique, témoignent d’une continuité politique qui, loin de l’effet d’annonce, s’inscrit dans une trajectoire institutionnelle maîtrisée.
Le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, souligne avec gravité que « le CNS reste le cadre de concertation par excellence sur les enjeux de santé publique ». Cette affirmation renvoie à un impératif d’efficacité : la coordination interministérielle, l’écoute des praticiens de terrain et la mobilisation communautaire forment un triptyque indispensable pour convertir la vision présidentielle en performances mesurables.
Le prisme des Objectifs de Développement Durable
Placé sous le thème « La gouvernance du système de santé congolais face aux défis de l’ODD 3 », le conclave brazzavillois interroge les indicateurs de la santé maternelle, de la mortalité infantile, de la lutte contre les maladies transmissibles et non transmissibles. L’ODD 3 ne saurait être dissocié d’une lecture holistique intégrant les déterminants sociaux : éducation, eau potable, environnement et lutte contre la pauvreté.
Dans cette perspective, les experts réunis à Kintélé écartent l’approche sectorielle au profit d’une logique systémique. La santé devient à la fois produit et déterminant du développement, comme l’a rappelé Vincent Dossou Sodjinou, heureux de constater que « l’État congolais a très tôt compris l’enjeu de la gouvernance dans l’efficacité sanitaire ». L’agenda 2030 fixe un cap exigeant, mais la dynamique observée – modernisation des infrastructures, renforcement de la chaîne d’approvisionnement en médicaments essentiels, déploiement de stratégies de couverture sanitaire universelle – crédibilise l’ambition.
Investissements hospitaliers et capital humain
Le renforcement du plateau technique s’est incarné récemment dans l’ouverture des hôpitaux généraux de Djiri à Brazzaville et de Loandjili à Pointe-Noire. L’annonce, par le ministre Ibara, de l’imminente mise en service des établissements de Ouesso et Sibiti nourrit l’idée d’une offre de soins plus équitablement répartie sur le territoire national. Au-delà des murs, la question du capital humain demeure cruciale : formation continue, attractivité des carrières et sécurisation des parcours professionnels participent à la fidélisation des personnels de santé.
Le CNS explore ainsi des mécanismes innovants de motivation, incluant la télémédecine pour relier les spécialistes urbains aux zones rurales, et la mutualisation régionale des compétences, grâce aux partenariats avec les pays voisins de la CEMAC. Les leaders d’opinion médicale présents à Brazzaville insistent sur l’urgence de consolider la recherche biomédicale nationale, condition de la souveraineté scientifique.
Partenariats internationaux et souveraineté sanitaire
La relation entre le Congo et l’OMS s’inscrit dans la durée, comme le démontre le soutien technique constant lors des flambées épidémiques ou dans la mise à jour des protocoles thérapeutiques. L’Agence française de développement, la Banque mondiale et le Fonds mondial sont d’autres alliés incontournables, mais Brazzaville revendique une maîtrise nationale des priorités. La session du CNS offre une tribune où s’équilibrent assistance et autonomie, conformément à la doctrine gouvernementale qui encourage une coopération respectueuse des spécificités locales.
L’expérience récente de gestion de la pandémie de COVID-19 a renforcé la capacité d’anticipation du ministère : plans de riposte multisectoriels, laboratoires PCR décentralisés et campagnes de communication de proximité. Ces acquis structurels dessinent les contours d’une souveraineté sanitaire pragmatique, capable de dialoguer d’égal à égal avec les instances multilatérales.
Vers une santé numérique au service de tous
La mutation numérique irrigue les débats de Kintélé. Dossiers médicaux électroniques, géolocalisation des ambulances, plateformes d’approvisionnement pharmaceutique et big data épidémiologique constituent autant de chantiers en cours. Dans un pays où plus de la moitié de la population est connectée au réseau mobile, la e-santé se révèle un accélérateur d’équité. Les autorités entendent aligner cette transition sur les cadres éthiques internationaux, afin de protéger la confidentialité et d’éviter la fracture numérique.
Perspectives et recommandations attendues
La session devrait déboucher sur des recommandations ciblées : optimisation du financement domestique de la santé, renforcement de la gouvernance locale, accélération de la couverture sanitaire universelle et consolidation de la diplomatie sanitaire congolaise. Les participants partagent la conviction qu’une approche ancrée dans la rigueur budgétaire et la redevabilité publique consolidera les avancées déjà réalisées.
En saluant « les prouesses enregistrées » dans le secteur, le ministre Ibara renvoie à la volonté politique du président Denis Sassou Nguesso, instigateur historique du CNS. Cette continuité, gage de stabilité, constitue l’un des atouts dont dispose le Congo pour transformer les résolutions de Kintélé en bénéfices tangibles pour toutes les communautés nationales.