Un ciel capricieux sur la capitale
Depuis début octobre, le tonnerre se fait discret au-dessus de Brazzaville. Selon la station météo Maya-Maya, seules deux journées pluvieuses ont été comptabilisées en un mois, contre une moyenne saisonnière de huit. Le contraste étonne habitants et spécialistes, habitués à un démarrage plus franc.
Les trottoirs poussiéreux tranchent avec l’image d’une capitale équatoriale verdoyante. Dans les artères du quartier Ouenze, Clarisse Ndinga regarde le ciel nuageux sans parapluie. « Nous sommes en pleine saison des pluies, pourtant la chaleur assèche les robinets », soupire la commerçante, filets d’eau intermittents à domicile.
Quartiers nord face à la soif
Au complexe de bornes-fontaines de Talangaï, des bidons jaunes forment une file de cinquante mètres avant l’aube. Les rares forages privés, trop sollicités, arrêtent parfois les pompes pour refroidir. Ce ballet traduit la vulnérabilité urbaine dès que l’orage manque plusieurs jours d’affilée.
« Ici, l’alternative reste de payer 100 francs CFA le bidon livré par brouette », explique Jonas Mbemba, père de quatre enfants. À la fin du mois, la note dépasse parfois celle de l’électricité. Le déficit pluvial agit donc comme un multiplicateur de précarité dans ces rues densément peuplées.
La Société nationale de distribution d’eau (SNDE) reconnaît des « tensions ponctuelles » liées à la vétusté des conduites. Des équipes mobiles colmatent fuites et purgent les canalisations, en attendant un renforcement de capacité prévu dans le plan Eau pour Tous 2025 avec l’appui de bailleurs.
Ce que disent les climatologues
Pour l’Agence congolaise de la météorologie, la saison actuelle suit un profil « dents de scie » lié à l’affaiblissement du front intertropical et à un El Niño modéré. Les modèles prévoient un cumul annuel plus faible que la moyenne, sans toutefois basculer vers la sécheresse.
Ndouta Mavoungou, hydrologue à l’université Marien-Ngouabi, rappelle que le bassin du Congo demeure l’un des plus arrosés du continent. « Le signal climatique est réel, mais l’urbanisation compacte accentue le manque d’eau perçu, car l’infiltration diminue et les consommations domestiques explosent », analyse-t-il.
Les chercheurs du Centre d’observation satellitaire de Kintele suivent en temps quasi réel l’évolution de l’humidité des sols grâce aux données Sentinel et SMOS. Les cartes partagées aux autorités aident à anticiper l’emplacement des nappes exploitables et à orienter les chantiers de forage vers les zones les plus sécurisées.
Des pistes concrètes pour sécuriser l’eau
En périphérie, l’ONG Action-Eau installe depuis mars des cuves de récupération d’eau pluviale sur les écoles publiques. Chaque toiture fournit jusqu’à 15 000 litres par saison, de quoi couvrir la cantine et l’arrosage des potagers pédagogiques. Cette solution low-tech limite la pression sur le réseau municipal.
Le ministère de l’Économie forestière lance un reboisement urbain sur les berges de la Tsiémé et les terrains vacants du nord. Cent mille plants d’acacia, moringa et terminalia seront mis en terre d’ici fin 2024 pour améliorer l’infiltration et rafraîchir les micro-climats.
La Banque de développement des États d’Afrique centrale vient d’approuver une ligne de crédit de 12 milliards de francs CFA pour les PME spécialisées dans la rénovation de canalisations. Un bonus d’intérêt s’ajoute si les entreprises embauchent localement et utilisent du PVC recyclé.
Sur le terrain, les comités de quartier relaient ces initiatives. Claudine Samba, présidente du collectif Eau-Vie à Mikalou, anime chaque samedi un point-info où s’échangent contacts de plombiers solidaires, tutoriels de filtres biosable et démarches d’abonnement social à la SNDE.
Vers une gestion hydrique résiliente
Les municipalités de Brazzaville et Kintélé finalisent un plan directeur de l’eau qui croise cartographie des risques climatiques, projections démographiques et scénarios économiques. L’objectif est de sécuriser 90 % d’accès quotidien d’ici 2030, conformément à la stratégie nationale de développement et aux objectifs de l’Agenda 2063.
Selon le ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, le budget 2024 prévoit l’achèvement du champ captant de Djoué et la pose de 40 kilomètres d’adduction supplémentaires. Cette capacité, conjuguée à la nouvelle usine de traitement de Mpila, doit ajouter 80 000 mètres cubes journaliers au réseau.
Les experts insistent néanmoins sur l’usage raisonné de la ressource. Le programme Eco-Robinet, pilote à Ouenzé, installe des régulateurs de débit fabriqués localement qui réduisent de 30 % la consommation sans altérer le confort. Mille ménages testent déjà ces dispositifs, validés par l’Agence nationale de l’environnement.
Au-delà de la capitale, la Commission climat du bassin du Congo élabore un mécanisme régional d’assurance sécheresse. Les primes seraient déclenchées automatiquement selon les mesures pluviométriques envoyées par les stations automatiques. Cette innovation financière protégerait particulièrement les agricultrices périurbaines tributaires des pluies pour maraîcher leurs parcelles.
Alors que le ciel hésite encore, les acteurs publics, privés et communautaires multiplient donc les réponses. Plantations d’arbres, modernisation des canalisations, éducation aux économies d’eau : autant de leviers pour convertir un simple passage pluvieux erratique en opportunité de renforcer la résilience de Brazzaville face aux futurs chocs climatiques.
									 
					