Brazzaville au cœur de l’EESS en Afrique centrale
En septembre, Brazzaville a accueilli deux rencontres qui font date pour la sous-région: le 11e séminaire-atelier sur le « Processus, méthodes et outils d’évaluation environnementale et sociale stratégique » et le 16e séminaire international du SEEAC dédié à l’EESS au service du développement durable.
Plus de 150 participants venus du Cameroun, du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Congo se sont retrouvés durant cinq jours dans la salle des conférences de la Banque des États de l’Afrique centrale, devenue laboratoire d’idées pour des politiques publiques plus vertes et plus inclusives.
La ministre des Affaires sociales, Irène Marie Cécile Mboukou-Kimbatsa Goma, qui présidait les travaux, a rappelé la vision nationale : « Le développement durable n’est pas une option, c’est une nécessité vitale ». Son propos a donné le ton d’échanges focalisés sur l’action plutôt que sur les diagnostics.
Une méthode qui anticipe les impacts
L’évaluation environnementale stratégique, souvent résumée par l’acronyme EESS, diffère de l’étude d’impact classique : elle intervient très en amont, au niveau des politiques, plans et programmes, avant même qu’un projet ne soit dessiné. Elle fonctionne comme un filet de sécurité pour éviter les décisions irréversibles.
Le président d’honneur de l’Association congolaise pour l’évaluation environnementale a rappelé que l’EESS permet « d’intégrer de manière anticipée les considérations environnementales et sociales dans les choix publics ». Autrement dit, elle répond à la fois aux défis climatiques et aux attentes des communautés riveraines.
Dans un contexte sous-régional où l’économie reste dépendante des ressources naturelles, accroître la part de l’EESS dans la gouvernance signifie protéger les forêts du bassin du Congo, sécuriser les services écosystémiques et éviter des coûts futurs liés à l’érosion, aux inondations ou à la perte de biodiversité.
Des formations axées sur les solutions
Les deux séminaires comportaient des modules pratiques sur la cartographie participative, la télédétection des changements d’occupation des sols et l’intégration de scénarios climatiques. Animés par des experts de la Commission néerlandaise pour l’évaluation environnementale, ces ateliers ont permis aux cadres nationaux de manipuler des outils à faible coût adaptés au terrain.
Des cas d’école tirés des projets d’infrastructures routières de la Bouenza ou des concessions forestières de la Sangha ont illustré les bénéfices d’une approche préventive. Selon un ingénieur de l’ACEE, l’usage d’un filtre EESS dès la phase d’élaboration aurait pu économiser « plusieurs millions de francs CFA en corrections tardives ».
L’université Marien-Ngouabi a profité de la plateforme pour annoncer l’ouverture, dès la rentrée prochaine, d’un certificat professionnel en évaluation environnementale. Cette passerelle académique nourrit l’ambition d’un vivier de jeunes spécialistes capables de dialoguer avec les bailleurs et d’ancrer l’expertise dans le pays.
Voix des communautés et exigence de transparence
Au-delà des techniciens, les organisateurs ont invité des représentants de la société civile, des chefs coutumiers et des associations de femmes issues des quartiers périurbains de Brazzaville. Leurs témoignages ont rappelé que l’efficacité d’une EESS se mesure aussi à sa capacité à intégrer la parole des premiers concernés.
Mme Emilienne Raoul, présidente du Conseil économique et social, a insisté sur cet enjeu de participation: « Nous devons prévenir les risques qui pourraient nuire à la société ou à l’environnement ». L’inclusion passe par des consultations publiques précoces et la publication des rapports sur des plateformes d’accès libre.
Plusieurs participants ont salué l’engagement des autorités congolaises pour harmoniser les procédures avec les standards de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement, condition d’un financement durable. La transparence devient ainsi un atout pour attirer des investisseurs déjà sensibles aux critères ESG.
Perspectives et outils pratiques
À l’issue des travaux, le SEEAC a présenté une feuille de route comprenant la mise en place d’un observatoire régional des pratiques EESS, un portail de données environnementales et un mécanisme de suivi des recommandations. Le ministère des Affaires sociales assure le secrétariat national de ce dispositif.
Les experts recommandent d’intégrer l’EESS dans la prochaine Stratégie nationale de développement 2025-2030 et de lier directement les conclusions aux budgets ministériels. Une telle articulation garantirait que les alertes environnementales se traduisent par des lignes de crédit pour la prévention, la restauration ou la formation.
Brazzaville ressort de cette double rencontre avec un message clair : anticiper vaut mieux que réparer. En faisant de l’EESS un pivot de sa gouvernance, le Congo-Brazzaville inscrit son action dans l’esprit de l’Agenda 2063 et confirme sa volonté de léguer aux jeunes générations des territoires résilients.
Le suivi des engagements sera facilité par un calendrier semestriel d’évaluation. Chaque ministre concerné présentera les progrès réalisés devant un panel mixte d’experts et de représentants communautaires. Cette reddition de comptes innovante pourrait devenir un modèle pour les autres pays d’Afrique centrale, selon le SEEAC.
									 
					