Un rituel citoyen mensuel à Brazzaville
Brazzaville s’éveille chaque premier samedi du mois au bruit des pelles et des balais. Depuis un an, la capitale organise une vaste opération de curage et de sensibilisation qui s’étend des berges de la Mfoa aux faubourgs de Makélékélé, mobilisant volontaires et institutions.
L’initiative s’inscrit dans la circulaire gouvernementale sur la salubrité urbaine et répond à l’approche « ville propre, ville sûre » défendue par le ministère de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, avec le soutien actif de la municipalité.
Mobilisation communautaire et ONG engagées
Le 6 septembre, plus de trente organisations, des confessions religieuses aux coopératives étudiantes, se sont réparties quinze sites stratégiques. Sur le collecteur Madoukou Tsékélé, les associations Salubrité sans frontière et Congo propre ont raclé trois tonnes de sédiments en quatre heures, selon leur coordinateur.
Ailleurs, l’Association des jeunes éveillés, épaulée par deux chargeuses mécaniques de la direction générale de l’Assainissement, a désengorgé les caniveaux entre l’avenue des Trois-Martyrs et la rue Lénine. La société Albayrak, opératrice délégataire, a ensuite transporté les déchets vers la zone de transit de Mbouono.
Logistique intelligente et données ouvertes
Chaque équipe dispose désormais d’un code couleur pour éviter les doublons : vert pour le balayage, bleu pour le curage, orange pour la sensibilisation. Selon Roger Christian Itoua, conseiller au ministère, ce schéma logistique a réduit de 20 % le temps d’intervention moyen sur les axes principaux.
Les données sont consolidées via l’application mobile KoboCollect, testée depuis juin. Les bénévoles y géolocalisent les tas de détritus, prennent une photo avant-après, puis valident l’enlèvement. Ces informations alimentent une carte publique affichée dans chaque mairie d’arrondissement pour suivre l’évolution hebdomadaire.
Pré-collecteurs encadrés et responsabilisés
Malgré les efforts, certains pré-collecteurs persistaient à décharger dans le lit de la Mfoa. La cheffe du quartier 42, Marie-Claire Bouanga, rappelle que des panneaux d’interdiction soudés sur les garde-fous ont déjà réduit de moitié ces dépôts clandestins depuis leur installation en août.
« Ceux qui défieront la règle seront sanctionnés », prévient-elle, tout en insistant sur l’approche pédagogique. Des ateliers de formation, organisés chaque mercredi, expliquent aux pré-collecteurs inscrits où déverser légalement leurs chargements et comment obtenir les jetons de suivi fournis gratuitement par la ville.
Sensibilisation populaire et esprit Salongo
Sur l’avenue de la Tsiémé, les fidèles de l’Église Liloba ont mêlé chants et coups de balai. « Salongo obligatoire », scandaient-ils pour rappeler l’ancien devoir communautaire remis au goût du jour. Cette animation attire les riverains, curieux puis souvent volontaires au bout de quelques minutes.
Les agents de la direction départementale de l’environnement distribuent en parallèle des fiches illustrées présentant le chemin des déchets, du foyer jusqu’au centre d’enfouissement. Objectif : démontrer que jeter dans le caniveau finit par bloquer les buses et provoquer les inondations dont souffrent régulièrement les quartiers bas.
Premiers impacts mesurables sur l’environnement
Selon les relevés pluviométriques de Météo-Congo, les pluies de début septembre ont charrié 30 % de débris en moins vers le fleuve par rapport à l’an dernier. Le laboratoire universitaire LAGESCO attribue cette amélioration aux curages répétés et à la réduction des dépotoirs sauvages.
Sur le plan social, les ONG impliquées estiment que 120 emplois temporaires ont été créés en deux mois, notamment pour les tâches de tri et la maintenance des engins. Plusieurs jeunes de Ouenzé déclarent avoir acquis une expérience valorisable auprès des entreprises de collecte privées.
Cap sur l’économie circulaire
Le ministère étudie maintenant la possibilité de composter les déchets organiques recueillis dans les marchés. Un pilote est en cours à Talangaï : un digesteur de 5 m³ transforme les épluchures en engrais distribué aux jardiniers urbains. Les premiers résultats montrent une baisse nette des volumes transportés.
En s’appuyant sur cette dynamique collective, Brazzaville vise à réduire de 50 % les dépôts anarchiques d’ici 2025, conformément au Plan national de développement. « La propreté est un maillon de la résilience urbaine », souligne Roger Christian Itoua, invitant chaque foyer à transformer l’opération mensuelle en réflexe quotidien.
Gestes simples, contacts utiles
Pour soutenir l’effort, les habitants peuvent appeler le numéro vert 1001-Salubrité afin de signaler un dépôt sauvage ou obtenir des sacs biodégradables. Le service fonctionne du lundi au samedi, de 7 h à 18 h, et transmet les requêtes à la mairie concernée.
Les ménages disposant d’une connexion internet ont accès à la plateforme brascalerte.cg pour suivre en temps réel le passage des camions ou télécharger le calendrier de collecte. Le site propose également des tutoriels vidéo sur le tri domestique et la fabrication de compost en bac plastique.
Financements verts et coopération
La Stratégie nationale de gestion des déchets bénéficie d’un prêt concessionnel de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale et d’une subvention du Fonds pour l’environnement mondial. Ces ressources ciblent l’achat de compacteurs hybrides et la formation continue des agents municipaux.
Brazzaville collabore également avec Kinshasa pour partager des bonnes pratiques de collecte fluviale. Un atelier binational prévu en novembre examinera la possibilité de mutualiser un porteur amphibie capable de récupérer les plastiques à la surface de la rivière au coût partagé.