Un jeu pour démocratiser la science au Congo
Sous les jacarandas de Brazzaville, la start-up tsaka relance cet été « Mwana science », un jeu de société expérimental qui ambitionne d’ouvrir les portes des laboratoires aux écoliers. Cette deuxième édition s’étire sur toute la période des grandes vacances, attirant déjà l’attention des éducateurs.
La démarche se veut inclusive : en manipulant pipettes, loupes ou réactifs, les enfants découvrent que la méthode scientifique repose d’abord sur la curiosité. L’objectif, rappelle le responsable de projet Kombo Ronick, consiste à « montrer que la science appartient à tous, sans distinction sociale ».
Laboratoire portatif et pédagogie active
Cette année, le programme s’enrichit d’animations itinérantes dans les quartiers périphériques, ainsi que d’ateliers hebdomadaires baptisés « samedi science ». Les organisateurs entendent toucher 1 500 enfants, soit le double de 2023, preuve d’une demande croissante pour les contenus STEM au Congo.
Le cœur pédagogique repose sur l’expérimentation directe : mesurer le pH d’une eau de pluie, observer des microplastiques au microscope ou produire un petit biogaz figurent parmi les scénarios. Chaque activité relie un concept de physique ou de biologie à un enjeu environnemental local.
Former des écocitoyens dès l’enfance
Ainsi, l’exercice intitulé « Renew » sensibilise aux pollutions marines en faisant progresser des pions représentants différentes espèces océaniques jusqu’à des zones protégées. Les enfants expérimentent la coopération et apprennent qu’un écosystème se rétablit seulement si chaque maillon, du plancton au thon, est préservé.
Pour les chercheurs de l’université Marien Ngouabi, associés au suivi scientifique du projet, cette immersion précoce favorise la construction d’une culture du risque et du protocole, indispensable dans les futures filières environnementales. « La précision se cultive comme un réflexe », insiste la biologiste marine Colette Kitsouala.
Alignement avec les objectifs climatiques nationaux
L’initiative dialogue également avec la Stratégie nationale de lutte contre le changement climatique, adoptée en 2021. En valorisant la pédagogie active, le programme répond à l’axe consacré au renforcement des compétences vertes, volet jugé déterminant pour atteindre la neutralité carbone projetée d’ici 2050.
Au-delà de l’aspect scientifique, les acteurs institutionnels y voient un moyen de consolider la cohésion sociale : la majorité des séances associe écoles publiques, privées et centres communautaires, réduisant la fracture éducative entre quartiers. Cette mixité contribue à ancrer une citoyenneté environnementale partagée, soulignent plusieurs conseillers municipaux.
Témoignages d’enseignants et de parents
Les parents se disent séduits par la capacité du jeu à renverser les représentations. « Mon fils répétait que la chimie sent mauvais ; maintenant il collecte les épluchures pour son mini-biodigesteur », témoigne une mère du quartier Diata. L’apprentissage formel trouve ainsi un relais ludique au domicile.
Côté enseignants, l’appréciation est aussi positive : certains collèges envisagent d’intégrer « Mwana science » au programme des clubs verts. Le jeu permet de contourner le déficit d’équipements en laboratoire tout en respectant les normes de sécurité, grâce à des réactifs non toxiques et des protocoles simplifiés.
L’économie verte en toile de fond
Sur le plan économique, tsaka mise sur une filière locale du jouet éducatif. Plateaux et cartes sortent d’imprimeries de Mfilou, tandis que la découpe des pièces en bois est assurée par un atelier exploitant des essences provenant de forêts certifiées durables.
Le modèle d’affaires repose sur des abonnements trimestriels, couplés à la location de kits d’expériences. Ce système limite le coût unitaire pour les familles, tout en garantissant la rotation du matériel. Selon tsaka, 70 % des recettes sont réinvesties dans la recherche de nouveaux scénarios pédagogiques.
Partenariats locaux et perspectives régionales
Sur le terrain, la logistique reste un défi. Les coupures d’électricité peuvent interrompre une expérience de culture cellulaire ou de chromatographie. L’équipe a donc investi dans des batteries solaires portatives. « Elles servent aussi à sensibiliser aux énergies renouvelables », précise le coordinateur technique, Firmin Loubaki.
Plusieurs partenaires internationaux observent avec intérêt cette approche. L’ONG Planète Sciences a fourni des microcapteurs destinés au suivi de l’humidité des sols urbains. La Banque africaine de développement a inscrit le projet dans son registre des initiatives vertes régionales.
Selon les analystes, le potentiel régional est considérable : les pays voisins, Gabon et RDC en tête, cherchent également à renforcer l’enseignement pratique des sciences. Tsaka envisage une version bilingue français-anglais afin d’accompagner la future Zone de libre-échange continentale, où les produits pédagogiques devraient circuler davantage.
Soutien public et ambitions futures
Le gouvernement, par la voix du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, assure un appui logistique et réglementaire. Des facilités douanières ont été accordées pour l’importation de matériel non disponible localement, tout en encourageant le recours à la fabrication nationale lorsque c’est possible.
À moyen terme, la start-up table sur la constitution d’un observatoire citoyen de la qualité de l’air, alimenté par les données collectées durant les ateliers. Les enfants deviendraient ainsi des sentinelles, capables d’alerter leur entourage face aux pics de pollution ou aux incendies de décharge.
En attendant cette montée en puissance, « Mwana science » continue d’allumer des étincelles hebdomadaires. Dans une salle colorée ou sur un trottoir converti en laboratoire, chaque tube à essai raconte la même histoire : le savoir est un outil de résilience, et l’aventure commence souvent par un simple jeu.