Jeunesse africaine et leadership vert
Sur l’allée piétonne Charles-Ebina, face au fleuve Congo, une cinquantaine de jeunes se sont rassemblés pour écouter Jonathan Lumbeya Masuta, président du Forum international de la jeunesse africaine pour le développement de l’Afrique, venu présenter les conclusions vertes de Kinshasa.
Le rendez-vous, organisé le 23 août avec le soutien discret d’élus locaux, s’inscrit dans la stratégie de vulgarisation adoptée lors de la table-ronde du 12 août, Journée internationale de la jeunesse, dont le thème appelait à « Créer un avenir durable ».
Pour Masuta, la jeunesse représente « un levier de transformation dont l’Afrique se prive encore trop ». Son ambition consiste à renforcer le capital écologique des nouvelles générations grâce au mentorat, à la formation et à l’accès aux technologies propres.
Brazzaville, carrefour d’idées durables
Brazzaville, déjà hôte de débats sur la préservation du Bassin du Congo, confirme son rôle de laboratoire d’idées vertes. La présence d’observateurs du système des Nations Unies illustre l’intérêt international pour les initiatives citoyennes émanant des deux rives.
Dans son propos liminaire, l’ancien député José Cyr Ebina a rappelé que « le développement se nourrit de racines culturelles fortes ». En mettant en avant la réhabilitation des savoirs endogènes, il rejoint les conclusions du Panel intergouvernemental sur le climat, souvent citées par l’UNESCO.
Le Fijada s’engage à décliner cette approche holistique à travers des programmes pilotes d’entrepreneuriat vert, depuis la gestion de déchets plastiques jusqu’à l’agroforesterie urbaine, secteurs porteurs d’emplois que le Plan national de développement congolais classe parmi ses priorités.
Un projet d’intégration écologique continental
Mme Deborah Bowa Baïke, ambassadrice itinérante du mouvement, a détaillé le rapport final. Il préconise un renforcement de l’éducation environnementale dès le primaire, la création de fonds de microcrédit carbone et la formalisation d’un passeport vert destiné aux jeunes entrepreneurs.
Ces propositions s’alignent sur l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables et sur la Stratégie climat de la Banque africaine de développement, qui recommande d’orienter 40 % des financements vers les acteurs de moins de trente-cinq ans d’ici 2030.
Le rapport propose également l’accès mutualisé aux données satellitaires afin de suivre les foyers de déforestation. Une telle transparence, explique le géographe Thierry Malonga, « faciliterait la reddition de comptes sans alourdir la souveraineté des États ».
Enjeux diplomatiques et Agenda 2063
Au-delà des considérations techniques, les échanges ont mis en lumière un obstacle persistant : la mobilité intra-africaine. Plusieurs participants ont relaté la difficulté d’obtenir un visa, frein paradoxal à la coopération climatique pourtant prônée par l’Union africaine.
Jonathan Masuta plaide pour un « corridor jeunesse » qui permettrait aux porteurs de projets certifiés d’accéder plus facilement aux espaces de négociation régionale et aux hubs d’innovation installés à Nairobi, Dakar ou Kigali.
Cette revendication rejoint l’Agenda 2063, feuille de route continentale qui veut convertir le dividende démographique en capital humain vert. En facilitant la circulation des idées et des talents, le Fijada espère renforcer la cohésion panafricaine sur les dossiers climatiques.
La diplomatie publique, insistent les animateurs, commence au niveau communautaire. D’où l’importance de désigner Daniel Biangoud comme représentant pour le Congo-Brazzaville, chargé de relayer les doléances locales auprès des institutions régionales sans duplication des structures nationales existantes.
Perspectives pour la prochaine table-ronde
À l’issue de la soirée, un trophée symbolique a été remis à Biangoud. Ce geste renforce la visibilité d’une jeunesse congolaise souvent présentée comme observatrice, mais qui, selon l’économiste Gisèle Ngatséké, « dispose d’un potentiel d’ingénierie sociale considérable ».
Masuta a exprimé le souhait d’organiser la prochaine table-ronde à Brazzaville. Une perspective saluée par les autorités municipales, conscientes de l’opportunité de consolider l’image de la capitale comme plateforme de dialogue climatique au cœur du deuxième poumon forestier mondial.
Les organisateurs proposent d’y tester un modèle de participation hybride, mêlant séances physiques et ateliers virtuels alimentés par la diaspora. Cette approche, en réduisant l’empreinte carbone des déplacements, illustrerait une cohérence entre discours et pratiques.
Reste la question des ressources. Si le Fijada bénéficie déjà de soutiens privés, un cofinancement avec la Banque de développement des États de l’Afrique centrale permettrait d’élargir les bourses d’innovation aux provinces, où le chômage juvénile demeure au-dessus de 25 %.
À court terme, le représentant congolais prévoit un audit participatif des espaces verts scolaires, étape préalable à l’introduction de clubs écocitoyens dans trente établissements. L’objectif est double : sensibiliser et produire des données empiriques utiles au ministère en charge de l’environnement.
Observateurs et partenaires s’accordent à dire que la consolidation de ces micro-projets pourrait produire des effets systémiques, à l’image des programmes Maallemy en Égypte ou Eco-Schools en Europe, tout en respectant les spécificités socio-culturelles congolaises.
En définitive, la visite de Masuta à Brazzaville rappelle que la transition écologique se joue aussi dans la diplomatie des idées. En mobilisant la jeunesse, le Fijada s’inscrit dans une dynamique complémentaire aux engagements gouvernementaux, sans prétendre se substituer à eux.