Une diplomatie du sport au service de l’image congolaise
Le square de Gaulle, poumon vert et historique du centre-ville de Brazzaville, s’apprête à vivre, les 9 et 10 août, une effervescence que seuls les grands rendez-vous sportifs savent engendrer. Depuis trois éditions, le tournoi Ewawa Plus fait des basketteurs vétérans les ambassadeurs d’une diplomatie populaire qui rehausse le prestige de la capitale congolaise. Sous le haut patronage de la Fédération congolaise de basketball, et avec l’appui logistique du ministère des Sports, cette rencontre a rapidement conquis l’Afrique centrale, démontrant la capacité du Congo à élaborer des plateformes régionales attractives et pacifiques.
Le square de Gaulle, laboratoire d’une scène urbaine assumée
En transformant un lieu emblématique du patrimoine colonial en arène moderne, les organisateurs réaffirment la vocation citoyenne de l’espace public. Les anciens professionnels, parfois passés par les championnats français ou angolais, croisent le fer devant une foule intergénérationnelle. Selon le sociologue urbain Euloge Mbemba, « le sport devient ici un rituel civique, où la ville s’observe elle-même et renégocie ses symboles ». À la nuit tombée, Dj sets, slameurs et troupes de danse traditionnelle se succèdent, abolissant la frontière entre parquet et scène. L’identité congolaise y trouve un terrain d’expression syncrétique, conciliant modernité hip-hop et rythmes bantous.
Une ouverture régionale facteur de cohésion et de soft power
Pour la première fois, Douala et Kinshasa rejoignent Brazzaville et Pointe-Noire. Cette extension géographique illustre la vigueur du réseau informel qui fédère les communautés diasporiques autour du ballon orange. Les équipes ont été constituées grâce aux associations d’anciens élèves des collèges catholiques, véritables viviers de leaders d’opinion. Les autorités locales voient dans cette circulation des talents un moyen de consolider la coopération transfrontalière. Le politiste camerounais Étienne Tchouaké souligne que « l’intégration sous-régionale trouve dans la pratique sportive un levier plus souple que les sommets officiels ».
La gouvernance événementielle, un modèle de partenariat public-privé
Le succès d’Ewawa Plus ne repose pas uniquement sur l’enthousiasme populaire. Il s’appuie sur une gouvernance mixte qui associe mairies d’arrondissement, entreprises de télécommunications et jeunes start-ups de production culturelle. Dans un contexte où l’État congolais encourage la diversification économique, cette articulation public-privé illustre la pertinence d’une politique sportive alignée sur le Plan national de développement. Les opérateurs sponsorisent les maillots, financent la retransmission en streaming et installent des stands de démonstration numérique, donnant à voir une économie créative en plein essor.
L’impact socio-économique, moteur d’un tourisme intérieur renouvelé
D’après les estimations de la chambre de commerce de Brazzaville, l’édition 2023 avait attiré près de 7 000 visiteurs, générant une hausse de 18 % du chiffre d’affaires des restaurants riverains. Les hôteliers anticipent déjà un taux d’occupation supérieur à 80 % pour la prochaine édition. Les micro-entrepreneurs, qu’il s’agisse des couturiers de tenues sportives ou des artisans de bijoux en perles, bénéficient également de cette visibilité inédite. L’événement s’inscrit ainsi dans une stratégie plus large de promotion d’un tourisme intérieur post-pandémie, cher aux autorités congolaises.
Vers une économie du sport durable et inclusive
Au-delà des deux journées de compétition, Ewawa Plus déploie un programme d’initiation au coaching, centré sur la préparation physique adaptée aux plus de 35 ans. Le partenariat noué avec l’Institut national de la jeunesse et des sports vise à certifier une trentaine d’entraîneurs d’ici 2025. Cette démarche s’aligne sur les objectifs de santé publique, le ministère cherchant à réduire de 10 % la prévalence des maladies cardiovasculaires par la pratique régulière d’activités physiques. L’inclusion des femmes, encore minoritaires dans le basket vétéran, fait l’objet d’un plan triennal encouragé par l’Agence nationale de la promotion du genre.
Une scène sportive pérenne, miroir d’un Congo en mouvement
Que restera-t-il une fois les projecteurs éteints ? Probablement la conviction que l’image du Congo se forge aussi dans ces moments d’émulation populaire. En misant sur le basket vétéran, le pays démontre qu’il est possible d’associer nostalgie sportive, innovation culturelle et diplomatie de proximité. La troisième édition d’Ewawa Plus pourrait bien servir de matrice à d’autres initiatives régionales promouvant la paix par le sport. En attendant, Brazzaville s’apprête à vibrer au rythme des rebonds et des riffs, offrant à ses hôtes une vitrine d’unité et d’excellence dont les retombées sociales dépassent largement le strict périmètre du square de Gaulle.