Brazzaville carrefour africain de la protection végétale
Depuis le 26 août 2025, le centre de conférences de Kintélé résonne d’échanges nourris sur la santé des végétaux. Experts, diplomates et représentants d’une vingtaine de pays africains analysent ensemble les menaces qui pèsent sur les cultures et les écosystèmes continentaux.
L’atelier, organisé par la FAO et la Convention internationale pour la protection des végétaux, se déroule à un moment charnière où la multiplication des ravageurs, favorisée par le réchauffement climatique, menace directement la sécurité alimentaire et les efforts de diversification économique de l’Afrique centrale.
Pour Brazzaville, accueillir ce rendez-vous panafricain constitue un signe de confiance des partenaires internationaux et révèle une volonté politique de positionner le Congo comme plateforme de dialogue technique, tout en soutenant la stratégie nationale de résilience agro-écologique portée par les autorités publiques.
Sécurité phytosanitaire et souveraineté alimentaire
Selon le directeur de cabinet du ministre congolais de l’Agriculture, Pascal Robin Ongoka, « les végétaux représentent 80 % de notre alimentation et produisent 98 % de l’oxygène ». Pourtant, chaque année, jusqu’à 40 % des récoltes africaines sont perdues sous l’effet d’organismes nuisibles.
Ces pertes, estimées à plus de 220 milliards de dollars, fragilisent les budgets des États, réduisent les marges des producteurs et accentuent la dépendance aux importations alimentaires. La maîtrise du risque phytosanitaire est donc devenue un déterminant majeur de la souveraineté alimentaire et de la stabilité sociale.
Dans ce contexte, l’atelier de Brazzaville entend définir des réponses concertées, depuis la surveillance précoce jusqu’à la gestion intégrée des ravageurs. Les échanges visent également à harmoniser les exigences sanitaires aux frontières pour fluidifier le commerce intra-africain sans compromettre la protection des écosystèmes.
Des normes internationales négociées collectivement
Au cours des quatre jours de travaux, les délégués planchent sur plusieurs projets de normes internationales relatives aux mesures phytosanitaires, notamment les standards concernant l’emballage du bois, la certification électronique des cargaisons agricoles et les procédures d’éradication des foyers de parasites émergents dans les zones transfrontalières.
Le mécanisme de consultation mis en place par la CIPV privilégie la recherche du consensus scientifique. Chaque proposition est évaluée à l’aune des réalités agro-climatiques régionales et des capacités institutionnelles. Les amendements adoptés à Brazzaville seront ensuite transmis au secrétariat de la Convention pour validation finale.
Pour les participants, l’enjeu est double : disposer de règles crédibles aux yeux de l’Organisation mondiale du commerce et garantir que ces prescriptions demeurent applicables dans les exploitations familiales, majoritaires sur le continent. L’équilibre entre rigueur normative et faisabilité opérationnelle constitue donc la ligne rouge des débats.
Coopérations régionales et rôle de la FAO
La FAO encourage depuis plusieurs années la création de réseaux de surveillance transfrontaliers capables de détecter rapidement les foyers d’infestation. Ces mécanismes, déjà opérationnels en Afrique australe, pourraient être étendus à l’Afrique centrale, avec Brazzaville comme centre de coordination pour la formation et le partage d’expertise.
Les Organisations régionales de protection des végétaux, telles que l’Interafrican Phytosanitary Council, jouent un rôle d’interface entre la science et la décision publique. En harmonisant leurs approches, elles réduisent les barrières commerciales tout en renforçant les filets de sécurité sanitaire autour des bassins de production stratégiques.
Du point de vue diplomatique, la tenue de l’atelier illustre la complémentarité entre action multilatérale et politiques nationales. Le Congo, qui a ratifié la CIPV dès 2006, capitalise sur ce cadre pour mobiliser l’aide technique, favoriser la haute valeur ajoutée agricole et conforter son rayonnement régional.
Perspectives pour l’agro-écologie congolaise
Les conclusions attendues devraient nourrir le Plan national d’investissement agricole, lequel prévoit l’extension des pratiques de lutte intégrée, la promotion des variétés résilientes et le déploiement de laboratoires mobiles capables de diagnostiquer in situ les parasites et maladies émergentes dans les zones rurales isolées.
Pour les petits exploitants, l’enjeu réside dans l’accès à l’information. La digitalisation croissante des alertes phytosanitaires, soutenue par les opérateurs télécoms présents au Congo, devrait favoriser une diffusion rapide des messages de prévention et limiter la propagation des organismes nuisibles avant les phases critiques de production.
Le ministère de l’Agriculture envisage en outre de mettre à jour le cadre réglementaire relatif aux intrants biologiques afin d’encourager des solutions de biocontrôle moins dépendantes des produits chimiques importés. Cette orientation s’inscrit dans la dynamique continentale de transition écologique et de réduction de l’empreinte carbone du secteur.
Enfin, les partenaires techniques présents à Brazzaville soulignent que la sécurité phytosanitaire ne peut réussir sans investissement dans la formation universitaire. L’ouverture annoncée d’un master régional en pathologie végétale, en collaboration avec l’université Marien-Ngouabi, pourrait constituer un levier durable pour l’innovation et l’emploi des jeunes.
L’incorporation de ces avancées devrait aussi renforcer la compétitivité des exportations congolaises de manioc, de cacao et d’huiles essentielles, secteurs identifiés par le gouvernement comme vecteurs de diversification hors pétrole. Des normes sanitaires robustes facilitent l’accès aux marchés exigeants d’Europe et du Moyen-Orient et soutiennent l’emploi rural.