Brazzaville sur la carte des affaires francophones
À Abidjan, lors de la sixième édition du Forum international des entreprises francophones, la décision de transférer la prochaine rencontre à Brazzaville a résonné comme une reconnaissance stratégique. La capitale congolaise, déjà connue pour son hospitalité, se voit désormais confier la mission de devenir un épicentre d’échanges économiques couvrant un marché de plus de trois cents millions de locuteurs. Cet ancrage traduit la consolidation d’une orientation diplomatique privilégiant la francophonie comme vecteur d’influence et de croissance.
Pour le ministère de l’Économie, porter le FIEF sur les rives du fleuve Congo représente une suite logique aux orientations du Plan national de développement 2022-2026. En mariant intégration régionale et ouverture internationale, le pays entend façonner un cadre d’affaires stable, capable d’attirer des flux d’investissements diversifiés. Les indices macroéconomiques récents, marqués par une consolidation budgétaire et la modernisation des infrastructures numériques, offrent une toile de fond propice à cette ambition.
Les enjeux diplomatiques d’une vitrine économique régionale
Le choix de Brazzaville n’est pas uniquement symbolique. Il illustre la recherche croissante, au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie, d’ailes africaines solides pour la diplomatie économique. Dans un espace où la compétition continentale s’aiguise, le Congo propose un modèle articulé autour de la stabilité institutionnelle, de la disponibilité énergétique et d’un positionnement logistique central en Afrique centrale.
Le ministre Ludovic Ngatsé souligne que l’événement permettra de consolider l’image du pays comme hub d’affaires, tout en approfondissant les chaînes de valeur régionales. Au-delà des sessions plénières, les corridors thématiques consacrés à la santé, aux mines responsables et au numérique devraient catalyser des partenariats Sud-Sud et triangulaires. La présence annoncée de plusieurs fonds d’investissement francophones traduit déjà un premier effet d’entraînement.
Jean-Daniel Ovaga, architecte d’une ambition collective
Au cœur de la mécanique organisationnelle se trouve le Dr Jean-Daniel Ovaga. Médecin-entrepreneur, président de l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo et promoteur d’une clinique de référence, il incarne la convergence entre leadership privé et vision publique. Son choix comme commissaire général du FIEF 2026 s’explique par une capacité reconnue à fédérer des intérêts parfois dissemblables, qu’il s’agisse de start-ups locales en quête de capitaux ou de groupes multinationaux désireux d’ancrage régional.
L’homme, qui revendique « un patriotisme économique décomplexé », voit dans le forum une occasion de placer l’entrepreneur congolais face à des standards d’excellence internationaux. Les sessions de mentoring annoncées, doublées de rencontres B2B ciblées, devraient renforcer les compétences managériales domestiques et accélérer la maturation des projets porteurs. Cette dynamique, s’inscrivant dans la lignée des orientations présidentielles en faveur de la diversification, nourrit l’espoir d’un tissu productif moins dépendant des hydrocarbures.
Synergies gouvernementales et secteur privé : un modèle émergent
La préparation du FIEF stimule une coopération inter-ministérielle inédite, mobilisant l’Économie, les Petites et Moyennes Entreprises, le Développement industriel ainsi que la Coopération internationale. Cet effort transversal illustre l’évolution de la gouvernance économique congolaise vers des logiques de résultats mesurables et de partage de responsabilités. Les partenaires techniques, tels que l’Agence de promotion des investissements, sont appelés à produire des tableaux de bord indicateurs pour piloter l’héritage à long terme de l’événement.
Dans un contexte post-pandémique où la résilience se conjugue à la relance, les autorités misent sur des incitations fiscales ciblées pour les investisseurs francophones. Les zones économiques spéciales, adossées à des infrastructures portuaires modernisées, devraient se voir attribuer un statut promotionnel d’ici à la tenue du forum. En retour, les opérateurs nationaux attendent un accès élargi aux marchés extérieurs, facilités par des mécanismes de garantie mis en place avec l’appui de partenaires multilatéraux.
Vers mai 2026 : défis logistiques et héritage durable
Si l’enthousiasme est palpable, les défis restent tangibles. Le succès de précédentes manifestations à Brazzaville, telles que les Jeux africains ou la Rencontre des entrepreneurs francophones, démontre la capacité d’accueil de la ville, mais souligne également la nécessité d’investissements soutenus dans l’hôtellerie et la mobilité urbaine. L’extension en cours de l’aéroport Maya-Maya et la modernisation de certains axes routiers visent à fluidifier l’arrivée de près de deux mille participants attendus.
Au-delà de la logistique, c’est la dimension d’héritage qui retient l’attention des observateurs. Le gouvernement souhaite ancrer, dans la durée, un réseau d’affaires régulier articulé autour d’un centre de conventions modernisé et d’incubateurs sectoriels. Jean-Daniel Ovaga plaide pour que chaque table ronde laisse place à des feuilles de route concrètes, suivies d’un mécanisme d’évaluation semestriel. De cette méthode pourrait émerger un écosystème capable de soutenir, sur le long terme, la montée en gamme de l’économie congolaise.
Cap vers une diplomatie économique de proximité
À l’horizon 2026, le rendez-vous du FIEF s’impose donc comme un accélérateur de la politique de proximité prônée par les autorités. En faisant converger intérêts publics et initiatives privées, Brazzaville ambitionne d’offrir un laboratoire grandeur nature de la francophonie économique. La réussite de l’entreprise dépendra de la capacité collective à transformer le prestige événementiel en réformes structurelles et en investissements productifs.
Dans un environnement international fragmenté, le Congo parie sur la force du multilatéralisme culturel pour défendre ses intérêts et accompagner sa jeunesse entrepreneuriale. Entre vision institutionnelle, pragmatisme entrepreneurial et attentes citoyennes, le Forum international des entreprises francophones 2026 pourrait bien marquer le basculement d’une ambition vers une réalité mesurable.