Capitale en quête de propreté
À l’orée de la saison des pluies, Brazzaville se retrouvait confrontée à des tas d’ordures menaçant d’obstruer les caniveaux et d’exposer les habitants aux maladies hydriques. L’urgence d’un nettoyage massif s’imposait pour préserver santé publique et image de la cité.
Depuis plusieurs mois, les habitants signalaient régulièrement l’apparition de décharges sauvages, notamment dans les arrondissements densément peuplés de Talangaï et Mikalou. Les services municipaux, débordés, appelaient au renfort pour éviter de voir la situation sanitaire se détériorer davantage.
C’est dans ce contexte que le groupement logistique des forces de sécurité intérieure a décidé de mobiliser ses effectifs, illustrant l’approche multisectorielle préconisée par les autorités pour relever les défis urbains, du climat à la salubrité, sans laisser personne au bord de la route.
Lancement de l’opération coup de balai
Le 21 octobre, à l’aube, bulldozers, pelles mécaniques et camions-bennes se sont alignés devant l’école Grand Fleuve. Sous la supervision conjointe de la police et de la gendarmerie, la colonne motorisée a entamé son parcours de dix kilomètres vers le nord de la capitale.
Objectif premier : dégager les poubelles négligées, ramasser les sacs déchirés et curer les caniveaux avant les grandes pluies. « Nous voulons libérer les voies d’évacuation des eaux avant les prochaines averses », explique le commandant Jean-Robert Okamba, responsable du dispositif.
Sur le terrain, environ 200 agents en treillis troquent momentanément leur fonction de maintien de l’ordre pour des gants, des râteaux et des masques de protection. Chaque équipe est suivie d’un camion chargé de transporter les déchets jusqu’au centre intermédiaire de Mpila.
Les premiers chiffres communiqués en fin de journée font état de 260 tonnes de détritus collectés et de 3,5 kilomètres de caniveaux totalement dégagés. Les engins lourds ont également nivelé plusieurs dépotoirs spontanés, rendant à la chaussée sa vocation de voie publique.
Mobilisation communautaire et premières impressions
Au quartier Mikalou, des enfants entonnent des chants tandis que leurs parents observent la scène, téléphones en main. « C’est une bonne chose. Nous espérons que cela va continuer régulièrement », confie Antoine, vendeur de boissons, dont la boutique est désormais accessible sans franchir un monticule d’ordures.
Des représentants d’associations de jeunes ont profité de l’opération pour sensibiliser les passants à la gestion responsable des déchets ménagers. Des prospectus rappellent les horaires de collecte et les numéros utiles, tandis qu’un stand mobile montre comment trier le plastique du compostable.
L’Observatoire congolais du développement durable souligne que les campagnes participatives augmentent de 30 % la durée de vie des ouvrages d’assainissement. « Lorsque les citoyens se sentent impliqués, ils protègent les caniveaux de nouveaux dépôts », note Mireille Ndinga, chargée d’études au sein de la structure.
Enjeux sanitaires et climatiques de l’assainissement
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 60 % des maladies diarrhéiques en Afrique centrale proviennent d’une eau domestique souillée par les déchets urbains. Curage et collecte régulière sont donc des leviers essentiels pour réduire la pression sur les centres de santé déjà saturés.
Sur le plan climatique, les dépotoirs à ciel ouvert constituent des sources diffuses de méthane, gaz à pouvoir de réchauffement vingt-huit fois supérieur au CO₂. Leur élimination progressive s’inscrit dans les objectifs nationaux de réduction des émissions validés dans la Contribution déterminée au niveau national.
Par ailleurs, le nettoyage mécanique des caniveaux favorise l’infiltration des eaux pluviales et limite les inondations, phénomène récurrent dans les bas-fonds de la ville. Cette mesure de prévention coûte moins cher que la réparation des infrastructures routières après chaque saison des pluies.
Vers un modèle pérenne de gestion des déchets
Le plan spécial de salubrité urbaine, dont l’opération du 21 octobre n’est que la première étape, prévoit l’extension du dispositif à l’ensemble des neuf arrondissements de Brazzaville. Un comité de suivi mensuel associera mairies, forces de sécurité, entreprises de collecte et organisations citoyennes.
Pour soutenir financièrement l’effort, un mécanisme pilote de responsabilité élargie des producteurs est en discussion avec les importateurs de boissons en plastique. L’idée est de constituer un fonds dédié, abondé par une éco-contribution, afin de garantir la continuité des campagnes de nettoyage.
En parallèle, l’Institut national de recherche en sciences sociales pilote une enquête sur les comportements domestiques. Les premiers retours indiquent qu’un ménage sur deux brûle encore ses déchets dans la cour. Les conclusions aideront à adapter les messages de sensibilisation aux réalités de chaque quartier.
Les autorités rappellent enfin que la réussite passe par la responsabilité partagée : jeter un sachet dans un caniveau peut annuler des heures d’effort collectif. « Nous continuerons d’accompagner la population, mais chacun doit faire sa part », affirme la commissaire divisionnaire Adèle Bemba.
À l’issue de la première semaine, le contraste visuel dans les artères nettoyées est déjà perceptible. Reste à transformer cet élan ponctuel en rituel citoyen. Brazzaville montre qu’une ville peut se relever d’un défi d’assainissement, pourvu que volonté politique et mobilisation sociale convergent.
