Diplomatie verte à Brazzaville
Le bruissement discret des pioches a remplacé, le temps d’une matinée, le chant des perruches dans le parc séculaire de la Case de Gaulle. Jeudi 9 octobre 2025, jeunes, diplomates et élus locaux ont uni leurs forces pour planter vingt nouveaux arbres.
L’opération marque le coup d’envoi du programme Ambassade verte, label décroché par la représentation française pour réduire son empreinte carbone. L’initiative arrive alors que Brazzaville intensifie ses actions de résilience climatique, articulant ambition municipale et soutien des partenaires internationaux autour des quartiers riverains du fleuve Congo.
La Case de Gaulle, témoin patrimonial
Construite en 1942, la résidence s’étire sur deux hectares au cœur du quartier Bacongo. Ses grands kapokiers, longtemps emblématiques, ont souffert d’attaques fongiques et de bourrasques répétées. Les ingénieurs forestiers ont donc privilégié un remplacement anticipé plutôt qu’un abattage d’urgence, jugé plus risqué pour le patrimoine et la sécurité.
« Nous voulons que ces essences traversent le siècle », a confié l’ambassadrice Claire Bodonyi. Sous les flamboyants encore en fleurs, elle a rappelé que la résidence accueille régulièrement des ateliers, des concerts et des délégations, faisant du verger naissant un futur support pédagogique pour tous.
Des essences choisies pour le climat urbain
Le choix botanique mêle acajous, doussiés et safoutiers, trois espèces indigènes adaptées aux sols ferrallitiques de Brazzaville. Elles offrent un couvert dense absorbant le dioxyde de carbone et, pour les fruitiers, la promesse de paniers de saison servis aux hôtes de passage de la résidence.
Les techniciens du ministère congolais de l’Économie forestière, associés au projet, assureront la surveillance phytosanitaire. Un relevé mensuel de croissance sera publié en open data, conformément aux directives nationales de transparence environnementale, facilitant la réplicabilité du modèle dans les écoles, hôpitaux ou entreprises publiques de tout le pays.
Jeunesse mobilisée avec Toza bilengé
Une vingtaine de jeunes du programme Toza bilengé, financé par l’AFD et l’Union européenne, ont réalisé les trous et paillé les pieds. « Participer ici, c’est apprendre un métier vert et sentir qu’on compte pour la ville », sourit Mireille, 23 ans, diplômée en agriculture cette année même.
Le projet prévoit pour eux des formations continues en arboriculture urbaine, débouchant sur des contrats d’entretien. Cette insertion répond aux attentes du Plan national d’adaptation qui encourage la création de mille emplois verts par an d’ici 2030, notamment dans la capitale et ses banlieues.
Partenariat Europe-Congo, un pas vers 2030
Pour l’Union européenne, représentée par Augustin Bondo Tshiani, l’action illustre la diplomatie climatique de proximité. « En valorisant des essences endémiques, nous rappelons que la conservation commence dans les jardins », a-t-il noté, saluant la compétence des pépiniéristes congolais et l’engagement communautaire à toute échelle locale.
L’opération s’inscrit dans la Semaine de la diplomatie verte, qui fédère plus de quarante événements en Afrique centrale. Ateliers sur les bilans carbone, projections de films et visites guidées complètent le programme, renforçant le dialogue science-politique sur la gestion durable du bassin du Congo fluvial.
Impacts locaux mesurés et suivis
Aussi modeste soit-elle, une plantation urbaine agit comme un puits de fraîcheur. Selon l’Observatoire congolais du climat, un arbre adulte peut faire baisser la température ressentie de trois degrés dans un rayon de quinze mètres, réduisant la demande en climatisation et l’ozone troposphérique dans les quartiers denses.
Les ingénieurs ont installé des sondes d’humidité au pied des pousses afin de calibrer l’arrosage. L’eau provient d’un forage équipé de panneaux solaires, système qui a déjà divisé par deux la facture énergétique de la résidence et sert d’exemple aux copropriétés voisines qui envisagent un projet semblable bientôt.
La municipalité de Bacongo en soutien
Présent lors du lancement, l’administrateur-maire Bernard Batantou a confirmé que la commune de Bacongo mettra à disposition un agent technique pour accompagner les relevés. Il voit dans cette démarche « une passerelle vers l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les ODD » locaux déjà engagés aussi.
Le député Vadim Osdet Mvouba, élu du secteur, a salué un « cercle vertueux » associant pouvoirs publics, bailleurs étrangers et société civile. Selon lui, reproduire l’expérience dans les écoles primaires encouragera les élèves à protéger les manguiers historiques, souvent tailladés pour le bois ou l’ombre.
Reproductibilité pour tous les territoires
L’enjeu désormais est d’assurer la longévité du projet. Les partenaires ont signé un protocole d’accord précisant le budget annuel de maintenance, la chaîne d’alerte en période sèche et le rôle de la start-up congolaise MapTree, chargée de cartographier chaque spécimen et de suivre son état grâce aux drones.
Au-delà des murs diplomatiques, l’initiative envoie un signal d’espoir aux riverains: la transition verte peut naître à la porte de chez soi. Dans quelques années, le bruissement renouvelé des feuilles témoignera d’une coopération enracinée dans la terre et tournée vers l’avenir commun et partagé.
Sous la canopée naissante, les organisateurs ont installé un panneau pédagogique détaillant la photosynthèse, bilingue français-lingala. Les écoliers du voisinage viendront y pointer la croissance hebdomadaire, transformant la science en jeu collectif.
