Une filière en quête de renouveau
Au Congo, la viande porcine couvre près de 35 % des besoins en protéines animales, mais l’offre locale demeure insuffisante, selon la Direction générale de l’élevage. Les importations comblent encore l’écart, fragilisant la balance commerciale et limitant la création d’emplois ruraux.
À Boko, chef-lieu agricole du département du Pool, les éleveurs dénoncent depuis plusieurs années les coûts de l’aliment complet, la vétusté des porcheries et l’irrégularité de l’assistance vétérinaire. Ces obstacles nourrissent l’idée d’une restructuration concertée portée par les communautés elles-mêmes.
La foire aux cochons organisée en octobre a symboliquement ouvert ce nouveau chapitre. Durant trois jours, agriculteurs, étudiants de l’Institut supérieur agronomique de Kinskala et représentants d’ONG ont partagé données technico-économiques, recettes d’aliments formulés localement et bonnes pratiques sanitaires.
Pour Germain Céphas Ewani, secrétaire permanent du Conseil consultatif de la société civile, « la filière porcine du Pool possède un potentiel de croissance inclusive que nous devons accompagner de manière rigoureuse ».
Patricia Tendelet, catalyseur local
Éleveuse depuis quinze ans et aujourd’hui présidente de la coopérative des femmes leaders de Boko, Patricia Tendelet incarne ce renouveau. Sa porcherie pilote, bâtie sur deux hectares réhabilités après culture de manioc, produit 120 porcs par cycle, nourris à 70 % par des sous-produits locaux.
« Un porc bien nourri, c’est trois familles qui mangent », rappelle-t-elle, insistant sur la complémentarité entre élevage et agriculture vivrière. Son approche circulaire attire l’attention du Programme des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui cite Boko comme exemple d’agro-intégration à petite échelle.
En marge de la foire, Mme Tendelet a confié souhaiter doubler sa capacité dès 2025, grâce à un nouveau bâtiment semi-climatisé réduisant les pertes de chaleur et la mortalité néonatale. Elle espère également certifier ses pratiques au standard sanitaire OIE, afin de viser les marchés urbains.
Son leadership a convaincu M. Ewani de la solliciter comme formatrice itinérante. « Les récits inspirent mais les résultats comptent », estime le responsable, qui plaide pour la capitalisation rapide de l’expérience de Boko dans les départements des Plateaux et de la Cuvette.
Des solutions circulaires pour réduire l’empreinte
Le projet pilote adossé à la foire mise sur le compostage systématique des lisiers. Des cuves anaerobies expérimentales transforment déjà 500 kg de déjections hebdomadaires en biogaz, couvrant 60 % des besoins énergétiques de la porcherie de la coopérative.
Le digestat, riche en azote, est vendu aux maraîchers locaux à 50 FCFA le kilo, moitié moins cher que l’engrais importé. Selon l’ONG Action Verte, ce seul flux permettrait d’économiser 3 000 sacs d’urée importés chaque année dans le Pool.
Les échanges de la foire ont aussi acté la création d’une centrale d’achat communautaire. En mutualisant maïs, son de blé et vitamines, les éleveurs ambitionnent de faire baisser de 15 % le coût de l’aliment, première dépense du secteur.
Enfin, la valorisation de carcasses non conformes via une petite unité de charcuterie artisanale contribuera à réduire le gaspillage, tout en diversifiant l’offre vers le jambon fumé, très prisé dans les grands marchés de Brazzaville.
Infrastructure et services, le nerf de la guerre
Pour transformer l’essai, les participants ont insisté sur trois chantiers publics prioritaires. D’abord, l’achèvement des adductions d’eau et d’électricité, indispensables au fonctionnement des couveuses et des frigos.
Ensuite, la réhabilitation de la route Kinkala-Boko, artère de 34 km dont les ornières triplent actuellement le temps de trajet vers la capitale régionale. Selon la Chambre d’agriculture, chaque heure de transport perdue coûte 2 % de valeur au porc vif.
La troisième priorité concerne l’assistance vétérinaire. Le ratio actuel est d’un vétérinaire pour 12 000 porcs dans le Pool, loin de la recommandation nationale d’un pour 5 000. Les acteurs suggèrent un maillage de postes mobiles adossés aux collèges agricoles.
« Nous avons déjà élaboré un mémorandum que nous transmettrons aux ministères de tutelle », assure Théophile Samba, membre du comité d’organisation, ajoutant que les doléances s’inscrivent dans la Stratégie nationale de développement durable 2022-2030.
Vers une référence nationale
Au terme des débats, l’idée d’institutionnaliser la foire aux cochons de Boko comme rendez-vous annuel a fait consensus. Un marché forain mensuel consacrera quant à lui la mise en relation directe entre producteurs et bouchers urbains.
Les projections du comité prévoient la création de 400 emplois directs en trois ans, dont 60 % féminins, et une multiplication par deux de la production locale, passant de 1 200 à 2 400 porcs par an.
Sarah Koumba, étudiante en économie rurale, voit déjà s’ouvrir de nouveaux horizons : « Mes camarades et moi pensions émigrer vers Pointe-Noire. La dynamique de Boko montre qu’on peut innover et réussir ici ».
Pour Patricia Tendelet, la route est tracée : « Le Pool a longtemps été perçu comme une simple zone de passage. Demain, il sera reconnu comme un territoire d’élevage durable, solidaire et rentable ». Son appel résonne bien au-delà des enclos, invitant tout le pays à croire en l’or rose de Boko.
									 
					