Arrestation éclair à Nkayi
Un simple appel anonyme a suffi pour déclencher, le 28 octobre 2025, une opération montée en urgence par la gendarmerie de Bouenza à Nkayi. Les agents ont surpris un quadragénaire tentant d’écouler un bébé chimpanzé qu’il gardait, recroquevillé, dans un sac tissé.
L’interpellation, réalisée avec les inspecteurs de l’Économie forestière et l’appui technique du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, a permis de saisir l’animal vivant et de sécuriser immédiatement la zone de transaction improvisée près du marché central.
Conduit au commissariat, le suspect a reconnu avoir capturé le petit primate dans les forêts de Kindamba, à plus de deux mois de route, confirmant l’existence de filières qui acheminent, discrètement, des espèces protégées du Pool vers les centres urbains du sud.
Une espèce intégralement protégée
Le chimpanzé, emblème de l’intelligence animale, figure sur la liste des espèces intégralement protégées par l’arrêté 6075 du 9 avril 2011. La loi congolaise interdit toute détention, transport ou commerce de l’espèce, sauf dérogation scientifique dûment signée par l’administration forestière.
Les articles 25 à 29 de la loi 37/2008 prévoient jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et cinq millions de francs CFA d’amende, afin de décourager un marché lucratif nourri par la demande d’animaux de compagnie exotiques.
Le cas de Nkayi rappelle la vulnérabilité persistante des grands primates face aux pièges, aux coupes de bois non planifiées et à l’extension de cultures. Les chercheurs estiment que chaque bébé capturé suppose la mort de plusieurs adultes venus défendre leur groupe.
La chaîne de la maltraitance mise à nu
Âgé d’environ six mois, le jeune mammifère a subi soleil direct, manque d’eau et coups répétés, selon les agents qui l’ont récupéré. Sa fourrure par endroits brûlée et sa déshydratation rappellent que le temps écoulé entre capture et vente aggrave la souffrance.
Un officier confie que l’animal « couinait d’épuisement ». Le constat corrobore les relevés du Projet PALF, qui observe une hausse de signalements de trafic de primates sur les axes routiers reliant le Pool à la Bouenza.
La maltraitance ne touche pas seulement la faune. Les communautés riveraines voient disparaître un allié naturel pour la dispersion des graines, élément crucial de la régénération forestière. À moyen terme, l’érosion du couvert végétal expose davantage les habitations et les routes aux crues soudaines.
Un cadre juridique dissuasif
L’arrestation de Nkayi illustre le fonctionnement articulé entre forces de l’ordre, administration forestière et associations mandatées. Le capitaine D. Bampoue, contacté, salue « la vigilance populaire et la coordination interservices, indispensables pour créer un précédent et faire école dans les autres districts ».
Les peines prévues par la loi 37/2008 peuvent paraître sévères, mais elles tiennent compte de la lenteur de reproduction des chimpanzés. Un couple ne donne naissance qu’à un petit tous les cinq à six ans, rendant chaque perte démographique quasi irréversible à l’échelle d’une génération.
Le sanctuaire de Tchimpounga, refuge stratégique
À Tchimpounga, dans le Kouilou, l’équipe de l’Institut Jane Goodall a accueilli le bébé rescapé dès le lendemain. Examen vétérinaire, lait enrichi et socialisation progressive auprès d’autres orphelins font partie d’un protocole éprouvé qui vise, à terme, la réintroduction en milieu protégé.
Le sanctuaire héberge aujourd’hui plus de cent vingt chimpanzés, la plupart issus de saisies similaires. Ses infrastructures se modernisent via un partenariat avec le ministère de l’Économie forestière, garantissant alimentation, suivi médical et surveillance sanitaire de la faune environnante.
L’Institut rappelle que chaque pensionnaire coûte environ 1 500 000 F CFA par an, denrées et salaires inclus. Les responsables reposent sur des dons privés, des conventions internationales et une subvention publique pour assurer, sans interruption, les soins jusqu’à la possible libération en zone protégée.
Entre forêt, communautés et développement durable
Dans le district de Kindamba, d’où vient l’animal, plusieurs villages dépendent de la chasse de subsistance. Les ONG locales plaident pour des alternatives, tels l’apiculture ou les cultures maraîchères, afin de réduire la pression sur la faune et d’améliorer les revenus familiaux.
Les autorités départementales encouragent désormais l’utilisation de téléphones verts, numéros gratuits où signaler tout transport suspect d’espèces intégralement protégées. Les messages radio communautaire, diffusés en lari, rappellent que la faune appartient au patrimoine national et peut constituer un atout touristique demain.
Une étude pilote, menée avec l’université Marien-Ngouabi, suit l’évolution des chimpanzés dans le couloir Pool-Bouenza. Les premiers relevés, attendus pour 2026, guideront la création de nouveaux couloirs écologiques et des projets de reforestation participative.
Vers une mobilisation citoyenne accrue
Le procès annoncé du trafiquant présumé sera suivi de près par la société civile. Plusieurs associations prévoient d’y dépêcher des observateurs afin de documenter la procédure et sensibiliser, via les réseaux sociaux, sur la portée exemplaire d’une condamnation ferme.
En attendant, le bébé chimpanzé, baptisé Ntombo par ses soigneurs, s’accroche déjà aux lianes de sa volière. Son cri clair, retransmis lors d’une courte vidéo, incarne l’espoir d’un retournement : celui d’une prise de conscience collective capable de sauvegarder l’héritage naturel congolais.
