Un retour triomphal à Brazzaville
Les applaudissements qui ont accueilli, le 16 juillet, la délégation congolaise à l’aéroport Maya-Maya trahissaient l’ampleur symbolique du deuxième voyage d’étude Unesco-Codemao. Conduits par la représentante de l’Unesco au Congo, Madame Fatoumata Barry Marega, cinq lycéens et leurs professeurs revenaient d’une immersion de huit jours au sein d’un écosystème technologique chinois réputé pour sa maîtrise de l’intelligence artificielle.
Au-delà des honneurs protocollaires, l’événement marque une étape supplémentaire dans la volonté affichée de l’État congolais de moderniser son système éducatif et de préparer sa jeunesse aux métiers émergents de l’économie numérique, orientation déjà soulignée dans les différentes communications du ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation.
La stratégie éducative numérique congolaise
L’initiative Unesco-Codemao s’inscrit en résonance avec les priorités décrites par le Plan national de développement qui fait de la transformation numérique un levier de diversification économique. En acceptant l’invitation de l’Unesco, les autorités éducatives congolaises entendent favoriser l’éclosion d’un capital humain capable de dialoguer avec les technologies d’avenir, tout en consolidant la coopération internationale sur un secteur hautement stratégique.
Au-delà du soutien matériel, l’implication institutionnelle congolaise témoigne d’une diplomatie éducative proactive : former des enseignants référents, dotés d’une culture de l’innovation, puis diffuser, « en cascade », les acquis auprès de milliers d’élèves dans les départements. Le programme répond ainsi aux exigences d’équité territoriale prônées par le gouvernement.
Des modules d’intelligence artificielle de pointe
Le séjour à Shenzhen et Hangzhou a été rythmé par des ateliers intensifs sur l’apprentissage automatique, les réseaux de neurones, la programmation événementielle et le traitement du langage naturel. Les néophytes ont pu manipuler des plateformes ludiques, conçues pour démocratiser la logique algorithmique dès l’adolescence.
Les formateurs chinois, en collaboration avec des ingénieurs de la fondation Codemao, ont mis l’accent sur l’esprit critique : au-delà de la simple exécution de lignes de code, il s’agissait d’identifier un problème sociétal local, de prototyper une solution et d’en mesurer la faisabilité. Chacun des cinq lycéens a ainsi présenté un micro-projet intégrant un module d’IA, allant de l’optimisation du tri des déchets à l’assistance linguistique en langues nationales.
Vers une école congolaise plus pratique
La dimension empirique de la formation a séduit les éducateurs congolais, souvent confrontés à un enseignement théorique. L’enseignant Chris Moukana souligne « l’utilité d’une pédagogie centrée sur le projet qui réconcilie l’élève avec la résolution de problèmes concrets ».
Les responsables académiques envisagent déjà d’introduire, à titre pilote, des laboratoires de codage dans plusieurs lycées de Brazzaville et Pointe-Noire. Le dispositif s’appuiera sur les lauréats du voyage, investis de la mission d’ambassadeurs auprès de leurs pairs. Cette approche participative répond à la dynamique gouvernementale de mise en réseau des établissements, favorisant la mutualisation des équipements informatiques.
Une diplomatie scientifique sino-congolaise
La Chine et le Congo, liés par plusieurs accords dans les infrastructures et l’énergie, étendent désormais leur partenariat au champ cognitif. Pékin voit dans l’exportation de son modèle d’éducation technologique un instrument de soft power, tandis que Brazzaville y puise un accélérateur de compétences.
Pour Madame Fatoumata Barry Marega, « cette convergence d’intérêts s’inscrit dans la logique de l’Agenda 2030 pour le développement durable, où la qualité de l’éducation et l’innovation sont indissociables ». À travers l’Unesco, les deux États matérialisent une diplomatie scientifique qui consolide la place du Congo dans les forums internationaux dédiés aux technologies émergentes.
Témoignages d’élèves et d’enseignants
Menga Iloki Bernadeth, lycéenne à Sibiti, confie avoir découvert « la puissance du travail collaboratif » après avoir développé, avec des pairs chinois, un chatbot de soutien scolaire. Son aisance à présenter le projet devant un jury polyglotte lui a valu une prime d’encouragement.
Côté encadrement, les enseignants s’accordent à dire que l’expérience a brisé le mythe d’une technologie inaccessible. Ils se sentent désormais aptes à adapter les séquences pédagogiques aux référentiels locaux, sans renoncer à l’ambition scientifique.
Perspectives pour la génération codage
À court terme, les ambassadeurs Unesco-Codemao animeront des clubs de programmation dans leurs établissements. À moyen terme, un référentiel national de compétences en intelligence artificielle devrait voir le jour, favorisant la certification progressive des apprenants.
Il reste à résoudre la question de la connectivité dans les zones rurales, mais les autorités, soutenues par des partenaires techniques, misent sur la multiplication de centres numériques communautaires. En capitalisant sur l’enthousiasme de la jeunesse formée en Chine, le Congo se donne les moyens d’accélérer la diversification de son économie et de s’inscrire dans le concert des nations façonnant, avec lucidité, l’intelligence artificielle au service du développement humain.