Un carrefour géographique stratégique
Situé à la charnière de l’Afrique australe et équatoriale, le Congo-Brazzaville expose un relief qui se déploie de la plaine littorale, caressée par l’Atlantique, jusqu’aux plateaux intérieurs entaillés par les affluents du fleuve Congo. Cette configuration détermine une mosaïque d’écosystèmes dont l’articulation confère au pays un rôle disproportionné dans la régulation climatique régionale. Selon les dernières données publiées par le Centre de recherche sur le climat du bassin du Congo, les forêts congolaises stockeraient plus de trente milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de trois années d’émissions mondiales de CO₂.
Les écosystèmes du bassin : un puits de carbone mondial
La pluviosité abondante, modulée par les influences combinées de la mousson équatoriale et de la houle de Benguela, alimente des massifs forestiers primaires pratiquement ininterrompus. Les savanes du Niari et les tourbières de la Likouala, récemment cartographiées par l’Université de Leeds, recèlent des stocks de carbone souterrain inestimables. « Le maintien de ces milieux humides est essentiel à la stabilité thermique de la planète », rappelle le professeur Dieudonné Kikioni, hydrologue congolais reconnu, insistant sur la nécessité d’une surveillance continue pour prévenir le drainage intempestif des tourbières.
Des sols fragiles face aux pressions anthropiques
Deux tiers du territoire reposent sur des sols à texture grossière où la latérite domine. Sous un climat chaud et humide, la matière organique se minéralise rapidement, laissant peu de marge pour l’accumulation d’humus. Dans les savanes méridionales, l’érosion éolienne se conjugue à la battance pluviale, accélérant la perte de fertilité. Consciente de la vulnérabilité pédologique, la Direction générale du développement durable encourage dorénavant l’agroforesterie intégrée qui, d’ici 2030, devrait couvrir 200 000 hectares, limitant ainsi l’expansion des cultures itinérantes.
Gestion intégrée des eaux et résilience climatique
Le réseau hydrographique, dominé par le fleuve Congo et ses affluents, constitue la colonne vertébrale hydraulique du pays. Les plaines inondables évacuent chaque année des millions de mètres cubes d’eau, rechargeant les aquifères mais exposant les communautés riveraines à des crues de plus en plus imprévisibles. Le Plan national d’adaptation, adopté en 2021, privilégie la restauration des berges en amont de Malebo Pool et la construction de digues écologiques en matériaux locaux, solution saluée par le Programme des Nations unies pour l’environnement pour son faible impact carbone.
Initiatives nationales pour une économie verte inclusive
Sous l’impulsion du ministère de l’Économie forestière, le Congo a rejoint l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI), obtenant un financement de 65 millions de dollars destiné à renforcer la gouvernance foncière et à promouvoir la certification forestière. Les concessions pilotes de la Sangha affichent déjà une amélioration de la traçabilité du bois, tandis que le corridor Brazzaville-Pointe-Noire expérimente la filière du bambou énergétique pour alimenter les zones périurbaines en biogaz. « Notre objectif est double : réduire la pauvreté rurale et valoriser les services écosystémiques », confie Rosalie Matondo, ministre en charge des Forêts, soulignant l’importance du partenariat public-privé.
Perspectives régionales et diplomatie environnementale
Hôte régulier du Sommet des trois bassins forestiers, Brazzaville joue désormais la carte de la diplomatie climatique en faveur d’un marché du carbone équitable. La création, en 2022, d’un Observatoire congolais des forêts vise à consolider les données nécessaires à la négociation des crédits carbone fondés sur des référentiels scientifiques robustes. Les experts estiment que la République du Congo pourrait générer, à terme, jusqu’à 150 millions de dollars par an grâce aux mécanismes internationaux, ressources qui seraient réinjectées dans les infrastructures vertes et la formation des jeunes cadres environnementalistes.