Une vision nationale pour un assainissement inclusif
Le 14 octobre, à Brazzaville, le Congo a validé sa première Politique nationale d’assainissement 2024-2030, résultat d’un long travail multi-acteurs lancé après la Conférence sur l’assainissement urbain. Le texte ambitionne des villes plus propres et résilientes face aux dérèglements climatiques.
Pour Juste Désiré Mondelé, ministre de l’Assainissement urbain, « ce document agit comme une boussole stratégique vers les Objectifs de développement durable, tout en ouvrant des perspectives de transformation économique et sociale ». La formule résume l’importance politique conférée à l’assainissement.
En moins de cinq ans, le gouvernement ambitionne de réduire drastiquement les maladies hydriques, de protéger les eaux du fleuve Congo et de recycler la part croissante de déchets urbains, en stimulant au passage l’économie circulaire et l’emploi vert.
Santé publique et emploi vert au cœur des priorités
Les statistiques du ministère révèlent que près d’un quart des consultations pédiatriques sont liées aux diarrhées. La PNA place donc l’accès à des latrines sûres, au drainage et à la gestion des boues au premier rang de ses priorités sanitaires.
Côté économie, l’étude d’impact préliminaire évoque la création de dix mille emplois directs dans les filières de collecte, de compostage et de valorisation énergétique. Les jeunes diplômés en environnement et les coopératives féminines sont ciblés par des programmes de formation cofinancés avec la BAD.
Mariavittoria Ballotta, représentante de l’Unicef, rappelle que « chaque latrine fonctionnelle diminue l’absentéisme scolaire et protège les plus vulnérables ». Son agence accompagnera un fonds de garantie logé dans une banque nationale pour faciliter les prêts aux ménages désireux d’améliorer leur cadre de vie.
Gouvernance renforcée et financement innovant
Le texte institue un comité national de pilotage doté d’un secrétariat technique qui publiera un tableau de bord mensuel. Les indicateurs couvriront la couverture en assainissement, la part de déchets réutilisés et les investissements publics et privés mobilisés.
Pour financer les infrastructures, le gouvernement parie sur un mix de subventions, de redevances locales et de partenariats public-privé. Un mécanisme de tarification incitative, basé sur le principe pollueur-payeur, devrait voir le jour après une phase pilote à Pointe-Noire.
La BAD, partenaire clef, envisage d’appuyer la création d’une usine de traitement mécano-biologique capable de réduire de 60 % les volumes envoyés en décharge. Un accord de principe a été annoncé lors de l’atelier, sous réserve d’études de faisabilité détaillées.
Un volet numérique, élaboré avec l’Agence congolaise de l’économie des données, prévoit une plateforme ouverte cartographiant en temps réel les points noirs d’évacuation, les débordements pluviaux et les performances des opérateurs. Les start-up locales pourront y proposer des solutions géolocalisées rémunérées par abonnement municipal.
Les collectivités en première ligne
À l’échelle des quartiers, les mairies de Brazzaville et de Dolisie testent déjà la gestion de proximité inspirée des tontines. Les ménages paient une contribution symbolique, et les comités de rue assurent la collecte hebdomadaire vers des points de regroupement motorisés.
Dieudonné Bantsimba, président du Conseil municipal de Brazzaville, souligne que la croissance urbaine exige une politique cohérente. Il plaide pour un Code de l’assainissement afin d’harmoniser taxes, sanctions et normes techniques sur l’ensemble du territoire.
Les organisations communautaires, fortes de leur connaissance du terrain, sont invitées à documenter les obstacles et à sensibiliser sur l’hygiène. Le Réseau des journalistes eau et environnement prévoit, lui, des cartes interactives pour suivre les avancées ville par ville.
Prochaines étapes et indicateurs de suivi
L’étape cruciale réside désormais dans l’adoption des plans d’action quinquennaux. Chaque ministère sectoriel devra préciser ses budgets, ses délais et les outils de mesure, puis rendre compte au Parlement et aux citoyens dans un rapport accessible en ligne.
Un premier bilan intermédiaire est attendu en 2026, année retenue pour le lancement simultané du Programme d’assainissement inclusif et de l’observatoire national des déchets. Les données seront croisées avec celles du système de santé pour mesurer l’impact sur la morbidité.
D’ici là, le ministère table sur une campagne de communication massive. Spots radios en langues locales, dessins animés éducatifs et concours inter-collèges doivent ancrer de nouveaux réflexes, à commencer par le simple lavage des mains, encore insuffisant selon les enquêtes rurales et urbaines.
Le portage politique compris, la PNA reste un chantier collectif. « Notre devoir est d’agir avec rigueur et rapidité », a insisté le ministre Mondelé. Cette exigence de résultats pourrait devenir un marqueur fort de la transition écologique congolaise au cours de la décennie.
Si elle atteint ses cibles, la politique nationale d’assainissement positionnera le Congo comme référence sous-régionale, tout en améliorant concrètement la santé, l’emploi, l’attractivité de ses villes et la confiance des investisseurs. Les parties prenantes savent que le chronomètre est lancé.
Au-delà des frontières, la CEEAC suit le dossier de près, soucieuse d’aligner les politiques urbaines des pays membres. Un partage d’expériences est envisagé lors du Forum de Libreville en 2025, où Brazzaville présentera ses premiers résultats et ses leçons apprises.
