Un cap stratégique pour 2026-2030
Les 14 et 15 octobre, Brazzaville accueillera le premier atelier de validation de la Politique nationale d’assainissement 2026-2030, un rendez-vous présenté par le ministère de l’Assainissement urbain comme « le coup d’envoi d’une nouvelle ère sanitaire ».
Objectif affiché : doter le Congo d’un cadre stratégique, cohérent et inclusif capable d’accélérer l’accès universel à l’eau potable, aux toilettes sûres et à la gestion hygiénique des déchets liquides et solides dans chaque quartier.
En partenariat avec l’Unicef, les autorités entendent combler un vide juridique signalé par de nombreuses municipalités, contraintes jusqu’ici de naviguer sans boussole face à l’urbanisation rapide et aux inondations saisonnières.
Les défis sanitaires et climatiques en ville
Selon le dernier rapport conjoint OMS-Unicef, 36 % des ménages urbains congolais utilisent encore des installations non améliorées, une vulnérabilité qui favorise choléra, fièvres typhoïdes et flambées de paludisme pendant les crues.
À Brazzaville, la municipalité chiffre à 4,5 milliards de francs CFA par an les pertes économiques liées aux maladies d’origine hydrique et au colmatage récurrent des drains, selon une note technique municipale consultée par notre rédaction.
Le changement climatique exacerbe ces pressions : précipitations plus intenses en saison pluvieuse, périodes de sécheresse prolongées, érosion accélérée des ravines périphériques.
Pour Issa Moulounda, hydrogéologue au Centre de recherche en géosciences, « la nouvelle politique devra intégrer des scénarios climatiques fiables afin d’éviter que les investissements ne soient détruits par le prochain événement extrême ».
Voix de terrain : habitants et ONG plaident
Dans le quartier Makabandilou, Rosalie Nkouka, vendeuse de légumes, raconte devoir dépenser 1000 CFA chaque semaine pour faire vider son puits noir improvisé, une somme lourde pour son foyer où le revenu quotidien dépasse rarement 2500 CFA.
L’ONG Jeunesse verte Congo insiste, documents SIG à l’appui, sur l’importance d’associer les comités de quartier au suivi des stations de traitement, afin d’éviter les abandons constatés dans d’anciennes latrines communautaires.
« Nous voulons être formés et rémunérés pour trier les boues, cela créera de l’emploi local », souligne Alain Mabiala, président d’un groupe de jeunes déscolarisés mobilisés sur le projet pilote de Djiri.
Financements et innovations locales
Le cadrage budgétaire propose un investissement de 120 milliards de francs CFA sur cinq ans, combinant recettes nationales, appui des partenaires techniques et lignes de crédit vertes annoncées par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale.
La commission d’experts envisage de promouvoir le « sanitation as a service », modèle où des opérateurs privés collectent, traitent et valorisent les boues fécales en briquettes de combustible ou en fertilisant organique vendu aux maraîchers périurbains.
À Dolisie, la start-up CleanBoue teste déjà ce procédé sur une unité modulaire de 15 m³ ; ses premiers résultats montrent une réduction de 90 % des pathogènes et un pouvoir calorifique équivalent au charbon de bois.
Un volet formation renforcera les compétences des artisans vidangeurs, souvent informels. Le programme prévoit 120 bourses de formation certifiante en hygiène et sécurité, accompagnées de kits de protection individuelle, afin de professionnaliser une activité essentielle mais jusqu’ici marginalisée.
Le ministère assure que la Pna favorisera ces initiatives, en simplifiant les permis et en créant un guichet unique numérique, d’ores et déjà hébergé au sein de l’Agence de développement de l’économie numérique.
Feuille de route et calendrier
Durant l’atelier, six groupes thématiques passeront au crible la gouvernance, le financement, l’ingénierie sociale, le suivi-évaluation, l’intégration climatique et les mécanismes d’urgence, avant une restitution plénière présidée par le ministre M. Ntsonso.
Le document final devrait être transmis au Conseil des ministres courant novembre, puis examiné au Parlement pour adoption avant la fin de l’année, permettant aux crédits 2025 d’intégrer déjà certaines actions pilotes.
Parmi ces actions figure la construction de dix stations de dépotage sécurisées, la réhabilitation de 30 km de caniveaux et le déploiement d’une appli mobile de signalement des débordements, inspirée de la plateforme participative iCongoClean.
Quel impact pour les communautés ?
En améliorant la salubrité, le gouvernement table sur une réduction de 40 % des maladies diarrhéiques d’ici 2030 et sur la création de 5000 emplois directs au sein des services municipaux et des micro-entreprises d’assainissement, selon la note d’impact préliminaire.
Les bailleurs saluent ce cap, à l’image de Marie-Catherine Reynaud, représentante Unicef : « Le Congo montre qu’un leadership fort, fondé sur les données, peut accélérer l’ODD 6 tout en générant des co-bénéfices climatiques et économiques. »
À l’horizon 2040, les planificateurs évaluent à 1,2 million de mètres cubes la quantité annuelle de boues à traiter dans le pays, ce qui ouvre un marché estimé à 15 milliards CFA et autant d’opportunités pour les investisseurs nationaux.
Reste la vigilance citoyenne : plusieurs associations demanderont la publication trimestrielle des indicateurs de performance et la prise en compte systématique des retours d’usagers, pour que la promesse d’un Congo propre et sain devienne une réalité mesurable.
Si le modèle réussit, Brazzaville pourrait inspirer Pointe-Noire et les centres secondaires, renforçant la résilience globale du Congo face aux défis conjoints de l’urbanisation et du climat.
