Un appel national aux bâtisseurs
Brazzaville vit déjà au rythme du 6 octobre 2025, date retenue par l’Union internationale des architectes pour célébrer la Journée mondiale de l’architecture. Le président de l’Ordre des architectes du Congo, Antoine Béli Bokolojoué, a appelé ses confrères à faire de « Concevoir la résilience » un fil conducteur de leurs projets.
Dans son message, il rappelle que l’événement, instauré en 1985, se tient chaque premier lundi d’octobre, parallèlement à la Journée mondiale de l’habitat des Nations unies, consacrée en 2025 à la réponse aux crises urbaines. « Notre rôle dépasse la construction de murs », souligne-t-il.
Résilience urbaine et défis climatiques
La République du Congo, bordée par le fleuve, affronte des inondations récurrentes et des vagues de chaleur grandissantes. À Pointe-Noire, l’érosion côtière gagne un mètre par an selon l’Institut national de la statistique. Concevoir la résilience devient donc un impératif de sécurité pour près de la moitié de la population urbaine.
Les autorités misent sur la planification par bassin versant et la restauration des mangroves pour amortir les tempêtes tropicales, tout en modernisant les réseaux d’assainissement. Les architectes sont sollicités pour traduire ces orientations en logements sûrs, économes et adaptables.
Une loi fondatrice comme tremplin
Le 28 mai 2024, le chef de l’État a promulgué la loi régissant le titre et l’exercice de la profession d’architecte. Porté par l’OAC, ce texte encadre l’éthique, renforce la formation continue et encourage l’usage de matériaux locaux à faible empreinte carbone, tels que la latérite stabilisée.
« Cette loi nous donne la latitude d’exiger la qualité et la soutenabilité à chaque étape », explique Antoine Béli Bokolojoué. Les maîtres d’ouvrage publics disposent désormais d’un cahier des charges aligné sur les objectifs nationaux de réduction des risques et des émissions.
La force dans la conception
Premier pilier prôné par l’OAC : faire du bâti une armature protectrice. Les nouveaux plans de l’hôpital de Makoua, par exemple, intègrent toitures ventilées, couloirs de fuite et zones tampons végétalisées capables d’abaisser la température intérieure de 3 °C.
Cette approche mêle durabilité, résilience et sensibilité culturelle. Les motifs inspirés des tissages téké ornent les façades, rappelant l’ancrage identitaire qui renforce le sentiment d’appartenance des usagers.
Une plateforme pour la résilience
Le bâti joue aussi un rôle d’asile lors de catastrophes. À Dolisie, le futur lycée technique comprendra un gymnase convertible en centre d’hébergement d’urgence. Des prises électriques étanches, reliées à des panneaux solaires, assurent fonctionnement des pompes et communications en cas de coupure générale.
« Chaque mètre carré doit pouvoir sauver des vies », résume la cheffe de projet, Irène Ngali. L’Agence de développement du territoire accompagne la municipalité pour cartographier les zones refuges et créer des corridors d’évacuation clairs.
Reconstruction durable et économie circulaire
Troisième axe : réparer plutôt que raser. Après les pluies de 2023, l’éco-quartier Nganga-Lingolo teste la brique issue des gravats concassés. Cette filière locale réduit la demande de ciment de 30 % et limite l’empreinte carbone.
Les ateliers mobiles de la start-up Éco-Brique, soutenue par l’incubateur public PEJ, forment des jeunes à la préfabrication. Résultat : un cycle court qui donne du travail, valorise les déchets et accélère la remise en état des logements endommagés.
Cartographie et données ouvertes
La télédétection, couplée aux relevés drones, affine l’analyse des micro-bassins de Brazzaville. Les couches SIG sont mises en ligne sur le portail national OpenCity, offrant aux architectes un accès gratuit aux altitudes, nappes et contraintes réglementaires.
Cet effort de transparence évite les surcoûts et les erreurs de site. « En croisant pluviométrie et typologie de sols, on gagne six mois d’étude », détaille le géomaticien Arsène Mbenza.
Former la nouvelle génération
L’université Marien-Ngouabi lance, dès la rentrée 2024, un master « Architecture, climat et résilience » en partenariat avec l’École d’architecture de Nantes. Les cours mêlent conception bioclimatique, simulation énergétique et insertion communautaire.
Une centaine de bourses d’excellence financées par le Fonds national climat permettront aux étudiants, dont 40 % de femmes, de prototyper des solutions réalistes sur le terrain, accompagnés par des mentors de l’OAC.
Voix de terrain et savoirs locaux
À Mpouya, les communautés riveraines expérimentent la toiture en feuilles de raphia compressées, combinée à un filet pare-pluie. « Le matériau respire et garde la maison fraîche », témoigne le chef Ndinga. Les architectes documentent ces pratiques pour les intégrer aux normes.
Ce dialogue croise sciences modernes et savoirs endogènes, créant des œuvres hybrides qui réduisent les coûts et renforcent l’acceptation sociale.
Financements verts et partenariats
La Banque postale du Congo a lancé en mars un emprunt obligataire vert de 30 milliards de FCFA destiné aux projets urbains résilients. Les collectivités peuvent solliciter un taux bonifié à 3 %, à condition d’atteindre un ratio de matériaux biosourcés supérieur à 50 %.
Les premières signatures concernent la réhabilitation du marché Total et la création d’un parc inondable à Ouesso, appelé à absorber 200 000 m³ d’eaux de crue.
Éthique et responsabilité sociale
Le nouveau code RSE de la Fédération congolaise du bâtiment impose, dès 2025, la publication d’indicateurs d’énergie grise et d’inclusion des travailleurs. Les entreprises respectant ces critères auront un accès prioritaire aux appels d’offres publics, renforçant la chaîne de valeur locale.
« La transparence attire les investisseurs à impact », affirme Louison Diangana, analyste ESG chez Equateur Capital.
Coopérations régionales
Le Congo participe au Réseau africain des villes résilientes piloté par C40. Brazzaville échange données et retours d’expérience avec Dakar et Abidjan sur la lutte contre les ilots de chaleur. Des ateliers virtuels mensuels décryptent les projets pilotes en cours.
Ces synergies accélèrent la diffusion de solutions éprouvées et renforcent le plaidoyer africain lors des négociations climatiques mondiales.
Informations pratiques
Les architectes souhaitant partager projets ou études peuvent écrire à contact@oac.cg. Une hotline, 1014, renseigne sur les démarches d’agrément. Les municipalités disposent d’un guichet unique au ministère de l’Aménagement du territoire pour valider leurs plans directeurs avant le 30 juin 2025.
Le site officiel oac.cg héberge le calendrier des webinaires, fiches techniques matériaux, et une cartothèque libre de droits.
Perspectives vers octobre 2025
D’ici la date symbolique du 6 octobre, l’Ordre ambitionne de labelliser 100 projets « Architecture Résilience Congo », couvrant écoles, dispensaires et infrastructures de mobilité douce. Un prix récompensera les initiatives les plus innovantes, dotation financée par le secteur privé.
« Nous voulons prouver que la résilience est synonyme d’opportunités et non de contraintes », conclut Antoine Béli Bokolojoué.
									 
					