Un rendez-vous d’experts à haute valeur symbolique
Réunis sous les lambris feutrés de l’hôtel Pefaco, plus d’une cinquantaine de décideurs publics, de représentants de la société civile, de bailleurs de fonds et de journalistes ont, durant deux journées, confronté leurs diagnostics sur l’avenir économique du Congo. La Rencontre pour la paix et les droits de l’homme, pilotée par le sociologue Christian Mounzéo, avait choisi d’articuler les débats autour d’une problématique désormais incontournable : comment inscrire la richesse nationale dans un horizon post-pétrolier sans rompre l’équilibre social ni compromettre la soutenabilité budgétaire.
De l’éloquence des chiffres à l’urgence de l’action
Avec plus de 60 % de ses recettes d’exportation encore liées aux hydrocarbures, le Congo connaît une dépendance qui, pour nombre de participants, exige une anticipation méthodique. Madame Rosine Olga Mayela Ossombi, directrice générale par intérim du développement durable au ministère de l’Environnement, a rappelé que « la diversification ne saurait rester un simple slogan » : derrière les formules, il s’agit de sécuriser la trajectoire budgétaire, de préserver l’emploi et de répondre aux attentes d’une jeunesse majoritairement urbaine.
Neuf axes pour un cap commun
Les discussions en carrefours thématiques ont débouché sur la formulation de neuf axes stratégiques. Ils couvrent la promotion des énergies renouvelables, l’émergence de filières agricoles et numériques créatrices de valeur, le perfectionnement des cadres juridiques, la garantie d’une équité territoriale effective, la transparence de la gouvernance, la mobilisation de partenariats financiers, le renforcement des compétences techniques, la communication auprès des citoyens et l’ancrage d’une approche intersectorielle. La précision de cette matrice constitue, pour plusieurs observateurs, un pas déterminant vers la mise en œuvre d’un agenda partagé.
La gouvernance, épine dorsale de la transition
Si les orientations résonnent avec les engagements internationaux du Congo, notamment l’Accord de Paris et l’Agenda 2063 de l’Union africaine, leur effectivité dépendra de la capacité institutionnelle à traduire les recommandations en politiques publiques. L’ingénieur énergétique Désiré Okouala souligne que « la crédibilité des réformes passera par un suivi-évaluation transparent, fondé sur des données accessibles et vérifiables ». Autrement dit, la participation citoyenne, couplée à un reporting régulier, devrait consolider la confiance des bailleurs et encourager l’investissement privé.
Le nerf de la paix sociale : inclusion et équité
La transition énergétique n’est pas qu’une affaire de kilowatts. Les délégués ont insisté sur la dimension redistributive d’un nouveau modèle d’accumulation. Les zones rurales, longtemps en marge des grandes infrastructures, aspirent à bénéficier des retombées des barrages hydroélectriques ou des parcs solaires. À Brazzaville comme à Pointe-Noire, les syndicats rappellent la nécessité d’outils de reconversion professionnelle, destinés aux salariés de la chaîne pétrolière. Dans cette perspective, un consensus s’est dégagé sur l’adoption de mécanismes de filets sociaux combinant formation, micro-crédit et couverture sanitaire.
Financer la mutation sans creuser la dette
La question financière occupe une place centrale. Parmi les pistes évoquées figurent l’accès aux fonds internationaux de transition juste, la création d’obligations vertes souveraines et la mobilisation d’instruments mixtes associant ressources publiques, investissements privés et garanties multilatérales. Les représentants des partenaires techniques ont estimé que la qualité de la gouvernance environnementale du Congo, illustrée par la gestion de ses forêts, peut devenir un argument de poids dans la négociation de lignes de crédit à taux préférentiels.
Vers une feuille de route consolidée
À l’issue des travaux, le secrétariat scientifique a reçu mandat de rédiger un rapport intégrant l’ensemble des recommandations, avant sa transmission aux autorités gouvernementales compétentes. Une série de concertations territoriales est annoncée afin de contextualiser les mesures aux réalités des départements. La prochaine étape pourrait voir la constitution d’un comité interministériel chargé d’orchestrer la mise en musique de la transition, en cohérence avec le Plan national de développement en vigueur.
Du discours à la matérialité du changement
Les participants sont concordes : sans leadership politique soutenu, l’élan consultatif risque de s’étioler. Néanmoins, l’impulsion donnée par la table-ronde rappelle qu’une synergie entre État, société civile et partenaires est possible. Dans un contexte où le gouvernement réaffirme régulièrement sa volonté de moderniser l’économie et de préserver la stabilité sociale, le momentum paraît favorable. La transition vers un Congo post-pétrolier ne se décrétera pas, elle se construira, patiemment, à la croisée de la science, de la concertation et d’une gouvernance constamment ajustée.