Amcez, nouveau levier de conservation au Congo
Le 17 septembre à Brazzaville, la ministre de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault, a reçu le directeur régional Afrique centrale de la Wildlife Conservation Society, Christopher Holmes. Leur échange a porté sur l’opérationnalisation des Aires de conservation efficaces par zone, connues sous l’acronyme Amcez.
Adoptées par le Congo en février, les Amcez répondent aux standards de l’Union internationale pour la conservation de la nature et de la Convention sur la diversité biologique. Elles complètent le réseau d’aires protégées en misant sur une gestion souple, compatible avec certaines activités humaines durables.
Un outil innovant pour atteindre 30 % du territoire
Lors de l’audience, Benjamin Ewan’s, directeur technique à la WCS, a rappelé que les Amcez aideront le pays à protéger 30 % de ses terres et eaux à l’horizon 2030, objectif fixé par les accords mondiaux. « Il faut des lignes de clarification pour embarquer tous les acteurs », a-t-il précisé.
Contrairement aux parcs nationaux, une Amcez n’exige pas l’exclusivité de la conservation. L’essentiel est de garantir, suivi scientifique à l’appui, la préservation des habitats et des espèces tout en reconnaissant les valeurs culturelles et socio-économiques locales.
Comment distinguer une Amcez d’une aire protégée
Une aire protégée est légalement classée et souvent soumise à des restrictions fortes. L’Amcez, elle, naît d’un consensus entre autorités, communautés et partenaires techniques. Sa gouvernance repose sur des plans simples, régulièrement évalués pour démontrer des résultats mesurables en matière de biodiversité.
Cette souplesse intéresse particulièrement les paysages de production forestière ou agro-pastorale du nord et du sud du pays, où des concessions privées, des terroirs villageois et des couloirs fauniques se superposent. Les Amcez peuvent ainsi relier des zones intactes sans bouleverser les modes de vie.
Voix des communautés riveraines
À Makokou, aux portes du futur corridor Batéké-Léfini, la cheffe coutumière Adèle Mouyabi se réjouit : « Nous voulons protéger nos sources d’eau et récolter le miel comme nos ancêtres. L’Amcez nous donne un cadre pour discuter d’égal à égal avec l’administration. »
Pour les jeunes du village voisin, l’initiative ouvre aussi des perspectives d’éco-tourisme. Daniel Massamba, 24 ans, rêve de devenir guide naturaliste : « Si la forêt reste saine, je pourrai gagner ma vie ici plutôt que de partir à la ville. »
Étapes techniques avant la validation officielle
Le ministère prépare un arrêté définissant la méthodologie nationale d’identification, de suivi et de reporting des Amcez. Une cartographie haute résolution issue du satellite Sentinel 2 fournit déjà un inventaire préliminaire des habitats prioritaires le long du fleuve Congo.
Parallèlement, un groupe de travail multipartite consolide un manuel pratique. Il détaille les critères de sélection, la collecte de données participatives et les procédures de reconnaissance par le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, condition pour intégrer le registre mondial.
Apports attendus pour la résilience climatique
Les services écosystémiques fournis par les futures Amcez – séquestration carbone, régulation hydrologique, pollinisation – soutiendront les objectifs climatiques du Plan national de développement. Le chercheur Cédric Ngollo estime que « protéger ces espaces tampon limitera l’érosion et maintiendra la fertilité des sols face aux sécheresses ».
La dimension carbone retient aussi l’attention des bailleurs de fonds. Les Amcez pourraient générer des crédits selon des méthodologies volontaires, apportant des recettes additionnelles aux communautés, aux communes et aux programmes de suivi.
Partenariats public-privé en gestation
Plusieurs sociétés forestières certifiées ont manifesté leur intérêt pour inscrire leurs concessions à haute valeur de conservation dans la démarche Amcez. L’avantage : valoriser leurs efforts de gestion durable et accéder à des marchés exigeant la traçabilité environnementale.
Du côté des institutions financières, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale étudie des mécanismes d’incitation, incluant des prêts bonifiés pour les entreprises qui adoptent un plan de conservation validé. Ces synergies illustrent l’économie verte que vise la République du Congo.
Implication des jeunes chercheurs et perspectives
L’Université Marien Ngouabi a lancé un programme de master sur la gestion adaptative des Amcez. Les étudiants mèneront des inventaires fauniques participatifs et alimenteront la base de données nationale. Le recteur se félicite « d’une science qui nourrit l’action publique ».
Le prochain atelier technique est prévu en décembre à Brazzaville. Il devrait entériner une feuille de route chiffrée, définir les sites pilotes et préciser le calendrier d’évaluation. Christopher Holmes se veut confiant : « Nous avançons d’un même pas avec le gouvernement et les communautés pour que les Amcez deviennent réalité. »
