Congo-Venezuela, un axe pédagogique en expansion
À l’heure où la scène internationale réévalue ses priorités à l’aune des impératifs climatiques, Brazzaville et Caracas ont choisi de consolider un partenariat éducatif susceptible d’accompagner la transition écologique. La rencontre tenue le 5 août entre le ministre congolais de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, Jean Luc Mouthou, et l’ambassadrice du Venezuela, Laura Evangelia Suarez, s’inscrit dans cette dynamique. Le dialogue, volontairement multidimensionnel, place la protection de l’environnement au cœur d’un dispositif académique déjà nourri de programmes bilatéraux antérieurs.
Cette convergence d’intérêts survient dans un contexte où le Congo, signataire de l’Accord de Paris, ambitionne de porter la part de l’économie verte à 40 % de son PIB d’ici 2035. Le système éducatif est perçu comme un levier stratégique pour diffuser, dès le plus jeune âge, les comportements compatibles avec cet objectif.
Diplomatie éducative et environnementale
Selon la cheffe de mission vénézuélienne, « il est souhaitable de stimuler, parmi les apprenants, une véritable culture de l’assainissement afin de soutenir la politique congolaise de protection de l’environnement ». Au-delà de la déclaration d’intention, les deux parties envisagent l’élaboration d’une campagne nationale de sensibilisation dans les écoles publiques et privées, campagne qui serait articulée autour de trois modules : gestion des déchets, préservation de la biodiversité et économie circulaire.
L’approche adoptée reflète une double volonté. D’une part, capitaliser sur l’expérience vénézuélienne en matière de brigades scolaires écologiques, initiées dès 2011 dans l’État de Lara. D’autre part, renforcer le Plan national congolais “École propre, communauté saine”, lancé en 2021, lequel a déjà permis la mise en place de jardins pédagogiques dans 150 établissements, selon les données du ministère.
Vers une pédagogie verte partagée
La coopération se traduit concrètement par l’élaboration d’outils didactiques intégrant la perspective climat-biodiversité aux disciplines classiques. Il est notamment question de concevoir des manuels bilingues français-espagnol illustrant l’importance des écosystèmes forestiers du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, ainsi que les techniques traditionnelles de conservation promues par les communautés locales.
Le programme prévoit également la formation conjointe de 300 enseignants dans les écoles normales supérieures de Brazzaville et de Maracay. Ces sessions, qui combineront sciences de l’éducation, écologie tropicale et méthodologies participatives, viseront à doter le corps professoral de compétences pratiques : compostage sur site scolaire, maintenance de panneaux solaires pour l’alimentation de salles informatiques, et animation de clubs verts. L’UNESCO, partenaire technique historique du Congo, est sollicitée pour garantir la cohérence pédagogique avec le Cadre d’action Éducation 2030.
Diversification linguistique et coopération technique
Au chapitre culturel, l’introduction progressive de l’espagnol dans les collèges congolais figure parmi les priorités. Elle répond à la demande croissante de plurilinguisme dans les domaines de la diplomatie, de la recherche scientifique et des négociations climatiques. Le Venezuela s’engage à fournir des enseignants volontaires, ainsi qu’une bibliothèque numérique de ressources interactives.
Parallèlement, la valorisation des langues nationales congolaises, déjà inscrite dans la réforme curriculaire de 2020, sera appuyée par un partage d’expériences sur la lutte contre l’analphabétisme. Caracas offre son expertise des programmes “Misión Robinson”, qui ont permis de réduire le taux d’analphabétisme vénézuélien à 2,1 %. Cette synergie est censée renforcer le dispositif congolais de classes passerelles destinées aux jeunes déscolarisés, lesquelles intégreront désormais un volet “lecture verte” basé sur des récits locaux de gestion durable des forêts.
Perspectives stratégiques pour la jeunesse congolaise
En articulant écologie, alphabétisation et plurilinguisme, Brazzaville et Caracas esquissent une diplomatie éducative de nouvelle génération, directement connectée aux Objectifs de développement durable. Les retombées attendues touchent plusieurs registres : amélioration du capital humain, création d’emplois verts et consolidation d’une conscience civique favorable à la préservation du bassin du Congo.
Le calendrier opérationnel prévoit la signature, d’ici la fin de l’année, d’un mémorandum d’entente encadrant les volets budgétaires et les indicateurs de suivi. « Nous voulons que chaque école devienne un laboratoire vivant du développement durable », résume un conseiller technique du ministère congolais, avant d’ajouter que la mobilisation des collectivités locales garantira la pérennité des initiatives au-delà du cycle scolaire.
Ainsi, loin de se limiter à un échange protocolaire, la coopération Congo-Venezuela ouvre un chantier ambitieux où le savoir et l’environnement convergent pour doter la jeunesse congolaise des outils intellectuels et pratiques nécessaires à l’édification d’une économie sobre en carbone et riche en diversité culturelle.