Les faits à Dolisie
Le 4 octobre, au petit matin, les gendarmes de la compagnie de Dolisie ont intercepté deux jeunes hommes transportant quatre pointes d’ivoire, équivalant à deux éléphants abattus. Les défenses, soigneusement emballées, étaient destinées à un acheteur encore non identifié.
Selon les premiers éléments de l’enquête, l’ivoire aurait transité par le poste frontalier de Mabanda, au Gabon, avant d’être acheminé par bus jusqu’à la capitale du Niari. Les suspects, âgés de 21 et 29 ans, ont immédiatement reconnu les faits.
Opération concertée forces publiques et ONG
L’arrestation résulte d’une collaboration tissée depuis 15 ans entre la Gendarmerie, la direction départementale de l’Économie forestière et le Projet d’Appui à l’Application de la Loi sur la Faune Sauvage, plus connu sous l’acronyme PALF.
« Nous avons reçu une information anonyme la veille », confie un officier sous couvert d’anonymat. « Grâce à l’appui technique de PALF, nous avons planifié une surveillance discrète qui a permis de saisir la marchandise sans incident ».
Vigilance des communautés riveraines
Derrière la saisie se cache souvent un habitant attentif. À Kanga, quartier périphérique de Dolisie, une vendeuse de carburant artisanal a remarqué les colis suspects et prévenu un leader communautaire, lequel a relayé l’alerte via une messagerie sécurisée.
Les radios locales, soutenues par le ministère de la Communication, diffusent chaque semaine des spots rappelant que la dénonciation d’un trafic faunique est un acte citoyen protégé. Les informateurs bénéficient d’un strict anonymat, précise PALF.
Un arsenal juridique renforcé
Au Congo, l’éléphant de forêt est classé espèce intégralement protégée. L’article 27 de la loi sur la faune et les aires protégées interdit toute détention, importation ou exportation de ses trophées sans dérogation scientifique ou de reproduction.
Les deux prévenus risquent entre deux et cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à cinq millions de francs CFA d’amende. Le procureur près le Tribunal de grande instance de Dolisie a indiqué que le dossier serait traité « avec célérité, dans l’intérêt général ».
Une volonté politique affirmée
En ratifiant la convention CITES et la Déclaration de N’Djamena sur la lutte anticriminalité faunique, Brazzaville a réitéré son engagement à préserver les espèces menacées. Depuis 2019, plus de 350 opérations ont été menées sur l’ensemble du territoire, selon le ministère des Forêts.
Le gouvernement appuie également les tribunaux en nommant des magistrats référents en matière environnementale. « Nous veillons à l’application pleine des textes afin que la dissuasion soit réelle », souligne un cadre du ministère de la Justice.
Technologies au service de la conservation
La stratégie nationale inclut désormais le recours à la télédétection pour suivre les couloirs de migration des éléphants et repérer les pistes clandestines. Des images satellite à haute résolution sont transmises aux éco-gardiens via une application mobile.
Dans le Niari, quatre drones à décollage vertical sillonnent les bosquets denses à l’aube. Les séquences thermiques aident à localiser les groupes d’éléphants, réduisant les risques d’affrontement avec les cultivateurs et compliquant la tâche des braconniers.
Former et insérer les jeunes
Prévenir le trafic passe aussi par l’emploi. À Dolisie, l’Institut technique agricole ouvre cette année un module sur l’écotourisme et la valorisation des produits forestiers non ligneux. Vingt-cinq jeunes seront formés aux métiers de guide naturaliste.
« Quand un garçon peut gagner sa vie légalement, il renonce aux deals d’ivoire », témoigne Bienvenu Mabiala, ancien pisteur, aujourd’hui apiculteur. Son micro-projet, soutenu par la Banque congolaise de l’habitat, fournit du miel à trois supermarchés de Pointe-Noire.
Impfondo, l’autre signal d’alarme
Le 25 août, à 800 kilomètres de là, une commerçante avait été arrêtée à Impfondo pour deux peaux de panthère et des écailles de pangolin géant. L’affaire, toujours pendante, rappelle que le trafic concerne divers symboles de la biodiversité congolaise.
Ces dossiers interpellent sur la nécessité d’une surveillance coordonnée entre départements. Le fleuve et les corridors routiers forment un réseau que les trafiquants connaissent bien, mais que l’État entend reprendre en main, assure la direction générale des Douanes.
Comment alerter sans s’exposer
Toute personne témoin d’un trafic peut composer gratuitement le 140, numéro vert du ministère de l’Économie forestière, ou se rendre au bureau local de la Gendarmerie. Les agents garantissent la confidentialité des signalements, qu’ils proviennent d’un village ou d’un quartier urbain.
