Brazzaville mise sur l’agriculture intelligente
Brazzaville a vécu, les 16 et 17 octobre, un rendez-vous où science et terrain se sont donné la main. Autour de l’Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation, étudiants, chercheurs et agriculteurs ont débattu d’une voie agricole moderne, durable et résiliente.
Cette initiative reflète la volonté nationale d’aligner la production vivrière sur ses atouts naturels. Plus de dix millions d’hectares arables, un climat clément et des ressources hydriques abondantes placent le Congo-Brazzaville parmi les pays africains aux marges de progression les plus prometteuses.
Défis et potentiels du secteur agricole
Pourtant, les indicateurs économiques rappellent que la contribution du secteur agricole au PIB demeure modeste. Les importations alimentaires pèsent lourd dans la balance commerciale et fragilisent la souveraineté, surtout face à la variabilité climatique qui bouleverse les calendriers culturaux.
Un séminaire-atelier catalyseur d’innovation
C’est dans ce contexte que l’ANVRI a conçu le premier séminaire-atelier dédié à l’agriculture dite « intelligente ». Deux journées d’échanges intenses, hébergées dans l’amphithéâtre de la faculté des sciences, ont offert aux participants une immersion pratique dans des solutions nourries par la recherche locale.
Obel Patrick Okéli, directeur général de l’agence, a insisté sur la « synergie des compétences » à bâtir entre laboratoires, start-up, exploitations et décideurs publics, afin de transformer les prototypes en usages quotidiens sur les parcelles rurales comme périurbaines.
Il s’agit, a-t-il rappelé, d’« explorer les innovations et d’élaborer des feuilles de route concrètes pour accélérer la transition vers une agriculture moderne au Congo » (ANVRI).
Priorités fixées par les autorités
Le ministère de la Recherche scientifique, représenté par Aimé Christian Kayath, voit dans cette démarche un complément stratégique au Plan national de développement. Il souligne que mécanisation, irrigation maîtrisée et accès aux données climatiques constituent les leviers d’une productivité durable et inclusive.
Kayath rappelle toutefois que le modèle agricole actuel reste tributaire des aléas pluviométriques et d’un équipement encore sommaire. Cette dépendance limite la rentabilité et accentue la vulnérabilité des petites exploitations, majoritaires sur le territoire national.
L’agriculture intelligente, concept et leviers
L’agriculture intelligente, concept phare du séminaire, vise justement à contourner ces freins. La coordonnatrice Exaucé Nkaya la décrit comme l’usage raisonné de technologies, d’outils adaptés et de pratiques culturales capables d’anticiper ou d’atténuer les effets du changement climatique tout en dopant les rendements.
Les panels ont exploré la télédétection par drone pour suivre la santé des sols, les applications mobiles de prévision météo, ou encore les semences sélectionnées pouvant résister aux sécheresses plus longues, sujets qui concernent directement les jeunes porteurs de projets agro-innovants.
Jeunesse et producteurs en première ligne
Plusieurs étudiants de l’Université Marien Ngouabi, incubés au sein de mini-entreprises agricoles, confient avoir trouvé dans la formation « un tremplin pour passer de la théorie à la pratique ». Ils espèrent lever des capitaux grâce aux démonstrateurs mis en avant durant les ateliers.
Du côté des agriculteurs, l’intérêt porte sur la possibilité de mutualiser certains équipements coûteux, tels que les stations météo automatiques. « Seul, je ne peux pas acheter ces outils, ensemble c’est envisageable », note un maraîcher de Madibou, venu partager son expérience.
Vers une feuille de route nationale
Les organisateurs entendent prolonger l’élan né à Brazzaville par la rédaction, d’ici la fin de l’année, d’une feuille de route. Elle recensera les priorités techniques, les besoins financiers et un calendrier d’actions pilotes à tester dans différentes zones agro-écologiques du pays.
À moyen terme, le succès de ces expérimentations pourrait réduire la facture des importations alimentaires, renforcer la diversification de l’économie et créer des opportunités pour la jeunesse, cible majeure des politiques publiques de l’emploi.
Les différents intervenants saluent un cadre de dialogue apaisé qui associe chercheurs, décideurs et citoyens, dans un esprit de co-construction. Cette méthode participative renforce l’appropriation locale des innovations et cadre avec la vision gouvernementale d’un développement équilibré des territoires.
Financement vert et impacts environnementaux
Les discussions ont également abordé la question du financement vert. Selon plusieurs intervenants, l’accès aux lignes de crédit climatiques ou aux marchés carbone pourrait subventionner l’achat de capteurs et de systèmes d’irrigation solaire, réduisant ainsi la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles.
En matière d’environnement, les experts soulignent que la diffusion de pratiques de conservation des sols et de rotation culturale limitera l’érosion et la perte de nutriments. Ces bénéfices écosystémiques, rarement comptabilisés, représentent pourtant un précieux capital naturel pour les communautés locales.
Apprentissage continu et perspectives
L’ANVRI annonce enfin un programme de webinaires trimestriels afin de maintenir la dynamique et partager les retours d’expérience des premières fermes pilotes. Les supports de cours seront mis à disposition sur une plateforme libre d’accès, favorisant l’apprentissage continu.
Clap de fin le 17 octobre, mais début d’un chantier de long terme. Les participants repartent avec un réseau élargi, des contacts utiles et une certitude partagée : l’agriculture intelligente constitue un atout stratégique pour assurer la sécurité alimentaire et une croissance verte au Congo-Brazzaville.
