Un protocole d’accord record de 5,5 milliards USD
Le 6 novembre, à Gaborone, la ministre botswanaise des Mines et de l’Énergie, Bogolo Joy Kenewendo, a apposé sa signature sur un protocole d’accord de 5,5 milliards USD avec le conglomérat turc Ulsan Holding et trois partenaires financiers internationaux.
Le projet prévoit la réhabilitation des centrales thermiques A et B de Morupule, la construction de fermes solaires et de nouvelles unités à charbon propre, pour une capacité cumulative de 1,5 gigawatt destinée à sécuriser l’approvisionnement électrique du Botswana.
Sécurité énergétique régionale et pool électrique SAPP
Au-delà des frontières, Gaborone ambitionne d’exporter les futurs excédents via le Southern African Power Pool, réseau qui relie déjà douze pays dont la République du Congo, permettant des échanges en temps réel pour lisser les pics de demande régionaux.
D’après la ministre Kenewendo, cet instrument mutualisé « réduit le coût marginal du kilowattheure et renforce la stabilité électrique, condition sine qua non pour attirer des industries manufacturières sobres en carbone ».
Technologies solaires et charbon à faibles émissions
La partie solaire du projet reposera sur des trackers bifaciaux capables de produire jusqu’à 25 % d’énergie supplémentaire, selon les fiches techniques d’IGI, tandis que les unités à charbon seront équipées de filtres à particules et de capture partielle de CO₂.
Cette approche de « charbon bas carbone » n’exclut pas la transition totale vers le renouvelable, précise Fatih Gülsün, président d’Ulsan Holding, mais elle répond à l’urgence d’alimenter le réseau tout en réduisant de 35 % les émissions spécifiques.
Retombées directes pour le projet fer de Mayoko
Pour la République du Congo, la signature botswanaise constitue un jalon important car Ulsan finance simultanément le gisement de fer de Mayoko, dans le département du Niari, dont la première coulée est attendue en 2026.
L’accord sur l’énergie vient consolider le modèle économique de ce projet minier en garantissant, à terme, une fourniture régulière d’électricité verte ou hybride capable d’alimenter les broyeurs, les convoyeurs et la future aciérie envisagée près de Pointe-Noire.
Réhabilitation stratégique de la voie ferrée Mayoko-Pointe-Noire
Ulsan supervise déjà, en collaboration avec le groupe turc Albayrak, la remise à niveau de la ligne ferroviaire de 465 km reliant Mayoko au port en eaux profondes de Pointe-Noire.
Les premiers travaux portent sur le ballast et les traverses, avec l’objectif de porter la vitesse commerciale de 20 à 60 km/h et de doubler la capacité de fret, indique la Société du chemin de fer Congo-Océan.
Vers une aciérie verte au cœur de la zone industrielle spéciale
Parallèlement, Ulsan négocie avec le ministère congolais du Développement industriel l’attribution d’un lot dans la zone économique spéciale de Pointe-Noire pour y ériger une usine intégrée de pellets, de DRI et d’acier plat.
Un module de cogénération à gaz de 120 MW, alimenté par le réseau local et complété par des panneaux solaires en toiture, couvrirait la totalité des besoins énergétiques du complexe, réduisant de moitié l’empreinte carbone par rapport aux hauts-fourneaux classiques.
Perspectives pour l’emploi local et la formation
Selon le cabinet Apave, mandaté pour l’étude d’impact, la phase de construction mobiliserait 2 000 emplois directs et 5 000 indirects, avant de stabiliser un effectif permanent d’environ 600 techniciens, dont 85 % seront formés localement.
L’Institut national polytechnique de Pointe-Noire prévoit déjà un nouveau cursus en maintenance électromécanique, « pour que la valeur ajoutée reste au pays », souligne son directeur adjoint, Armel Ntsatou, confiant dans l’effet d’entraînement sur les PME de services.
Un signal pour les investisseurs climat et carbone
En annonçant que 80 % de ses investissements africains de 2025-2026 seraient dédiés au Congo, Ulsan envoie un signal clair aux acteurs de la finance verte, intéressés par la combinaison fer-hydrogène-acier bas carbone.
Les obligations durables émises par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale pourraient constituer un levier de refinancement, tandis que le marché régional du carbone émerge comme source complémentaire de revenus pour les projets industriels sobres.
Le ministère congolais de l’Économie verte rappelle que la future aciérie pourrait, à terme, intégrer de l’hydrogène vert produit à partir d’électricité solaire excédentaire, ce qui ouvrirait la porte à des certificats d’origine premium sur les marchés européens.
« Notre stratégie vise une industrialisation respectueuse du climat qui crée de la valeur locale et réduit les importations d’acier », déclare un conseiller technique du cabinet du Premier ministre, estimant que le projet Mayoko place le Congo « dans la bonne trajectoire ».
Les communautés de Mbinda et Mayoko attendent toutefois des garanties sur la protection des forêts voisines et la qualité de l’eau. Ulsan assure que des stations de traitement modernes et un fonds de restauration écologique seront opérationnels dès la phase pré-production.
Si les échéances sont tenues, la double dynamique Botswana-Congo pourrait illustrer la façon dont le charbon propre et le solaire peuvent coexister provisoirement pour alimenter l’industrialisation africaine, avant une montée en puissance de l’hydrogène et des renouvelables à 100 %.
