Rumeurs persistantes et démenti officiel
À l’ère des réseaux sociaux, la vitesse de propagation d’une information ne garantit guère sa véracité. Depuis plusieurs semaines, une allégation d’envergure circulait dans certains cercles numériques : le siège régional Afrique de l’Organisation mondiale de la santé quitterait Brazzaville pour une destination indéterminée. Mercredi 15 juillet 2025, le Représentant résident de l’OMS, le Dr Vincent Dossou Sodjinou, a dissipé toute ambiguïté. « Aucune procédure de délocalisation n’est en cours », a-t-il déclaré, qualifiant ces assertions de « ragots infondés ».
L’origine de la rumeur paraît tenir à un malentendu autour du retrait d’un bailleur majeur, source de réajustements budgétaires internes. Le diplomate onusien a insisté : ce retrait ne modifie en rien la localisation du siège, installé à Brazzaville depuis 1951, ni le mandat régional qui lui est dévolu.
Une chronologie diplomatique structurante
L’entretien entre le Dr Sodjinou et le ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, s’inscrivait dans la préparation de la commission mixte OMS–Congo. Cet organe, qui se réunira prochainement, vise à actualiser le cadre stratégique 2024-2028. Il se penchera notamment sur l’appui à la couverture sanitaire universelle et la consolidation des Centres de traitement des épidémies, deux axes jugés prioritaires par les partenaires techniques et financiers.
En coulisses, cette séquence diplomatique rappelle que la capitale congolaise a toujours joué le rôle de carrefour sanitaire pour le continent. Le siège de l’OMS y a coordonné la riposte contre la poliomyélite, la maladie à virus Ebola et plus récemment la pandémie de Covid-19. Les sources onusiennes soulignent d’ailleurs qu’un déménagement se heurterait à des obstacles logistiques et historiques majeurs : archives techniques, laboratoires de référence et réseau d’experts y sont profondément enracinés.
La place stratégique de Brazzaville pour l’OMS
Située au cœur de l’Afrique centrale, Brazzaville présente un avantage géographique indéniable dans la circulation des données épidémiologiques entre les sous-régions. La ville offre également une stabilité politique et une connectivité aérienne suffisante avec les capitales voisines, qui facilitent la mobilité des équipes d’urgence. À cet égard, la République du Congo apparaît comme un partenaire fiable, garant d’une chaîne décisionnelle fluide, condition sine qua non dans le champ de la santé publique internationale.
Le statut de capitale diplomatique de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale renforce encore cette centralité. Les organisations siégeant à Brazzaville peuvent ainsi mutualiser leurs ressources et accroître la synergie de leurs programmes. Les responsables onusiens rappellent que cette configuration institutionnelle a contribué, en 2023, à la gestion concertée d’un épisode de fièvre jaune dans la sous-région.
Les enjeux du Plan Mattei et des soins primaires
Au-delà de la clarification sur la localisation du siège, la rencontre a permis de revisiter les objectifs sanitaires du Plan Mattei, socle de la politique sociale congolaise pour la période 2023-2027. Articulé autour de l’équité et de la résilience des systèmes de santé, le Plan met l’accent sur l’extension des soins primaires et la digitalisation des données médicales.
Dans cet esprit, le Dr Sodjinou a remis un document d’orientation intitulé « Revitalisation des districts sanitaires ». Cette feuille de route entend consolider la gouvernance locale, favoriser la maintenance du plateau technique et stimuler la formation continue du personnel de santé. « Les districts sont la première ligne de défense contre les flambées épidémiques », a rappelé le représentant résident, estimant que leur renforcement conditionne l’atteinte de l’Objectif de développement durable 3.
Vers une commission mixte à haute valeur ajoutée
Sur le plan méthodologique, la commission mixte examinera les indicateurs de performance adoptés lors de la précédente session, en particulier le taux de couverture vaccinale, la disponibilité des intrants pharmaceutiques essentiels et la réduction des mortalités maternelle et néonatale. Les partenaires prévoient d’intégrer un volet analytique sur la santé numérique afin de capitaliser les leçons tirées de la surveillance communautaire déployée durant la pandémie de Covid-19.
En parallèle, une réflexion est conduite sur la diversification des sources de financement, à travers une mobilisation accrue du secteur privé. Denis Christel Sassou Nguesso a souligné la pertinence de ce levier : « Le partenariat public-privé constitue un catalyseur d’innovation et de durabilité ». L’OMS accompagnera techniquement la mise en place de mécanismes de garantie susceptibles d’attirer les investisseurs responsables.
Continuité institutionnelle et perspectives régionales
En définitive, la séquence actuelle confirme la solidité du pacte entre la République du Congo et l’OMS. Brazzaville reste un hub institutionnel dont le rayonnement dépasse les frontières nationales. Les ajustements budgétaires internes à l’OMS, bien que parfois spectaculaires dans leur perception, relèvent d’un processus fréquent d’arbitrage multilatéral qui n’entame pas les fondements statutaires du siège.
À moyen terme, les parties entendent accroître l’alignement entre priorités nationales et initiatives régionales, en veillant à la cohérence avec le Règlement sanitaire international révisé. La conclusion des travaux de la commission mixte devrait déboucher sur un plan d’action triennal assorti d’indicateurs rigoureux, répondant aux exigences de vigilance que requièrent les menaces sanitaires émergentes. L’épisode des rumeurs aura ainsi servi de rappel : dans l’écosystème informationnel contemporain, la transparence institutionnelle demeure le meilleur antidote à la désinformation.