Une arrestation qui marque les esprits
Ce 20 novembre 2025, le Tribunal de grande instance de Madingou a condamné Fulgence Claver Ntodélé-Moukoko à deux ans de prison ferme pour détention, circulation et tentative de vente d’un bébé chimpanzé, espèce intégralement protégée au Congo.
Le quadragénaire avait été intercepté le 28 octobre, à Nkayi, par une équipe mixte de la gendarmerie de la Bouenza et de la Direction départementale de l’économie forestière, mobilisée avec le soutien du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage (PALF).
À bord d’un taxi-brousse, le trafiquant revenait de Madingou. Installé sur la banquette arrière, dissimulé sous un pagne, un jeune chimpanzé effrayé de six mois portait encore les stigmates de la capture et de la captivité.
Une justice désormais dissuasive
En plus de la peine d’emprisonnement, le Tribunal a prononcé une amende de 200 000 F CFA et un million de francs CFA de dommages et intérêts au profit de l’État. Le parquet a salué un verdict « exemplaire » qui doit refroidir les velléités de braconnage.
Depuis la révision du Code forestier, les magistrats disposent d’un arsenal juridique plus clair pour réprimer la délinquance faunique, renforçant la stratégie nationale de protection de la biodiversité portée par les autorités.
Un cadre légal consolidé
La loi n° 37-2020 classe le chimpanzé parmi les espèces intégralement protégées. Toute détention non autorisée expose à trois ans de prison et quinze millions de francs CFA d’amende. Les juridictions appliquent de plus en plus systématiquement ces peines, soutenues par une formation spécialisée des juges.
Cette évolution s’inscrit dans l’engagement pris par le Congo dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces menacées, réitéré lors des dernières négociations sur le climat à Charm el-Cheikh.
ONG et forces publiques main dans la main
Le succès de l’opération de Nkayi illustre la bonne coordination entre services étatiques et ONG. « Nous apportons renseignement, formation et chaîne de preuves », explique un responsable de PALF. Les gendarmes, eux, assurent les arrestations et la sécurisation des animaux confisqués.
Ce partenariat opérationnel, financé en partie par des fonds internationaux, a permis l’an dernier la saisie de 47 primates et le démantèlement de sept réseaux, selon le ministère de l’Économie forestière.
Tchimpounga : la seconde chance
Le bébé chimpanzé confisqué a été transféré vers le sanctuaire de Tchimpounga, géré par l’Institut Jane Goodall. Là, il bénéficie de soins vétérinaires, d’une alimentation adaptée et d’un programme de socialisation avec d’autres orphelins.
Lorsque son état le permettra, une réintroduction progressive dans la forêt de Conkouati-Douli sera envisagée. Le site pilote ces relâchés depuis 2008, avec un taux de survie de 85 % après cinq ans, selon les données du sanctuaire.
La parole aux villages forestiers
À Kindamba, d’où l’animal aurait été capturé, les autorités coutumières condamnent l’acte. « Nos forêts se vident, nous devons protéger nos totems », insiste le chef Ndembi, appelant à renforcer la sensibilisation dans les écoles.
Plusieurs jeunes volontaires participent désormais à la surveillance communautaire. Munis de smartphones, ils signalent coups de feu ou passages suspects, alimentant une base de données partagée avec les éco-gardiens.
Économie locale et alternatives durables
Les experts rappellent que la pauvreté reste le moteur du trafic. Le programme Petite Agriculture Durable, lancé à Loudima, soutient 300 ménages dans la culture du cacao biologique, offrant un revenu régulier qui réduit la dépendance à la chasse.
Des accords de paiement pour services écosystémiques rémunèrent aussi la conservation des forêts communautaires. Chaque hectare non défriché génère un crédit carbone, revendu à des entreprises engagées dans la neutralité climatique.
Informer pour prévenir
Dans les lycées de Nkayi, des clubs nature organisent des débats sur la faune protégée. Les procureurs y expliquent les peines encourues, tandis que des vétérinaires présentent l’importance du chimpanzé dans la régénération des forêts.
Une émission hebdomadaire sur Radio Bouenza relaie ces messages en kituba, français et lingala, atteignant les zones rurales dépourvues d’électricité grâce aux radios à dynamo distribuées par la Croix-Rouge.
Des signaux positifs pour la biodiversité
Le verdict de Madingou s’ajoute à une série de décisions fermes qui, selon les données de l’Agence congolaise de la faune, ont réduit de 23 % les cas signalés de trafic de primates entre 2022 et 2024.
Les autorités entendent poursuivre sur cette voie. Le ministre en charge des Forêts a annoncé l’extension du programme de patrouilles aériennes par drones et l’ouverture prochaine d’un tribunal environnemental à Dolisie, pour accélérer le traitement des dossiers.
