Un chantier législatif décisif
Même si le Congo s’est doté d’un Code forestier rénové en 2020, l’application concrète de ses innovations demeure en chantier. Au cœur des attentes, l’accès à l’information, condition première d’une gouvernance inclusive et transparente des 22 millions d’hectares de forêts productives.
L’Observatoire congolais des droits de l’homme, épaulé par le Réseau des femmes pour le développement durable, a réuni à Brazzaville juristes, cheffes de coopératives, autorités locales et ingénieurs forestiers pour décortiquer le projet de décrets qui doit rendre le texte opérant.
L’accès à l’information, colonne vertébrale
En 2020, le législateur a inscrit noir sur blanc le droit pour chaque citoyen de consulter cartes d’aménagement, volumes exploités, taxes versées ou rapports d’audit. Mais les modalités pratiques – délais, formats, points de diffusion – restaient à écrire.
« On ne peut parler de participation sans information », rappelle Laurence Soh, facilitatrice du groupe de travail multi-acteur. Selon elle, l’ouverture des données permettra aux femmes « de défendre leurs intérêts et de saisir les voies de recours existantes ».
Mettre les femmes au cœur des décisions
Pourtant, les réalités de terrain montrent un fossé. À Ngabe, département du Pool, les registres restent souvent bloqués dans les chefs-lieux d’arrondissement. Thérèse Ngassaki, vendeuse de charbon, explique recevoir les avis de coupe « des semaines après le passage des camions ».
Faute d’alerte anticipée, les riveraines peinent à organiser la récolte de produits non ligneux ou à négocier des compensations. « Nous dépendons des feuilles comestibles et des écorces médicinales », insiste-t-elle, plaidant pour un affichage public des dates d’abattage.
Synergie entre État, société civile et bailleurs
L’atelier a marqué un pas vers cette transparence. Les participantes ont relu article par article la proposition du cabinet d’études recruté par le ministère de l’Économie forestière, identifiant vingt-deux points à clarifier, du coût des photocopies à la langue utilisée.
Financé par le Foreign, Commonwealth & Development Office, le programme Forêt Gouvernance Marché Climat encourage ce travail collectif. Ses experts saluent l’approche congolaise, jugée « pionnière en Afrique centrale », car elle associe très tôt la société civile à la rédaction des décrets.
Recommandations sorties de l’atelier
Les discussions ont d’abord porté sur la définition même d’« information forestière ». Le draft limite la notion aux documents administratifs. Les déléguées du Refadd demandent d’y inclure aussi les inventaires de biodiversité et les contrats de partage des bénéfices, cruciaux pour les communautés.
Autre point sensible, les délais de réponse. Le texte actuel fixe trente jours. Les associations soulignent que la saison des pluies peut couper des routes pendant six semaines. Elles proposent le principe de « délai raisonnable » couplé à la transmission électronique pour réduire l’attente.
Impacts attendus dans les communautés forestières
Sur le terrain, plusieurs initiatives pilotes montrent déjà la voie. À Pokola, une entreprise concessionnaire a testé un panneau solaire interactif diffusant les chiffres de production en temps réel. Les femmes du marché apprécient cet outil qui « désamorce les rumeurs », selon leur présidente.
Parmi les recommandations phares figure la création d’un guichet unique numérique hébergé par l’Agence nationale des données. Chaque document validé serait téléversé sous dix jours ouvrés, puis archivé en open data. Les ONG se disent prêtes à former les femmes à son utilisation.
Le ministère a accueilli favorablement ces propositions et promet d’intégrer les observations dans la prochaine version du décret. « Nous voulons un texte applicable et compris de tous », a assuré un cadre, soulignant l’alignement avec la stratégie nationale Genre et Climat.
Prochaines étapes du calendrier réglementaire
Au-delà des mots, reste la question des capacités locales. L’Ocdh prévoit déjà une tournée de restitution dans les départements forestiers du Nord. Des modules simplifiés en langues locales expliqueront les nouvelles procédures d’obtention d’information, ainsi que les recours en cas de silence administratif.
Les universitaires saluent l’approche empirique. Le chercheur Jean-Gildas Mpassi évoque une possible baisse de 15 % des litiges si les communautés accèdent aux plans d’exploitation avant la saison sèche. Il plaide pour un suivi par télédétection afin de vérifier le respect des coupes autorisées.
Pour les bailleurs, un meilleur partage des données forestières renforcera aussi l’attractivité du pays sur les marchés carbone volontaires. La transparence facilite la certification des crédits issus de la réduction d’émissions, donc l’afflux de financements orientés vers la conservation et le développement local.
À l’issue de trois jours d’échanges, les participantes sont reparties avec un plan d’action précis : finaliser la note de position du Refadd, mobiliser les radios communautaires et suivre la validation des décrets au conseil des ministres attendu au prochain trimestre.
« La forêt nourrit nos foyers, elle doit aussi nourrir notre citoyenneté », conclut Marie Odette Itango, confiante dans le rythme des réformes. Pour elle, l’atelier de Brazzaville n’est qu’une étape ; la vraie réussite se mesurera aux villages informés et respectés.
Les organisations espèrent désormais passer de la parole à l’épreuve du terrain avant la prochaine saison des pluies. Si l’information circule, les femmes pourront mieux protéger les écosystèmes, développer la transformation artisanale du bois et renforcer la résilience économique des familles congolaises.
