Un nouveau souffle pour le dialogue social
L’hémicycle du Conseil économique, social et environnemental, récemment rénové, a vibré deux jours durant au rythme de sa session inaugurale. Les 155 conseillers, vêtus des couleurs de leurs secteurs, ont officiellement ouvert la mandature 2025-2029 sous la houlette de la présidente reconduite, Émilienne Raoul.
Devant eux, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, mandaté par le président Denis Sassou Nguesso, a rappelé que le CESE est « la chambre du futur », chargée d’anticiper les chocs économiques, sociaux et climatiques pour éclairer Parlement et Gouvernement en amont des décisions structurantes.
Des commissions permanentes orientées solutions
Première décision, l’assemblée a adopté ses règlements intérieur et financier, socle sans lequel aucun avis ne prospère. Le texte renforce la transparence budgétaire en imposant la publication semestrielle des dépenses et ouvre la porte aux contributions numériques des citoyens et ONG.
Quatre commissions permanentes ont ensuite été constituées : Affaires économiques, Sociales, Éducatives-culturelles-religieuses, Environnementales. Chacune dispose d’un bureau mixte et d’une cellule d’analyse de données géospatiales. Objectif affiché : remettre des avis fondés sur des cartes, des chiffres vérifiés et des témoignages récoltés sur le terrain.
Justice climatique et économie durable
La justice climatique figure déjà en tête de l’agenda. Selon le secrétariat général, 47 % des recommandations en souffrance concernent l’adaptation aux inondations des basses vallées du Kouilou et de la Tsiémé. Les sages entendent évaluer le coût réel des digues vertes et la rentabilité des crédits carbone.
« Nous voulons chiffrer les bénéfices pour les pêcheurs et non seulement pour les marchés internationaux », confie René Mouandza, hydrologue membre de la commission environnementale. Il plaide pour des partenariats avec l’Université Marien Ngouabi afin de mutualiser stations pluviométriques et modèles de projection d’ici le prochain semestre.
Les défis de la représentation
Cette mandature porte aussi un débat interne : la représentation féminine est passée de 32 % à 28 %. Pour Émilienne Raoul, « le recul est modeste mais il doit cesser ». La présidente a demandé qu’un rapport annuel mesure l’impact genre de chaque avis et propose des correctifs.
Les jeunes, eux, ne dépassent pas 12 % des sièges. Plusieurs ONG étudiantes, dont Génération Climat Congo, espèrent un quota dédié dès 2027. Le Premier ministre a ouvert la porte à un recensement des compétences émergentes, notamment dans la tech verte, pour alimenter les prochains renouvellements partiels.
Territoires et voix des communautés
Sur le terrain, chefs coutumiers et maires ont suivi la session en direct via la plateforme municipale. À Bétou, dans la Likouala, le maire Albertine Itele voit dans le CESE un « interlocuteur pour traduire les besoins d’eau potable en budgets réalistes ». Le signal semble entendu à Brazzaville.
Le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, présent en observateur, promet déjà de soumettre aux conseillers les avant-projets de réseaux solaires ruraux. Cette concertation amont pourrait, selon lui, accélérer de six mois la validation des contrats de fourniture et éviter les coûts de révision récurrents.
Données, recherche et suivi
L’institution veut également renforcer sa capacité de suivi. Un partenariat avec l’Agence spatiale congolaise permettra de croiser images Sentinel-2 et enquêtes socio-économiques. Les premiers tableaux de bord porteront sur la progression des fronts de déforestation dans les aires villageoises certifiées FSC et sur la qualité de l’air urbain.
Ces tableaux de bord seront publics, hébergés sur un portail open-data alimenté chaque trimestre. Le CESE espère ainsi réduire les écarts de perception entre capitales et territoires en offrant aux médias locaux, aux startups et aux chercheurs un accès simplifié aux séries chronologiques et métadonnées.
Témoignages et attentes
Signe que le dialogue gagne en proximité, une ligne verte gratuite a été annoncée pour recueillir alertes, propositions et griefs. « Je pourrai signaler les coupures d’eau sans me déplacer », se réjouit Blandine Ntoumi, habitante de Pointe-Noire. Les conseillers promettent un délai de réponse maximal de dix jours.
Les partenaires internationaux observent la dynamique. La représentant résidente de la Banque africaine de développement, Marie-Claude Talani, voit dans la matérialisation des avis « un gage pour canaliser de nouveaux instruments financiers verts ». Une mission d’évaluation conjointe est prévue pour examiner les projets bancables issus des commissions.
Feuille de route 2025-2029
Pour l’horizon 2025-2029, la feuille de route inclut six études phares : transition énergétique, sécurité alimentaire durable, mobilité urbaine propre, inclusion numérique, santé communautaire et renforcement de la filière bois responsable. Chaque étude devra déboucher sur un avis, un tableau de bord et un plan d’accompagnement.
En clôturant la session, Émilienne Raoul a résumé l’ambition : transformer le CESE en baromètre fiable des attentes citoyennes et en catalyseur de solutions réalistes. Elle a salué le soutien sans faille du gouvernement et fixé rendez-vous en avril 2026 pour le premier bilan d’étape public.
Regards prospectifs
Le ministère des Finances étudie l’idée d’allouer 0,2 % des recettes pétrolières au CESE afin qu’il finance ses propres enquêtes de terrain. « En mettant un micro entre les mains des villages, on fabriquera des politiques vraiment inclusives », défend le sociologue Dieudonné Mabiala.
