Kinkala célèbre la Journée nationale de l’arbre
À six kilomètres à peine de Kinkala, sur le promontoire ocre que les habitants surnomment le Trou de Dieu, la trente-neuvième Journée nationale de l’arbre a pris des allures de grand-messe verte pour les communautés du Pool.
Plus d’un millier d’arbres d’espèces variées ont été soigneusement mis en terre sur deux hectares, sous la houlette du préfet Jules Mounkala-Tchoumou et de la présidente du Groupe de réflexion et d’action pour un Congo émergent, Bélinda Ayessa.
La cérémonie, placée sous le thème « Un arbre, une forêt, une plantation pour un Congo florissant », s’inscrit dans la Décennie des Nations unies pour le reboisement, rappelant l’urgence de restaurer les paysages dégradés et de renforcer la résilience climatique du pays.
Point d’orgue de la matinée, le Baobab de la paix, enraciné au centre du site, matérialise l’engagement du président Denis Sassou Nguesso à consolider l’harmonie dans le Pool, département jadis éprouvé, devenu aujourd’hui un laboratoire d’initiatives écologiques inclusives.
Le Trou de Dieu, un site spirituel devenu pépinière
Le Trou de Dieu, creusé selon la légende par un éclair ancestral, est d’abord un lieu de recueillement. Les chants sacrés qui s’élèvent chaque matin s’entremêlent désormais aux cris des oiseaux attirés par les nouvelles canopées en devenir.
En transformant l’espace spirituel en zone de démonstration agrosylvopastorale, les autorités locales espèrent montrer qu’écologie et foi peuvent se renforcer mutuellement, offrant un récit mobilisateur pour la jeunesse désireuse de concilier traditions et modernité.
« Ces symboles n’ont de poids que s’ils se traduisent en actions concrètes de développement », rappelle le prêtre de Kinkala, appelant à irriguer l’initiative d’infrastructures d’eau, de marchés paysans et de pistes rurales afin que l’arbre devienne aussi synonyme d’opportunités économiques.
L’association Grace, forte d’un réseau allant de Brazzaville à la diaspora de Pointe-Noire, a établi sur place une petite pépinière qui produira 5 000 plants supplémentaires par saison, couvrant d’autres villages du couloir Kinkala-Mindouli.
Des essences locales pour un impact climatique durable
Le choix des essences mêle le safoutier, l’acajou, le niangon, le manguier et le teck. Les botanistes expliquent que cette diversité, calibrée selon la topographie, maximise la capture de carbone tout en restaurent la fertilité des latérites pauvres.
À moyen terme, un inventaire numérique des troncs servira de base à une éventuelle inscription dans un programme de crédits carbone, source de revenus complémentaires pour les communautés, comme l’envisage déjà la direction départementale de l’Économie forestière.
Les techniciens de l’Agence du bassin du Congo rappellent que chaque hectare reboisé augmente la rétention d’eau de 200 m³ par an, un paramètre crucial pour limiter les érosions qui sculptent les ravins autour de Kinkala à la saison des pluies et d’alimenter les sources voisines.
En introduisant des clairières fruitières au sein du boisement, les planificateurs espèrent attirer céphalophes, touracos et primates, emblèmes de la biodiversité du Pool, tout en offrant des ressources alimentaires supplémentaires aux ménages riverains.
Mobilisation communautaire et voix des jeunes
Selon le comité d’organisation, 480 volontaires, dont 60 % de moins de trente ans, ont participé aux lignes de plantation étirées comme un damier, chaque rangée espacée de quatre mètres pour faciliter la circulation des équipes de maintenance.
De mini-ateliers ont formé les lycéens de Kinkala à la germination et au repiquage. « À la maison, je vais multiplier mes propres semences », promet Grâce, 17 ans, qui y voit l’occasion d’un petit revenu et d’un geste pour le climat.
Les femmes des coopératives Tchiemfou ont apporté de la sciure et du compost issus des marchés environnants, réduisant ainsi les dépenses en engrais chimiques et démontrant le potentiel de l’économie circulaire dans les zones périurbaines du département.
Un canal WhatsApp baptisé Trou-vert diffuse photos, coordonnées GPS et conseils phytosanitaires, permettant aux jeunes installés à Brazzaville d’assurer un suivi à distance et de préparer, le week-end, des sessions d’arrosage ciblées quand les pluies se font attendre.
Suivi, données et perspectives 2030
Un partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi prévoit, dès janvier, la pose de capteurs d’humidité et le suivi satellitaire via la plateforme PlanetScope. Les données permettront d’afficher en ligne le taux de survie, l’accroissement annuel moyen de chaque parcelle et d’enrichir la base nationale.
Si le taux de survie dépasse 80 %, le modèle sera répliqué à Mayama et Boko. Le préfet envisage de coupler ces futurs chantiers avec des campagnes de foyers améliorés afin de réduire la pression sur le bois énergie et de promouvoir des emplois verts saisonniers.
Côté financement, une enveloppe de dix millions de francs CFA est déjà mobilisée via le Fonds national pour l’environnement. Des discussions avancées avec une banque sous-régionale pourraient offrir des microcrédits verts aux familles volontaires pour protéger les jeunes plants.
À l’horizon 2030, le Trou de Dieu ambitionne de devenir un corridor forestier reliant les plateaux Batéké aux savanes du Niari. « Planter un arbre, c’est allonger l’espérance de notre territoire », résume Bélinda Ayessa, invitant chaque Congolais à déposer sa graine.