Sit-in devant le ministère : récit d’une matinée tendue
À l’aube, une centaine d’anciens agents d’Averda se sont massés rue Alfange, devant le cabinet du ministre de l’Assainissement urbain, à Brazzaville. Pancartes en main, ils réclamaient arriérés de salaires et décomptes finaux, interrompant brièvement la circulation des taxis-bus du Plateau des Quinze Ans.
Le ministre Juste Désiré Mondélé a répondu, en fin d’après-midi, depuis la salle de conférence bondée de caméras. Il a salué des revendications « légitimes » tout en exhortant les manifestants à rester « dans la zone de droit », faute de quoi l’État ne pourrait, selon lui, garantir un accompagnement.
Un secteur clé pour la résilience urbaine
Brazzaville et Pointe-Noire génèrent environ 1 500 tonnes de déchets chaque jour. Une interruption prolongée de leur collecte menacerait la santé publique, la biodiversité des berges et l’image économique des deux métropoles, rappelle un rapport conjoint du Programme des Nations Unies pour l’environnement et du ministère.
Averda, entreprise historique du ramassage, négociait le renouvellement de son contrat arrivé à échéance lorsqu’une grève illimitée a éclaté. La société turque Albayrak s’est alors vu confier provisoirement le service, emportant avec elle une partie du personnel qualifié, tandis que d’autres agents se retrouvaient sans affectation.
Les voies légales rappelées par le gouvernement
Devant la presse, Juste Désiré Mondélé a précisé que le contentieux relève du tribunal du travail ou de l’Inspection du travail, et non de son portefeuille ministériel. « La procédure existe, gratuite, rapide et encadrée, elle protège aussi bien le salarié que l’employeur », a-t-il insisté.
Le Code du travail congolais, dans ses articles 258 à 266, exige une médiation avant toute grève prolongée. L’avis de quelques juristes présents souligne qu’une formalité manquante peut ralentir l’examen d’un dossier d’arriérés, d’où l’importance de constituer pièces d’identité, contrats et fiches de paie certifiées.
Rebond pour les compétences locales
Plusieurs anciens éboueurs témoignent de leurs compétences en tri, maintenance de compacteurs ou cartographie des tournées. « Nous connaissons chaque ruelle du quartier Mfilou », souffle Brice, vingt-huit ans, désireux d’intégrer les prochains chantiers d’assainissement et de pavage annoncés par le gouvernement pour 2024.
Le ministre n’écarte pas cette perspective : les nouveaux marchés comprendront des clauses d’emploi local et de formation continue. Des partenariats avec l’École supérieure des travaux publics sont évoqués pour certifier les agents à la conduite de balayeuses ou au suivi numérique des points de collecte.
Salubrité et climat social, un équilibre à trouver
Dans un contexte de changement climatique où les inondations urbaines deviennent plus fréquentes, la continuité du service de propreté reste stratégique. L’Agence congolaise de l’environnement estime qu’une tonne de déchets mal gérée peut libérer jusqu’à 62 kg de méthane, puissant gaz à effet de serre.
Le cabinet Green Data Africa calcule qu’une grève de dix jours ferait grimper la concentration de particules fines PM2,5 de 18 % dans certains arrondissements. Maintenir un climat social apaisé apparaît donc comme l’un des premiers leviers de réduction des risques sanitaires et climatiques.
Modalités pratiques pour faire valoir ses droits
Pour les travailleurs souhaitant porter plainte, le greffe du tribunal du travail de Brazzaville, avenue Amilcar-Cabral, reçoit les dossiers du lundi au vendredi de 8 h à 15 h. L’Inspection du travail fournit, selon la réglementation, un accompagnement gratuit et un numéro vert, le 1488, pour s’informer.
Les syndicats conseillent également de passer par la Médiature de la République, rue des Trois-Martyrs, qui peut délivrer des lettres de saisine facilitant la conciliation. Une assistance juridique pro bono est possible auprès de la Clinique de droit de l’Université Marien-Ngouabi, sur simple présentation de la carte d’identité.
À l’issue de sa conférence, le ministre a réitéré la disponibilité de son département à « faciliter la circulation de l’information ». Un bureau dédié au suivi des effectifs issus d’Averda ouvrira dans quinze jours, d’après un communiqué, pour recenser les compétences et aiguiller les personnes vers les projets urbains.
Vers une économie circulaire des déchets
Au-delà de l’urgence sociale, la transition vers une économie circulaire figure dans la Stratégie nationale de croissance verte. Elle prévoit de porter le taux de valorisation des ordures ménagères à 35 % d’ici 2030, via le compostage communautaire et la production de combustibles issus de résidus plastiques.
Des start-up, comme CleanTechCongo, testent déjà des mini-unités de biogaz dans les quartiers Talangaï et Ngoyo. L’intégration d’ex-éboueuses au tri sélectif offre un double dividende : création d’emplois verts et baisse des coûts d’enfouissement. Les bailleurs internationaux suivent ces pilotes avec un intérêt croissant.
Selon la Banque africaine de développement, chaque million de dollars investi dans la gestion circulaire des déchets crée jusqu’à 200 emplois directs. Les anciens salariés d’Averda pourraient, avec une courte formation, occuper ces postes. Le ministère envisage un mécanisme d’incitation fiscale pour les entreprises qui les recruteront.
