À Nganga Lingolo, un poumon vert stratégique pour la capitale
À seulement vingt kilomètres au sud de Brazzaville, le hameau de Kélé kélé vient de changer d’échelle. Le 21 octobre, le ministre congolais de l’Agriculture, Paul Valentin Ngobo, y a lancé les activités maraîchères devant l’ambassadrice de France, Claire Bodonyi, et de nombreux riverains.
Sept hectares ont été défrichés puis aménagés par l’État avec l’appui technique et financier de l’Agence française de développement dans le cadre du Projet d’appui à la relance du secteur agricole. L’objectif : sécuriser l’approvisionnement en légumes frais de la capitale tout en renforçant les revenus des petits producteurs déplacés.
Des producteurs réinstallés et soudés autour de l’agroécologie
Quittant la Corniche Case de Gaulle, Limense ou Kintouari Ngolo, 81 femmes et 45 hommes cultivent désormais côte à côte tomates, épinards, carottes et poireaux. Chaque exploitant dispose d’un lopin calibré à 340 m², suffisant pour expérimenter les rotations de cultures sans pesticides de synthèse.
« Nos rendements progressent déjà, et nos conditions de travail sont bien meilleures qu’avant », confie Saturnin Samba, président du groupement. Tous ont suivi une formation sur les bio-pesticides et les fertilisants organiques, encadrée par des techniciens congolais et des chercheurs du Cirad.
Irrigation et accessibilité : des infrastructures qui changent tout
Une piste neuve relie le site à la nationale 1, réduisant le transport des récoltes vers Makélékélé à moins d’une heure. En lisière des parcelles, un puits de captage et deux châteaux d’eau motorisés assurent l’irrigation goutte à goutte, précieuse durant la saison sèche.
Des murs en béton ont été érigés pour contenir l’érosion sur ce relief vallonné. « Le terrain reste accidenté, nous aurons besoin de soutenir les berges et d’étendre le réseau d’arrosage », souligne la technicienne agricole Grâce Moukala, appelant de futurs appuis pour fiabiliser le dispositif.
Le contrat de désendettement et de développement en action
Le financement provient du Contrat de désendettement et de développement, mécanisme qui convertit les créances françaises en investissements durables. « Le périmètre maraîcher de Kélé kélé illustre la volonté présidentielle de faire de l’agriculture un pilier de la diversification économique », rappelle le ministre Paul Valentin Ngobo.
Pour les maraîchers, la manne se concrétise par un fonds revolving géré localement : avances pour semences, motopompes partagées et micro-assurance récolte. Le sous-préfet Philippe Dzalankazi salue « un projet qui crée de l’emploi sans quitter le territoire ».
Une coopération bilatérale qui fait école
L’ambassadrice Claire Bodonyi voit dans Kélé kélé « l’une des plus belles réussites de la composante maraîchage périurbain du Parsa ». L’expertise française, mobilisée via l’AFD et le Cirad, accompagne le Congo pour diffuser les bonnes pratiques agro-écologiques dans d’autres districts.
Au-delà des techniques culturales, le partenariat met l’accent sur la gouvernance foncière. Des comités villageois arbitrent la répartition de l’eau et veillent au maintien des haies vives, garantissant un modèle durable et reproductible.
Impact social mesurable pour les ménages et la capitale
Selon les estimations du projet, la production annuelle pourrait approcher 900 tonnes de légumes diversifiés, couvrant jusqu’à 15 % des besoins journaliers de Brazzaville en pleine saison. Chaque exploitant espère dégager un revenu net mensuel supérieur à 120 000 FCFA, soit un triplement par rapport à leur précédent site.
Les marchés de Makélékélé et de Poto-Poto constatent déjà l’arrivée de bottes d’épinards plus fraîches. « La différence, c’est la régularité, on n’a plus les ruptures du lundi », observe Mireille Ntsiba, vendeuse depuis quinze ans au marché Total.
Défis restants et pistes d’amplification
Le relief oblige à consolider certaines planches de culture, surtout en bordure de ravins. Les maraîchers plaident pour des gabions supplémentaires et un renforcement du stockage d’eau pour la saison sèche prolongée.
Le ministère étudie également l’introduction de serres légères en bâche pour prolonger les récoltes de tomates jusqu’à décembre. Une coopération avec l’Institut national de la recherche agronomique vise à tester des variétés locales résistantes aux pluies intenses.
Vers un label « Légumes de Kélé kélé » ?
Pour stabiliser les prix et valoriser les méthodes biologiques, les producteurs envisagent la création d’un label certifié. Un cahier des charges est en cours de rédaction avec l’appui de l’Agence congolaise de normalisation. Les hôtels de Brazzaville ont déjà manifesté leur intérêt.
« Un légume traçable et sans pesticides, c’est une niche porteuse pour le tourisme d’affaires », estime le chef cuisinier Armand Ndinga, qui se rend sur le site deux fois par mois pour choisir ses courgettes.
Un modèle reproductible dans le bassin du Congo
Si les objectifs de rendement sont atteints, Kélé kélé pourrait devenir la vitrine d’une agriculture périurbaine durable dans le bassin du Congo. D’autres districts, de Kintélé à Loudima, suivent le dossier pour répliquer le schéma foncier et financier.
Le directeur du Parsa, Jean-Baptiste Bouloutou, table sur « au moins trois nouveaux périmètres d’ici 2025 ». Chaque site viserait 100 emplois directs et consoliderait la sécurité alimentaire nationale tout en limitant l’empreinte carbone des transports longue distance.
									 
					