Mayoko, nouveau front minier du Niari
Enclavée entre les forêts denses du sud-Congo, la commune de Mayoko incarne l’élan minier national. Depuis dix ans, la ruée vers l’or attire investisseurs et travailleurs venus de tout horizon. La production officielle reste modeste, mais l’extraction artisanale explose sur plus de cinquante sites déclarés.
Cette expansion crée des emplois et des revenus locaux, reconnaît le service départemental des mines. Toutefois, l’exploitation se heurte à la fragilité des écosystèmes et à la pression démographique. Le défi est de convertir ce potentiel en richesse durable pour la région.
Forêt et faune sous tension écologique
Les orpailleurs doivent étayer les fosses à ciel ouvert avec des perches fraîches, ce qui stimule des coupes intensives dans les forêts galeries. Sur certains points, la canopée a reculé de cent mètres, créant des clairières exposées au soleil et aux incendies accidentels.
Selon un agent de la direction départementale de l’environnement, six espèces de petits mammifères protégés ont déserté les lisières. « La perte d’abri et la pollution acoustique perturbent leurs cycles de reproduction », explique-t-il. Ces déplacements amplifient les conflits homme-faune dans les villages périphériques.
Eaux de la Louetsi : un équilibre fragile
Au point kilométrique dix-neuf, l’eau de la Louetsi arbore une teinte laiteuse après les crues. Des analyses menées par l’Institut national de recherche en sciences exactes relèvent des concentrations anormales en arsenic et en ions cyanure, issues des bains de lixiviation artisanale.
Les techniciens signalent que les seuils restent au-dessous des limites d’urgence fixées par l’OMS, mais la tendance à la hausse inquiète. Les pêcheurs de Moungoundou-Nord disent observer une mortalité inhabituelle de tilapias lorsque le niveau d’eau baisse en saison sèche.
Santé publique : symptômes discrets, risques réels
Le centre de santé intégré de Mayoko recense depuis trois ans une progression de 18 % des pathologies dermatologiques et respiratoires. L’infirmier principal relie cette hausse à la poussière chargée de silice et aux fumées provenant des bassins de brûlage de boues aurifères.
Faute de laboratoire sur place, les prélèvements partent à Sibiti pour analyse, rallongeant le temps de diagnostic. Une campagne municipale de distribution de filtres à céramique, financée par un opérateur local, a permis de couvrir 350 foyers, mais les besoins dépassent largement ce premier lot.
Paroles de riverains, attentes de solutions
Assis sur le seuil de sa maison en planches, Christophe Mavoungou, agriculteur, observe son ancien champ devenu une excavation inondée. « Je ne suis pas contre la mine, mais je veux qu’on remblaie et qu’on replante, sinon mes enfants n’auront plus de terre », dit-il.
Plus loin, la cheffe du groupement de femmes Bela Loukakia explique que les filières de manioc se grippent lorsque l’eau manque ou que la poussière couvre les boutures. Leur association prépare un microprojet d’irrigation goutte-à-goutte, mêlant réservoirs de récupération et panneaux solaires fabriqués à Pointe-Noire.
Réglementation minière : cadre existant, application perfectible
Depuis 2016, le Code minier impose études d’impact, plans de gestion environnementale et caution de réhabilitation. La préfecture du Niari rappelle ces obligations lors des réunions de coordination et vient d’ouvrir un guichet numérique pour accélérer l’instruction.
Le manque de géomètres assermentés et de budgets dédiés au suivi de terrain freine l’application. Un rapport interne propose de former des relais communautaires qui remonteraient les incidents via une application mobile et faciliteraient la médiation avec les opérateurs.
Innovations vertes et pistes de réhabilitation
À Mbinda, une société congolaise teste un procédé gravimétrique sans produits chimiques, utilisant des tapis spéciaux imprégnés de noix de coco. Les premiers résultats indiquent un rendement inférieur de 5 % mais une réduction quasi totale des rejets toxiques. L’entreprise cherche un cofinancement pour étendre l’essai.
La direction générale des mines travaille avec l’Agence congolaise de la faune à un protocole de reboisement progressif. Celui-ci associe bambous et essences locales fixatrices d’azote, favorisant la restauration des sols dégradés. Un pilote de cinq hectares démarre en mars sur une fosse rendue à la collectivité.
Financements durables et transparence ESG
Le Fonds bleu pour le Bassin du Congo classe désormais la réhabilitation minière dans les projets éligibles. Les collectivités intéressées doivent présenter des plans articulant création d’emplois, suivi hydrologique et rapports carbone. À Mayoko, un dossier de trois milliards de francs CFA est en instruction.
Pour renforcer la confiance, le Comité national ITIE publie depuis janvier les paiements versés par chaque titre minier, avec une rubrique sur les dépenses environnementales réelles. Les organisations de jeunesse du Niari y voient un levier pour comparer promesses et réalisations.
Contacts utiles et démarches citoyennes
Les riverains souhaitant signaler une pollution peuvent joindre la Brigade de proximité environnement au 8484, numéro gratuit ouvert 24 h/24. Les dossiers d’indemnisation se retirent à la sous-préfecture; une version numérique sera disponible avant la fin de l’année, selon le secrétariat général de la préfecture.
Les écoles de Mayoko organisent par ailleurs des clubs « sentinelles » qui collectent des échantillons d’eau et de sols avec le concours du Lycée technique de Dolisie. Les données sont partagées sur la plateforme nationale open-data, offrant un outil d’alerte précoce à l’échelle communautaire.
