Recherche locale, levier de développement durable
Dans la salle comble du palais des congrès de Brazzaville, le 10 octobre, les applaudissements ont fusé lorsque Rigobert Maboundou, ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, a lancé un appel pressant : « Investir maintenant dans notre science locale est vital ».
Autour de lui, chercheurs, étudiants et entrepreneurs participaient à la première édition des Journées scientifiques et technologiques de l’Institut national de recherche en sciences de l’ingénieur, de l’innovation et de la technologie, l’INRSIIT, organisée du neuf au dix octobre.
Le thème choisi, « Importance des sciences de l’ingénieur, de l’innovation et de la technologie pour valoriser les ressources naturelles de la République du Congo », illustre l’ambition gouvernementale : transformer localement bois, gaz ou minerais tout en protégeant les écosystèmes.
Le ministre rappelle que la feuille de route nationale, alignée sur le Plan national de développement 2022-2026, prévoit d’augmenter à 1 % du PIB les dépenses de recherche, contre presque dix fois moins aujourd’hui selon les estimations officielles.
Des besoins de financement clairement identifiés
Devant le public, Arnaud Wenceslas Geoffroy Tamba Sompila, directeur scientifique de l’Institut, a détaillé trois priorités : doter les laboratoires d’équipements modernes, créer des incubateurs capables d’accompagner cent projets par an, et instaurer un fonds compétitif ouvert aux PME innovantes.
« Si nous sécurisons dix milliards de francs CFA sur cinq ans, nous pouvons générer deux mille emplois hautement qualifiés », assure-t-il, citant une étude interne qui table sur un retour sur investissement sociétal multiplié par quatre.
Pour y parvenir, l’équipe plaide pour des incitations fiscales incitant les grandes entreprises forestières, minières et pétrolières à consacrer une part de leurs revenus au financement d’appels à projets, suivant le modèle déjà adopté dans plusieurs pays d’Afrique australe.
Start-ups congolaises, laboratoire d’ingéniosité
Dans l’espace d’exposition, Glimar Mbougou, vingt-quatre ans, dévoilait une machine artisanale produisant un gaz de synthèse destiné aux ménages. L’appareil transforme des coques de noix de palme en combustible, réduisant les émissions et le gaspillage de biomasse.
« Lorsque le gaz butane se raréfie, mon dispositif peut couvrir les besoins d’un quartier entier », explique le jeune inventeur, dont le prototype a déjà subi cinq séries de tests validés par l’Institut national de normalisation et de la qualité.
Faute de capital, il ne produit qu’une unité par mois. « Un appui public-privé me permettrait de passer à vingt-cinq unités et d’abaisser le coût au consommateur de trente pour cent », calcule-t-il devant un stand bondé d’étudiants.
Quel rôle pour les investisseurs privés ?
La Banque postale du Congo, présente parmi les sponsors, envisage une ligne de crédit verte dédiée aux projets incubés par l’INRSIIT. Son directeur, Bienvenu Okoula, évoque un ticket moyen de cinquante millions de francs CFA, remboursable sur sept ans.
Selon lui, la garantie partielle de l’État, étudiée avec le ministère des Finances, rassurerait les déposants tout en stimulant le tissu entrepreneurial. « La recherche n’est pas un coût, c’est un actif immatériel », souligne-t-il, chiffres de rentabilité en main.
Un partenariat est également en discussion avec un groupe forestier certifié FSC pour tester des biopesticides mis au point par de jeunes chimistes de l’université Marien-Ngouabi. L’entreprise y voit un moyen de réduire l’importation onéreuse de produits phytosanitaires.
Des retombées économiques et sociales mesurables
Le ministère table sur la création de dix mille emplois directs dans les filières numériques, agroalimentaires et énergies propres d’ici 2030. Les chiffres proviennent de la Direction générale de la planification, qui suit une méthodologie alignée sur les standards de l’OCDE.
Au-delà des chiffres, Élise Ngouabi, agronome dans la Cuvette, constate déjà un impact concret : des traitements biologiques issus des laboratoires de l’INRSIIT ont réduit de moitié les pertes post-récolte dans les coopératives d’ananas où elle intervient.
Les communautés villageoises, associées aux tests, perçoivent une redevance sur chaque licence de brevet utilisant leurs savoirs traditionnels. « Nous devenons coproducteurs de solutions, pas seulement bénéficiaires », témoigne Augustin Moussavou, porte-parole d’un groupement de producteurs des plateaux Batéké.
Prochaines étapes et contacts utiles
L’INRSIIT prévoit de publier avant fin décembre une feuille de route chiffrée, avec indicateurs trimestriels et géolocalisation des projets. Ce document servira de base aux bailleurs pour suivre l’efficacité environnementale et sociale des investissements.
Un portail numérique, accessible en open data, mettra à disposition cartes interactives, fiches techniques et formulaires de soumission. Les porteurs d’idées pourront y déposer leurs dossiers et suivre en temps réel l’avancement de l’examen scientifique et financier.
Pour les chercheurs isolés en régions, une ligne téléphonique spéciale, le 1013, et l’adresse courriel info@inrsiit.cg fournissent des conseils gratuits. « Aucune innovation ne doit rester bloquée faute d’information », insiste Arnaud Tamba Sompila, convaincu que la science peut irriguer tout le territoire.
Le comité d’organisation a déjà fixé la prochaine édition à octobre 2024, avec l’objectif d’inviter des partenaires d’Afrique centrale et d’exposer des prototypes prêts à l’industrialisation dès leur validation par les autorités.
