Des notes conceptuelles enfin validées
Brazzaville a vécu un tournant discret mais stratégique le 1ᵉʳ octobre. Au terme de deux jours d’échanges, des experts nationaux ont approuvé les notes conceptuelles relatives aux Paiements pour services environnementaux et aux Certificats biodiversité issues des dialogues territoriaux du programme Biodev 2030.
Pour Aurore Zelda Nguitoukoulou, représentant la ministre de l’Environnement, cette adoption marque « un pas de géant ». Selon elle, ces documents portent d’ores et déjà la promesse d’une rémunération juste des communautés qui protègent forêts, marais et savanes congolaises.
Les experts rappellent que les PSE constituent un instrument éprouvé dans plusieurs régions du monde. Leur adaptation aux réalités du bassin du Congo ouvre une alternative crédible à la dépendance exclusive aux subventions publiques.
Un mécanisme de financement innovant
Le principe est simple : un acteur économique ou institutionnel verse une compensation financière à ceux qui conservent un service écosystémique, qu’il s’agisse de stockage de carbone, de protection de la biodiversité ou d’épuration des eaux.
Dans le cadre congolais, la note validée propose un coût de référence indexé sur le revenu rural moyen. L’objectif est d’assurer un paiement suffisamment incitatif sans déséquilibrer les marchés locaux, expliquent les techniciens du ministère.
Les Certificats biodiversité, de leur côté, visent à labelliser les efforts de conservation portés par les collectivités forestières. Les entreprises en quête d’objectifs ESG pourront acquérir ces certificats pour verdir leur portefeuille.
Communautés locales au cœur du dispositif
Le projet attache une importance particulière aux droits coutumiers. À Makoua, dans la Cuvette, le chef Ikoka se dit rassuré : « Nos rivières sacrées seront comptabilisées et notre travail reconnu financièrement », témoigne-t-il.
Plusieurs ONG locales, dont Espace Vert et Mboka na Biso, participeront à la cartographie participative des parcelles éligibles. Cet ancrage garantit une transmission transparente des fonds vers les familles bénéficiaires.
Un volet formation accompagnera le processus. Des modules sur la gestion budgétaire, la tenue de registres et la gouvernance inclusive seront dispensés dans les centres sociaux déjà présents dans chaque chef-lieu d’arrondissement.
Étapes clés vers des projets bancables
La validation n’est qu’une étape, rappelle Aurore Zelda Nguitoukoulou. Les équipes doivent maintenant transformer les notes en documents techniques complets, avec calendrier, indicateurs mesurables et projections budgétaires sur dix ans.
Selon un chronogramme préliminaire, les premiers cahiers de charges devraient être finalisés d’ici mars prochain, afin de passer le filtre du Comité national climat et de la Commission financière du ministère du Budget.
Parallèlement, une campagne d’information vise les bailleurs bilatéraux, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale et les fonds climat privés basés à Maurice. Le Congo compte mobiliser près de 25 millions de dollars pour la phase pilote.
Engagements institutionnels et suivi
Le ministère de l’Environnement se dote d’une cellule de coordination dotée d’un tableau de bord numérique. Les données satellitaires de l’Agence nationale d’observation de la Terre seront croisées avec les relevés villageois pour vérifier la réduction effective des défrichements.
Un mécanisme de plainte accessible par téléphone gratuit – le 1314 – permettra aux communautés de signaler tout retard de paiement ou conflit foncier. Cette disposition répond aux leçons tirées d’anciens projets où l’absence de recours avait ralenti l’adhésion.
Les parlementaires, informés lors d’un atelier à Owando en août, ont promis d’intégrer les PSE dans la prochaine loi sur la fiscalité verte, afin d’assurer la pérennité du dispositif au-delà des financements externes.
Perspectives pour la phase II de Biodev 2030
Lancée le 7 janvier, la phase II de Biodev 2030 veut fédérer administrations, secteur privé et société civile sur une même plateforme de dialogue. La validation des instruments financiers offre désormais un pivot concret à cette concertation.
Les promoteurs imaginent déjà des synergies avec le tourisme nature en zone côtière. Un forfait « Mangroves sans plastique » pourrait récompenser les pêcheurs qui collectent les déchets tout en protégeant les lamantins, avance un expert du Parc Conkouati-Douli.
D’ici 2030, le Congo espère générer au moins 3 millions de tonnes de crédits carbone certifiés via les PSE et investir 40 % des revenus dans des écoles, dispensaires et infrastructures d’eau potable sur les sites participants.
La ministre a réaffirmé que chaque village gardera la main sur la priorisation des investissements. « Aucun projet ne sera imposé depuis Brazzaville. Notre devoir est de faciliter, pas de dicter », a-t-elle insisté devant la presse.
Les observateurs saluent une démarche intégrée, alignée sur la Vision 2025 du président de la République, qui fait de l’économie verte un levier de diversification et d’emploi pour la jeunesse.
Pour les communautés, la réussite de Biodev 2030 reste avant tout une question de confiance. Et celle-ci se gagnera, soulignent les chefs traditionnels, par la régularité des versements et la transparence totale des contrats signés.
Les prochains mois seront donc décisifs. Si le calendrier est tenu, les premiers paiements tests pourraient intervenir dès la prochaine saison sèche, offrant au Congo l’opportunité de devenir un modèle en Afrique centrale.
En attendant, les acteurs de terrain s’accordent : la validation des notes conceptuelles n’a peut-être duré que deux jours, mais elle ouvre une décennie d’espoirs pour la biodiversité congolaise et ses gardiens.
Pour toute information, la direction des programmes verts rappelle que les formulaires de pré-inscription aux PSE sont disponibles dans les mairies d’arrondissement et au guichet unique du ministère, avenue Forescom, chaque mercredi après-midi.
Ainsi se met en place, pas à pas, une nouvelle économie des écosystèmes où la forêt n’est plus perçue comme un puits de bois, mais comme un capital vivant à partager équitablement.
