Les coulisses d’une visite stratégique
Le Représentant pays du Programme alimentaire mondial a poussé la porte des bureaux de Catholic Relief Services à Brazzaville le 30 septembre 2025. Autour de la table, l’enjeu était clair : mesurer, en conditions réelles, l’impact du programme McGovern-Dole sur les écoles congolaises.
Cette visite officielle, courtoise mais studieuse, s’inscrivait dans le suivi régulier d’un partenariat qui alimente chaque jour plus de cent soixante-cinq établissements, répartis dans la Bouenza, la Cuvette et le Pool.
Un programme quinquennal axé sur les solutions
Porté par le Département américain de l’Agriculture, le programme quinquennal 2022-2026 marie cantine scolaire, eau propre, hygiène, nutrition et égalité des genres pour créer un cercle vertueux d’apprentissage.
CRS en est le bras opérationnel sur le terrain. L’organisation coordonne la construction d’infrastructures, la mobilisation communautaire et la récolte des données, tandis que le PAM assume la chaîne d’approvisionnement et le plaidoyer auprès des autorités éducatives.
Eau potable et latrines, premier levier de santé
Dans beaucoup d’écoles rurales, le premier défi reste l’accès à l’eau potable. Grâce aux forages équipés de pompes solaires et aux blocs sanitaires séparés pour filles et garçons, l’absentéisme lié aux maladies hydriques aurait diminué de moitié, selon les registres locaux.
« Nos latrines étaient hors d’usage ; aujourd’hui les enfants viennent sans crainte », témoigne Madame Émilienne, directrice de l’école Nganga-Lingolo 2, où un système de lavage de mains simple mais robuste fait désormais partie du paysage.
Des jardins scolaires qui verdissent la cantine
L’autre innovation visible est le jardin scolaire, aménagé derrière la salle de classe. Manioc, amarantes et tomates y poussent en planches irriguées par l’eau récupérée des toitures. Les récoltes complètent la ration de riz enrichi fournie par le PAM, diversifiant la nutrition.
Selon le Directeur départemental de l’Agriculture de la Bouenza, ces potagers servent aussi de classes à ciel ouvert : « Les élèves apprennent le cycle des plantes et ramènent les bonnes pratiques chez eux ». Un vecteur discret d’agro-écologie et d’égalité alimentaire.
Les statistiques partagées indiquent une augmentation moyenne de 12 % des taux de présence en classe depuis 2022, avec un pic chez les filles de CM2. La combinaison d’un repas chaud et d’installations sanitaires adaptées est citée par les enseignants comme principal moteur de cette évolution.
L’épargne communautaire, nouvelle corde de résilience
Pour renforcer la résilience économique, CRS introduit dans la Bouenza un dispositif pilote de Communautés d’épargne et de crédit interne. Constitués de parents d’élèves, ces groupes mettent de petites sommes en commun et octroient des microprêts destinés aux frais scolaires ou aux semences.
Marie-Claire, trésorière du groupe Mpeve Ya Nlongo, raconte avoir financé un élevage de poules : « En six mois, j’ai doublé mon capital et je paie les cahiers de mes deux filles ». Le lien entre inclusion financière et réussite scolaire se matérialise ainsi à l’échelle du village.
Défis logistiques, réponses concertées
Le tableau n’est toutefois pas exempt de défis. Les pistes secondaires impraticables pendant la saison des pluies retardent l’acheminement des vivres et du ciment. Des solutions hybrides, combinant transport fluvial et stockage avancé, sont actuellement testées avec l’appui des autorités départementales.
L’autre priorité identifiée reste la formation continue des comités de gestion scolaire. Les partenaires envisagent des modules mobiles, dispensés via tablettes hors ligne, pour standardiser la tenue des registres et le suivi des indicateurs nutritionnels même dans les écoles les plus isolées.
Le Représentant du PAM s’est félicité de la « très forte appropriation locale », soulignant que la vision du Gouvernement congolais pour l’école inclusive facilite la coordination. Les cadres du ministère de l’Enseignement primaire, invités à la réunion, ont confirmé leur soutien technique.
Selon le Directeur adjoint du PAM, cette synergie devrait ouvrir la porte à de nouvelles ressources, notamment climato-financières, pour verdir davantage les cuisines scolaires par des foyers améliorés à biomasse locale.
Un tableau de bord en ligne, hébergé sur les serveurs du PAM, agrège désormais les données de fréquentation, de qualité de l’eau et de rendement des jardins. Les chefs d’établissement, formés à l’usage des smartphones, envoient chaque vendredi leurs indicateurs via l’application KoboCollect.
Un horizon partagé pour les écoliers de demain
À l’issue de la rencontre, un plan d’action révisé fixe des jalons trimestriels jusqu’en 2026. Il privilégie la remontée numérique des données, l’implication accrue des maires et une communication inclusive afin que chaque enfant, fille ou garçon, profite pleinement de l’investissement.
Pour la Directrice des Programmes de CRS, l’enjeu dépasse les repas : « Nous voulons que l’école devienne un hub de développement durable, inspirant la communauté ». Les sourires aperçus dans les files du déjeuner donnent un avant-goût de cette ambition collective.
Ainsi, entre forages, potagers et cahiers remplis, le programme McGovern-Dole trace une voie pratique vers la sécurité alimentaire scolaire au Congo, tout en nourrissant l’espoir d’une génération plus instruite, en meilleure santé et capable de relever les défis climatiques futurs.
