Le potentiel éco-touristique congolais en chiffres
Au bord du fleuve Congo, la conférence débat précédant la Journée mondiale du tourisme a réuni administrations, investisseurs, chercheurs et guides communautaires. Tous ont rappelé qu’un voyageur sur deux dans le monde recherche désormais une destination respectueuse de la planète, selon l’Organisation mondiale du tourisme.
Le Congo compte quatorze aires protégées, soit près de 13 % du territoire national. Les parcs d’Odzala-Kokoua et de Conkouati-Douli, réputés pour leurs éléphants de forêt et leurs plages de ponte de tortues luth, concentrent 80 000 visiteurs potentiels par an selon l’Agence congolaise des parcs.
En 2022, les recettes directes du tourisme nature ont atteint 28 milliards de francs CFA, un bond de 16 % par rapport à 2021, malgré les contraintes sanitaires. Chaque visiteur dépense en moyenne 95 000 francs dans l’économie locale, d’après les données du ministère.
Réformes récentes pour un secteur plus vert
Depuis 2020, la loi portant Code du tourisme consacre un chapitre à l’écocertification des hébergements et pistes d’observation. Trois lodges pilotes viennent d’obtenir le label national Zenga Vert, qui impose énergie solaire, gestion séparée des déchets et priorité d’emploi aux riverains.
Le directeur général du tourisme, Simplice Ibara, souligne que plus de 200 guides viennent de suivre un module obligatoire sur les gestes écologiques, animé par l’École nationale d’hôtellerie. Le numéro vert 1414 permet déjà aux visiteurs de signaler toute infraction environnementale.
Pour favoriser l’accès à ces sites, le gouvernement a réhabilité 120 kilomètres de pistes latéritiques en utilisant du gravier compacté local, moins carboné que l’asphalte importé. Le chantier, cofinancé par la Banque de développement des États d’Afrique centrale, a généré 600 emplois saisonniers.
La voix des communautés riveraines
À Mbomo, village porte d’entrée d’Odzala, Lydie Oba vend des paniers tissés avec des fibres de raphia certifiées FSC. « Les touristes achètent sans marchander quand ils voient le logo vert. Mon revenu a doublé », témoigne-t-elle, sourire aux lèvres, devant son atelier flambant neuf.
Le chef traditionnel, Augustin Batsikoula, rappelle que 30 % des droits d’entrée au parc sont reversés au fonds villageois. Cette manne finance actuellement un forage solaire qui sécurisera l’eau potable pour 2 000 habitants, réduisant les maladies hydriques signalées par le centre de santé.
Pour garantir la cohabitation avec la faune, les éco-gardes forment désormais les agriculteurs à l’api-culture. Les ruches, disposées en clôture vivante, éloignent les éléphants tout en produisant un miel labellisé Odzala Gold, vendu 4 000 francs le pot à Brazzaville.
Innovation et data pour gérer la fréquentation
L’antenne EarthLab Brazza diffuse chaque mois une carte thermique des flux de visiteurs, obtenue par analyse anonymisée des signaux GPS des téléphones. Les gestionnaires ajustent ainsi les quotas d’entrées afin d’éviter la surcharge dans les clairières salines très sensibles.
Selon la start-up congolaise Map&Joy, ces algorithmes ont permis de répartir 12 000 visiteurs supplémentaires sans abattage d’arbres pour créer de nouveaux sentiers. Les émissions liées au transport interne ont baissé de 8 % grâce à un service de navette électrique couplé à l’application.
Le ministère annonce l’arrivée en 2024 d’un pass numérique unique, intégrant billet, assurance et compensation carbone volontaire. Une pincée de code QR suffira à alimenter un tableau de bord public qui présentera en temps réel la fréquentation et les recettes redistribuées.
Perspectives économiques inclusives
D’après la Banque mondiale, le tourisme durable pourrait représenter 5 % du PIB congolais en 2030 si les investissements se maintiennent. Une ligne de crédit de 30 millions de dollars vient d’être ouverte par Afreximbank pour soutenir les PME touristiques dirigées par des femmes.
Pour l’économiste Elvire Mabiala, la priorité est de renforcer les formations en marketing digital afin que les acteurs locaux captent directement les réservations. Elle préconise un centre collaboratif à Pointe-Noire, connecté à la fibre, où coopératives et start-up partageraient images, vidéos et forfaits multilingues.
À Brazzaville, l’incubateur JokkoLabs expérimente déjà un atelier photo équipé de panneaux solaires. Le studio propose un forfait à 1 500 francs pour produire une e-carte postale et l’intégrer sur la plateforme VisitCongo. En deux mois, 2 300 cartes ont été achetées par la diaspora.
Les voyageurs peuvent composer le 1407, service d’assistance bilingue, pour connaître les conditions d’accès aux parcs ou signaler une urgence. Les opérateurs orientent vers la gendarmerie la plus proche, un service médical ou les guides agréés, assurant une expérience sûre et harmonieuse pour tous.
Le plateau technique de l’Institut national de la statistique va publier chaque trimestre un indice de durabilité touristique, combinant empreinte carbone, taux de visiteurs locaux et part d’achats de produits artisanaux. Cet outil guidera financiers et communes dans le ciblage de subventions.
Comme le rappelle la ministre Marie Hélène Lydie Pontault, « investir dans le tourisme durable, c’est construire un héritage commun où nos enfants pourront encore écouter le chant des gorilles dans la brume ». L’appel résonne comme un cap, plus qu’une simple promesse.
