Brazzaville face aux pluies intenses
Chaque année, la reprise des orages tropicaux fait ressurgir les souvenirs de rues submergées et de chaussées devenues impraticables. À Brazzaville, la saison humide rime encore avec débordements de cours d’eau et déplacements périlleux pour les habitants des quartiers les plus bas.
Selon les relevés de la Direction générale de la météorologie, la capitale peut recevoir jusqu’à 1 400 mm de précipitations entre octobre et mai, avec des épisodes plus concentrés lors de décrochements de la zone de convergence intertropicale. Ces pluies intenses testent la robustesse des infrastructures urbaines.
Les services municipaux rappellent que la vulnérabilité tient autant à l’urbanisation rapide qu’au changement climatique, lequel accroît la fréquence des averses courtes et violentes. L’enjeu consiste désormais à adapter la ville sans ralentir son dynamisme économique.
Avenue de l’Union africaine, un axe vital
Dans le 7ᵉ arrondissement, l’avenue de l’Union africaine traverse le collecteur naturel Tsiémé. Cette voie, empruntée chaque jour par des milliers de passagers reliant Kombo-Matari au centre-ville, se transforme souvent en chenal boueux lors des orages.
Le lit de la rivière, limité par des remblais successifs, ne parvient plus à contenir la crue. À la première trombe d’eau, les automobilistes stoppent, les piétons se déchaussent, et les marchands improvisent des pirogues contre une modeste rémunération de 250 à 500 FCFA pour franchir le courant.
En saison sèche, la poussière succède à l’eau, soulevant d’autres soucis sanitaires : irritations oculaires, grippe, asthme. Le paradoxe d’une route tantôt noyée, tantôt poussiéreuse, symbolise les défis de gestion d’une infrastructure essentielle exposée à des extrêmes opposés.
Comprendre l’origine des inondations
Les techniciens de la mairie évoquent l’absence d’un système complet de drainage pluvial. Les caniveaux latéraux exécutés dans les années 1980 se révèlent sous-dimensionnés face à la croissance urbaine et au colmatage par déchets solides.
L’imperméabilisation rapide des sols aggrave la situation. Les toitures en tôle et les enrobés routiers accélèrent le ruissellement, tandis que l’emprise des zones humides diminue. Les eaux de pluie convergent alors vers la Tsiémé déjà contrainte dans son chenal.
Le Programme national d’adaptation au changement climatique recommande de restaurer la capacité de rétention des petits bassins versants, en combinant ouvrages gris, bassins tampons et corridors végétalisés capables d’absorber les crues éclairs.
Des chantiers publics en cours d’accélération
Le ministère de l’Équipement, de l’Aménagement du territoire et des Grands travaux pilote un projet de recalibrage du collecteur sur trois kilomètres. Les premiers engins ont déblayé des berges afin de faciliter l’écoulement et réduire la hauteur de la lame d’eau à chaque pluie.
Un second volet porte sur la réhabilitation de la chaussée. Les ingénieurs prévoient un revêtement bitumineux drainant, doublé de canalisations souterraines raccordées à un exutoire vers le fleuve Congo. Le calendrier, présenté aux associations de quartier, fixe une mise en service progressive à partir de 2025.
« Nous mettons un point d’honneur à maintenir la circulation durant les travaux », assure Marc Motando, chef de projet. Des déviations temporaires et des passages piétons surélevés sont en cours d’installation pour limiter l’impact sur la vie quotidienne.
Ingénierie verte et initiatives citoyennes
Au-delà des ouvrages, les urbanistes encouragent les toitures végétalisées et les jardins de pluie chez les particuliers. De telles surfaces retiennent jusqu’à 30 % des précipitations et réduisent la charge sur les caniveaux, indiquent les études de l’Université Marien-Ngouabi.
L’ONG Eau & Ville propose des cuves de récupération de pluie de 2 000 litres vendues à prix subventionné. Vingt-cinq familles pilotes dans Mfilou-Ngamaba alimentent déjà leurs potagers et réduisent les flaques génératrices de moustiques.
Dans le même esprit, des jeunes du collectif Kongo-Net réalisent chaque samedi des campagnes de nettoyage des drains. Leur slogan, « Moins de déchets, plus de sécurité », rappelle que huit bouchons sur dix sont causés par des plastiques abandonnés.
Témoignages et aspirations des riverains
Sylvie, vendeuse de fruits, se souvient d’une traversée périlleuse l’an dernier : « J’ai perdu ma marchandise dans l’eau. Aujourd’hui, je stocke en hauteur et j’appelle le 1488, numéro d’alerte inondation du district, dès qu’un nuage noir s’annonce. »
Plus loin, Jean-Philippe, conducteur de taxi-bus, accueille positivement les travaux : « À chaque crue, j’achetais des plaquettes de frein nouvelles. Si la route tient, nous pourrons baisser les tarifs et rouler plus longtemps. »
Les comités de quartier, réunis sous la coordination de la mairie, rédigent désormais des rapports mensuels sur l’état des caniveaux. Ces retours de terrain guident l’allocation des engins d’assainissement et favorisent un suivi participatif.
Conseils pratiques pendant la saison humide
Les autorités sanitaires recommandent de désinfecter l’eau de boisson avec des pastilles chlorées disponibles au centre de santé de Ngamaba. Une fiole permet de traiter vingt litres à moindre coût et d’éviter diarrhées et typhoïdes.
La Cellule de protection civile conseille de conserver une radio à piles et une lampe torche accessible. En cas d’alerte orange, la montée de la Tsiémé peut atteindre 40 cm en moins de quinze minutes. Mieux vaut préparer un sac étanche pour documents et médicaments.
Enfin, la préfecture rappelle que tout dépôt d’ordures dans un drain est passible d’une amende forfaitaire. La contravention, fixée à 10 000 FCFA, sera réinvestie dans le curage préventif, bouclant ainsi la boucle entre responsabilité individuelle et intérêt collectif.
