Une adresse sous le sceau de l’urgence mondiale
À New York, le 24 septembre 2025, le président Denis Sassou Nguesso a pris la parole devant la 80e Assemblée générale des Nations Unies. Sa déclaration, longue de près de trente minutes, a dressé un tableau sans fard des défis planétaires.
Des conflits armés au climat instable, le chef de l’État congolais a insisté sur « notre responsabilité collective ». Son intervention visait à rappeler le sens premier de l’ONU : garantir la paix, la dignité et le progrès commun.
Une tribune pour le multilatéralisme rénové
Denis Sassou Nguesso a fustigé « les logiques de confrontation » qui affaiblissent la coopération internationale. Pour lui, le Conseil de sécurité doit s’ouvrir aux réalités du XXIᵉ siècle en accordant un siège permanent à l’Afrique.
Cette revendication gagne du terrain depuis la réforme inachevée de 2005. Selon la constitutionnaliste Élise Keita, « mettre le continent au centre des décisions serait un gage d’équité et d’efficacité, notamment sur les dossiers climatiques ».
Les diplomates présents confirment qu’une résolution africaine se prépare pour 2026. Elle pourra compter sur l’appui d’États latino-américains et asiatiques, sensibles à l’idée d’un nouvel équilibre Nord-Sud plus inclusif.
Le Congo, médiateur et partenaire climatique
Devant les délégués, le président a rappelé que son pays « œuvre pour l’amitié entre tous les peuples » et soutient la solution à deux États au Proche-Orient ainsi que la levée de l’embargo contre Cuba.
Sur le climat, il a exhorté au respect de l’Accord de Paris et dénoncé toute tentation de transformer la lutte climatique en champ de rivalités commerciales. « Le climat doit devenir un motif de solidarité planétaire », a-t-il martelé.
Bangui Ebina, expert congolais du GIEC, voit dans ce discours « une continuité logique des positions du Congo, pivot forestier du continent, mais aussi un signal adressé aux bailleurs qui tardent à financer l’adaptation ».
La Décennie mondiale du boisement : un levier pour le bassin
Initiative portée par Brazzaville, la Décennie 2021-2030 sur le boisement et le reboisement a officiellement été adoptée par l’Assemblée générale. Elle vise à restaurer 350 millions d’hectares dans le monde, dont huit millions au Congo.
Dans la Sangha, la coopérative Ngami compte déjà huit pépinières communautaires. La présidente Brigitte Makaya explique que « chaque plant vendu finance un fonds scolaire local. Le reboisement devient ainsi une affaire de développement humain ».
L’enjeu est aussi financier. Les crédits carbone générés pourraient attirer jusqu’à 200 millions de dollars, selon le ministère de l’Économie forestière. Un comité inter-agences doit finaliser d’ici fin 2025 la méthodologie de certification.
Il s’agit aussi d’une vitrine diplomatique. En initiant la Décennie, le Congo cherche à fédérer les États voisins pour former un corridor vert capable de stocker davantage de carbone que l’Amazonie, selon une étude du CIFOR.
Financements, dette et ODD : les attentes concrètes
Le chef de l’État a réclamé la fin des « mécanismes qui étranglent les économies vulnérables ». La question de la dette retient particulièrement l’attention, alors que les taux d’intérêt mondiaux sont redevenus élevés.
Pour l’économiste Fabrice Okemba, un rééchelonnement ciblé libérerait jusqu’à 3 % du PIB national, somme « à réinvestir dans les écoles, les hôpitaux et l’agriculture climato-intelligente ». Des pourparlers sont annoncés avec le Club de Paris.
Denis Sassou Nguesso plaide également pour un accès préférentiel aux financements verts. La stratégie nationale ESG, lancée en 2024, devrait publier son premier rapport d’impact social et environnemental avant le sommet COP30 de Belém.
Dans les couloirs de l’ONU, plusieurs bailleurs évoquent la création d’un guichet unique destiné aux projets d’adaptation portés par les pays forestiers. Brazzaville espère y canaliser ses programmes eau-énergie-forêts dès 2026.
Voix des communautés : espoirs et vigilances
À Makoua, Jeanne Ongani, agricultrice, suit attentivement les promesses onusiennes. « On parle de solidarité, mais nous, ce que l’on attend, c’est l’eau dans le champ et une route praticable pour vendre nos bananes », confie-t-elle.
Les ONG locales saluent toutefois l’accent mis sur l’éducation. Le réseau Jeunes pour le Climat rappelle que 60 % de la population a moins de vingt-cinq ans. Chaque financement obtenu gagnera donc en impact s’il cible les écoles rurales.
Du côté des chercheurs, on souligne la nécessité de données ouvertes. Le professeur Irène Mabika propose la création d’un observatoire des politiques publiques « pour mesurer année après année la mise en œuvre des engagements pris à New York ».
Malgré les défis, l’optimisme domine. Les participants congolais à l’Assemblée générale repartent convaincus qu’une fenêtre s’ouvre pour « replacer l’Afrique au centre des solutions planétaires », résume le négociateur Stéphane Tounda.
