Jeunesse congolaise mobilisée pour le climat
Dans l’amphithéâtre du Palais des congrès de Brazzaville, plus de trois cents jeunes se sont réunis pour la première Conférence locale de la jeunesse sur le climat, LCOY, déterminés à transformer leur inquiétude face aux aléas climatiques en propositions concrètes pour le territoire.
« Nous savons qu’aucun plan pour le Congo ne peut réussir sans sa jeunesse », a résumé Bienvenu Mombouli, coordonnateur de l’événement, en ouvrant les travaux. Dix-huit ateliers interactifs ont confronté ONG étudiantes, collectifs ruraux, développeurs d’applications et députés juniors autour des enjeux forêt-climat.
Enjeu crucial de l’accès aux financements
Très vite, un obstacle commun a émergé : le labyrinthe administratif qui sépare les innovateurs locaux des grands guichets climatiques internationaux. Les participants ont dressé la liste des formulaires, garanties bancaires et audits réclamés par le Fonds vert pour le climat, souvent hors de portée.
Selon une enquête présentée par l’association Ndima, 68 % des micro-projets communautaires déposés depuis 2021 n’ont pas dépassé la première étape de sélection, faute de capacité juridique ou d’apport initial. « Le financement reste le talon d’Achille de notre action », a rappelé la militante Adèle Goma.
Vers un fonds national d’adaptation
Pour combler cette brèche, les délégués ont recommandé la création d’un fonds climatique national, dédié à l’adaptation et à l’atténuation, doté de procédures simplifiées. L’idée n’est pas de remplacer les guichets existants, mais d’agir comme tremplin financier afin de co-investir ensuite avec les mécanismes régionaux.
La ministre de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault, présente lors de la séance de clôture, a salué « une proposition réaliste qui consolide la Vision Verte nationale ». Elle a indiqué qu’un comité technique allait étudier les modalités de ce fonds, en associant Trésor public, banques et jeunesse.
Marchés carbone: cap sur la formation
Autre angle fort : la monétisation des services écosystémiques. Les jeunes veulent comprendre les normes REDD+ et les méthodologies de certification carbone. Une session pratique a simulé le suivi d’une parcelle communautaire via drones et données Sentinel, confirmant l’intérêt des outils de télédétection pour prouver l’impact.
« Sans compétence, pas de confiance des investisseurs », a insisté le géomaticien Jean-Claude Itsoua, auteur d’un guide sur la mesure du carbone forestier. Il propose la mise en place d’un centre de ressources ouvert dans chaque chef-lieu de département, pour vulgariser ces protocoles auprès des agriculteurs.
Responsabilité sociétale et partenariats privés
Le débat a ensuite glissé vers le rôle du secteur privé. Plusieurs start-up énergie propre ont présenté leur modèle, à l’image de Kiama Solar qui équipe des villages en lampadaires photovoltaïques. Elles appellent à un crédit d’impôt vert et à des contrats d’achat garantis de l’État.
Les représentants des compagnies minières ont, eux, évoqué leurs budgets RSE. « Orienter 1 % de notre chiffre d’affaires vers des projets climatiques portés par des jeunes est envisageable si les dossiers sont solides », a avancé un cadre de Zanaga Iron. Une promesse accueillie avec prudence mais espoir.
Plaidoyer en vue de la COP30
À l’issue des trois jours, un document de six pages synthétise les priorités : fonds national, guichet unique d’accompagnement, incubation verte, accès aux données publiques et quotas carbone réservés aux initiatives locales. Ce texte servira de base au plaidoyer officiel durant les réunions préparatoires de la COP30.
Les jeunes négociateurs comptent s’appuyer sur la diplomatie congolaise, déjà active au sein de la Commission Climat du Bassin du Congo, pour porter ces messages. « Nous avançons ensemble, gouvernement, société civile et entreprises, pour que notre voix compte à Belém en 2025 », a conclu Mombouli.
Prochaines étapes et outils pratiques
Dans la foulée, un calendrier d’actions a été arrêté : webinaires mensuels, cartographie participative des besoins par département, et publication d’un guide “Financer mon projet climat” rédigé en français facile. Une ligne téléphonique gratuite, le 1390, doit également répondre aux questions des porteurs d’initiatives rurales.
Un partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi prévoit d’intégrer, dès la prochaine rentrée, un module « Montage de projets verts » ouvert aux non-étudiants. Ce pont entre savoir académique et terrain vise à créer, selon la doyenne Antoinette Loussala, « une génération d’entrepreneurs climatiques enracinés et compétents ».
Les observateurs saluent la synergie nouvelle. L’économiste Sylvain Mabiala rappelle que chaque franc investi localement démultiplie l’effet emploi et retient les jeunes talents dans le pays. Il plaide pour un tableau de bord public en ligne, afin de suivre l’utilisation des ressources et renforcer la transparence.
Avec cette LCOY, la jeunesse congolaise vient de poser la première pierre d’une architecture financière plus inclusive. Si les annonces se concrétisent, des villages du Niari aux quartiers périphériques de Brazzaville, les acteurs locaux disposeront enfin des leviers nécessaires pour protéger forêt, eau et climat.
