Mobilisation collective inédite à Brazzaville
Dès l’aube du 1er septembre 2025, la capitale s’est éveillée au son des pelles et des balais. Sur toutes les rives de la Mfoa, riverains et ONG s’activent pour dégorger les caniveaux. «Il faut que l’eau puisse circuler avant les pluies», insiste un volontaire du quartier 42.
Des collecteurs stratégiques contre les crues
Le collecteur Maduku Tsékélé, long de plusieurs centaines de mètres entre la rue Mbochi et l’avenue de France, figure parmi les ouvrages les plus critiques. Obstrué, il provoquait chaque saison des débordements. Le dégager réduit le risque d’inondation et de maladies hydriques dans trois arrondissements adjacents.
Des berges de la Tsiémé aux artères de Moungali
Au nord, les fidèles de l’Église Liloba ont raclé la vase sur l’avenue de la Tsiémé. Plus au centre, les jeunes éveillés de Moungali se relaient entre l’avenue des Trois-Martyrs et la rue Lénine. Partout, le même mot d’ordre: rendre les drains fonctionnels avant la prochaine ondée.
Pilotage et vision du ministère de l’Assainissement
L’opération trouve son origine dans une circulaire gouvernementale valorisant la salubrité comme «service essentiel». Le ministre Juste Désiré Mondelé a fixé des pancartes de sensibilisation sur les garde-fous, rappelant les amendes encourues. Son conseiller, Roger Christian Itoua, souligne «la nécessité d’un engagement citoyen permanent, au-delà des campagnes ponctuelles».
Financement public et partenariats privés
La direction générale de l’Assainissement a mobilisé des fonds pour couvrir carburant, masque et gants. La société Albayrak, délégataire du service public de déchets, fournit pelles hydrauliques et camions. Ce dispositif mixte offre un retour d’expérience précieux pour d’autres villes du pays appelées à adopter des pratiques similaires.
ONG, Églises et jeunes volontaires en action
«Salubrité sans frontière» et «Congo propre» drainent une centaine de bénévoles. Ils trient les détritus avant chargement: blocs de plastique, tissus mouillés, sables. Le pasteur de Liloba voit dans le curage «un acte de foi tangible». Les réseaux de jeunesse, eux, y trouvent un terrain d’apprentissage civique.
Cartographie participative des points noirs
Munis de smartphones, certains volontaires géolocalisent les zones débarrassées. Les données alimentent une carte interactive testée par la mairie. Repérer plus vite les secteurs engorgés permet de déployer les engins avec parcimonie, limitant le coût carbone des rotations et améliorant la traçabilité des interventions futures.
Formation et traçabilité des pré-collecteurs
Quatre-vingt opérateurs de pré-collecte ont reçu une session express sur le tri et les sites autorisés. «Le ministère veille à ce qu’aucun sac n’atterrisse dans le fleuve», rappelle Itoua. Les bennes d’Albayrak pèsent la charge et délivrent un bordereau numérique, clé pour suivre les volumes évacués.
Motiver par la sanction et la pédagogie
Au quartier 42, la cheffe Marie-Claire Bouanga rappelle que jeter dans la Mfoa expose à des sanctions. «Les contrevenants seront sévèrement punis», prévient-elle. Elle note cependant que la pose de pancartes a déjà réduit la fréquence des dépôts sauvages, preuve qu’un rappel visuel change les comportements.
Valorisation des déchets et filières locales
Une partie du sable dragué sert désormais à reboucher les nids-de-poule. Les plastiques triés rejoignent l’atelier de recyclage Mfilou-Plast. Cette boucle locale diminue les frais de transport et crée de petites opportunités économiques, appréciées par les jeunes en quête d’activité quotidienne.
Engins et innovation logistique
Pelleteuses à long bras, hydrocurages basse pression et compacteurs mobiles accompagnent les brigades. Leur déploiement ciblé repose sur des relevés topographiques récents. Un ingénieur de la direction technique explique que «la profondeur réelle des collecteurs atteint parfois trois mètres», d’où la nécessité d’engins adaptés pour protéger la santé des manœuvres.
Santé publique et changement climatique
Un caniveau bouché devient incubateur de moustiques. Les services de santé observent une corrélation entre zones curées et baisse des cas de paludisme urbain. À l’échelle climatique, un réseau de drainage fonctionnel évacue plus vite les eaux torrentielles, limitant les dégâts lorsque les pluies sont soudainement plus intenses.
Suivi par données ouvertes et implication citoyenne
La plate-forme numérique OpenDrain affiche photos avant-après, volumes extraits et coordonnées GPS. Chaque résident peut signaler un débordement via un numéro vert gratuit. Cette transparence nourrit la confiance, tout en éveillant la vigilance des habitants qui deviennent gardiens des infrastructures de leur propre quartier.
Retours de terrain et premiers résultats
À Makélékélé, on compte déjà vingt-trois points d’écoulement rétablis. Les conducteurs de taxi confirment une circulation plus fluide, les flaques persistantes ayant disparu. Les marchandes de légumes du rond-point Moungali notent que leurs étals restent secs plus longtemps, réduisant les pertes liées à la macération des produits frais.
Prochaines étapes et financement durable
Le gouvernement projette d’étendre le modèle aux villes de Dolisie et Pointe-Noire. Un fonds dédié à la maintenance régulière, alimenté par une petite part de la taxe d’habitation, est à l’étude. Les ONG souhaitent aussi intégrer des programmes d’éducation scolaire pour ancrer dès l’enfance la culture de la propreté urbaine.
Infos pratiques pour participer
Les habitants peuvent rejoindre les brigades chaque premier samedi du mois. Rendez-vous à 6 heures sur les sites repérés par la mairie. Le numéro vert 1013 permet de signaler un collecteur obstrué. Des masques, gants et gilets réfléchissants sont fournis sur place, ainsi qu’une collation énergétique en fin de matinée.
